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Jean Bodin, Les six livres de la République, (1583)

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[p. 293]

CHAPITRE V

De la puissance des Magistrats sur les particuliers

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Nous avons dit que le Magistrat est l'officier qui a commandement public, or, celui a commandement, lequel a puissance publique de contraindre ceux qui ne veulent obéir à ce qu'il enjoint, ou qui contreviennent à ses défenses, et qui peut lever les défenses par lui faites ; car la loi qui dit que la force des lois gît à commander, défendre, permettre et punir, est plus propre aux magistrats qu'à la loi, qui est muette. Et le magistrat est la vive loi qui fait tout cela, vu que la loi ne porte que les commandements ou défenses, [choses] qui seraient illusoires si la peine et le magistrat n'étaient au pied de la loi, pour celui qui contrevient, combien qu'à parler proprement la loi n'a rien que la prohibition et les menaces à faute d'obéir, attendu que celui qui commande défend de contrevenir à son commandement. Et, quant à la permis-[p. 294] sion, ce n'est pas loi, car la permission lève les défenses, et ne porte ni peine ni menace, sans lesquelles la loi ne peut être, vu que loi ne signifie autre chose que le commandement du souverain, ainsi que nous avons dit. Et quelque menace ou peine qui soit apposée en la loi, jamais pourtant la peine ne s'ensuit [de] la désobéissance qu'il ne soit dit par la bouche du Magistrat ; de sorte que toute la force des lois gît en ceux qui ont le commandement, soit le Prince souverain, soit le Magistrat, c'est-à-dire puissance de contraindre les sujets d'obéir, ou de les punir. En quoi gît l'exécution des commandements, que Démosthène appelait les nerfs de la République.

La force du commandement gît en la contrainte. J'ai dit puissance publique, pour la différence qu'il y a de la puissance domestique. J'ai dit puissance de contraindre, pour la différence de ceux qui ont connaissance des causes, qui jugent et donnent sentences, et font citer par-devant eux ; mais ils n'ont point de puissance de contraindre, ni de mettre en exécution leurs sentences et commandements ; [tout] comme les anciens Pontifes, et maintenant les Évêques, et anciennement les commissaires délégués par les Magistrats, [qui] avaient bien puissance de connaître des causes qui leur étaient commises, et de condamner, et même souvent ils

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appelaient les parties par-devant eux, mais ils n'avaient puissance de contraindre, [mais] ils envoyaient leurs sentences aux Magistrats pour les ratifier, ou casser, et les faire exécuter si bon leur semblait. C'est pourquoi la loi dit que celui qui avait par force enlevé quelqu'un qu'on menait aux Commissaires donnés par les Juges, n'est point sujet à la peine de la loi qu'il eût encourue si le commissaire eût eu commandement ; comme à présent par nos coutumes et ordonnances, les Juges commissaires ont puissance de commander, et faire exécuter leurs sentences par les sergents [p. 295] et autres personnes publiques, en vertu des commissions qu'ils décernent, scellées de leur cachet. Mais les Évêques n'ayant aucune puissance de contraindre, envoient leurs sentences pour exécuter aux Magistrats ; comme font en tout l'Orient les Cadis, et Paracadis, qui ont connaissance de tous procès, et n'ont aucune puissance de contraindre, [mais] ils envoient leurs jugements aux Soubachis, qui ont le commandement et la force en main. Nous avons dit que la première contrainte de tous ceux qui ont puissance de commander, est la mainmise, tant sur les personnes, que sur les biens, que les anciens appelaient Prehensio. Car ce n'est rien de faire appeler par-devant soi, ni de juger, ni de condamner à l'amende, qui n'a la mainmise pour saisir les biens ou la personne de celui qui désobéit. Nous avons montré que tel a mainmise, qui n'a pas puissance de faire appeler par-devant soi, ni de connaître, ni de bailler mainlevée, ni d'élargir ceux qu'il a mis en prison, comme nous avons montré des Tribuns du peuple, des onze magistrats en Athènes, du Triumvir capital en Rome, des Avogadours en Venise, des gens du Roi, et procureurs de ceux qui ont droit de fisc ès autres Royaumes et Républiques, et des commissaires du Châtelet de Paris, qui peuvent emprisonner, et saisir, et ne peuvent toutefois bailler mainlevée, qui appartient seulement aux Magistrats, qui ont pouvoir de condamner et absoudre, et connaître les uns des biens, les autres des biens et de l'honneur, les autres des biens, de l'honneur, et des peines corporelles jusqu'à la mort exclusivement, les autres inclusivement : et qui sujet à l'appel, qui exécute nonobstant l'appel.

La plus haute marque de la Majesté. Le dernier degré est la puissance de la vie et de la mort, c'est-à-dire puissance de condamner à mort, et donner la vie à celui qui a mérité la mort : [ce] qui est la plus [p. 296] haute marque de souveraineté, et propre à la Majesté, privativement à tous Magistrats, comme nous avons dit ci-dessus. Ainsi, peut-on juger qu'il y a deux sortes de commander par puissance publique : l'une en souveraineté, qui est absolue, infinie, et par-dessus les lois, les magistrats et les particuliers ; l'autre est légitime, sujette aux lois et au souverain, qui est propre aux magistrats et à ceux qui ont puissance extraordinaire de commander, jusqu'à ce qu'ils soient révoqués, ou que leur commission soit expirée. Le Prince souverain ne reconnaît, après Dieu, rien plus grand que soi-même ; le magistrat tient après Dieu, du Prince souverain sa puissance, et demeure toujours sujet à lui et à ses lois ; les particuliers reconnaissent après Dieu (qu'il faut toujours mettre le premier) leur Prince souverain, ses lois, et ses magistrats, chacun en son ressort. Sous le nom de Magistrats, j'entends aussi ceux qui ont la juridiction annexée aux fiefs, attendu qu'ils la tiennent aussi bien du Prince souverain comme les Magistrats, de sorte qu'il semble qu'il n'y a que les Princes souverains qui aient puissance de commander, et qui puissent user proprement de ces mots, impero et jubeo, qui signifiaient anciennement, volo, et imperium, volonté, puisque le vouloir d'un chacun magistrat, et de tous ceux

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qui ont puissance de commander, est lié et dépend entièrement du souverain, qui le peut altérer, changer et révoquer à son plaisir et, pour cette cause, il n'y a pas un magistrat, ni tous ensemble, qui puissent mettre en leurs commissions : Tel est notre plaisir ; et la clause sur peine de la mort : qu'il n'y a que le Prince souverain qui [en] puisse user en édits et ordonnances. [429-432]

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