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Jean Bodin, Les six livres de la République, (1583)

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[p. 103]

Chapitre VII

De ceux qui sont en protection : et [de] la différence entre les alliés, étrangers, et sujets

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Nous avons dit quelle différence il y a entre les sujets, les bourgeois, et les étrangers : disons maintenant des alliés, et premièrement de ceux qui sont en protection parce qu'il n'y a pas un de ceux qui ont écrit de la République, qui ait touché cette corde, qui est toutefois des plus nécessaires pour entendre l'état des Républiques.

Que signifie protection. Le mot de Protection en général, s'étend à tous sujets, qui sont en obéissance d'un Prince ou seigneurie souveraine : comme nous avons dit, que le Prince est obligé de maintenir par la force des armes et des lois ses sujets en sûreté de leurs personnes, biens, et familles ; et les sujets par obligation réciproque, doivent à leur Prince, foi, sujétion, obéissance, aide, et secours ; c'est la première et la plus forte protection qui soit. Car la pro-[p. 104] tection des maîtres envers leurs esclaves, des patrons envers leurs affranchis, des seigneurs envers leurs vassaux, est beaucoup moindre, que des Princes envers leurs sujets, d'autant que l'esclave, l'affranchi, le vassal, doit la foi, hommage, et secours à son seigneur, mais c'est après son Prince souverain duquel il est homme lige ; [de même] aussi, le soldat doit obéissance et secours à son Capitaine, et mérite la mort s'il ne lui fait bouclier au besoin : la loi use du mot Protexit. Mais en tous les traités, le mot de Protection est spécial, et n'emporte aucune sujétion de celui qui est en protection, ni commandement du protecteur envers ses adhérents, [mais] seulement honneur et révérence des adhérents envers le protecteur, qui a pris la défense et protection, sans autre diminution de la majesté des adhérents, sur lesquels le protecteur n'a point de puissance. Aussi le droit de protection est plus beau, plus honorable, et plus magnifique que tous les autres. Car le Prince souverain, le maître, le seigneur, le patron, tirent profit et obéissance pour la défense des sujets, des esclaves, des affranchis, des vassaux ; mais le protecteur se contente de l'honneur et reconnaissance de son adhérent et, s'il en tire autre profit, ce n'est plus protection. Et tout ainsi que celui qui prête, ou accommode autrui de son bien, ou de sa peine, s'il en reçoit profit questuaire, ce n'est ni prêt, ni accommodation, [mais] un pur louage d'homme mercenaire ; aussi, celui qui a

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libéralement promis [de] faire quelque chose pour autrui, est obligé d'accomplir sa promesse sans aucun loyer, et la raison de la loi est quia officio merces non debetur. Or il n'y a promesse plus forte que celle qui est faite de défendre les biens, la vie et l'honneur du faible contre le plus puissant, du pauvre contre le riche, des bons affligés contre la violence des méchants. C'est pourquoi Romule, Roi des Romains, ordonnant [p. 105] l'état de ses sujets pour les nourrir en paix et repos, assigna à chacun des cent gentilshommes qu'il avait choisis pour son conseil privé, le surplus des autres sujets, pour les maintenir en leur protection et sauvegarde, tenant pour exécrable celui qui laisserait la défense de son adhérent ; et de fait les Censeurs notaient d'ignominie ceux qui avaient quitté leurs 1 adhérents. Et qui plus est la loi des douze Tables portait la peine des interdits : Si patronus clienti fraudem faxit, sacer esto. Plutarque dit bien que les adhérents baillaient de l'argent aux patrons pour marier leurs filles, mais il se peut faire qu'il s'est mépris, et qu'il a pris les adhérents pour affranchis, car Denys d'Halicarnasse n'en dit rien. Toutefois, c’est l'un des quatre cas [en lesquels] les sujets sont taillables en ce royaume en plusieurs coutumes. Depuis, les grands seigneurs de Rome commencèrent aussi à prendre en leur protection qui l'une, qui l'autre ville ; comme la maison des Marcels, avait en sa protection la ville de Syracuse, la maison des Antoines avait Boulogne la Grasse, et les étrangers en cas pareil, qui fréquentaient la ville de Rome, avaient aussi leurs protecteurs, qui prenaient leur succession, comme par droit d’Aubaine, s'ils mouraient en Rome, comme il a été dit ci-dessus. Et appelait-on les adhérents, ou avoués, clientes, et les protecteurs, Patrons, pour la similitude qu'il y avait entre les uns et les autres ; mais il y a différence notable, car l'affranchi doit les corvées au patron, et peut être réduit en servitude, s'il est ingrat ; l'adhérent ne doit point de corvées, et ne peut perdre sa liberté pour être ingrat ; l'affranchi doit une partie de ses biens à son patron, ayant survécu l'affranchi ; l'adhérent ne doit rien de sa succession au protecteur. Et combien que le vassal ait beaucoup de choses semblables à l’adhérent, de sorte que plusieurs ont fait une confusion de l'un et [p. 106] l'autre, si est-ce qu'il y a bien différence, car le vassal doit la foi, hommage, aide, secours, et honneur au seigneur. Et s'il commet félonie, ou qu'il désavoue son seigneur, ou pour un démenti par lui donné à son seigneur, il perd son fief, qui est acquis au seigneur par droit de commise ; l'adhérent n'ayant aucun fief du protecteur n'est point en cette crainte. Davantage si le vassal est homme lige, il est naturel sujet, et doit non seulement la foi et hommage, [mais] aussi sujétion et obéissance au seigneur, et Prince souverain, de laquelle il ne peut se départir, sans le consentement de son Prince, [quoiqu]’il déguerpît le fief ; les adhérents ne sont point en ces termes, et ne sont en rien sujets au Protecteur. Le simple vassal, soit Pape, Roi, ou Empereur, est sujet d'autrui, et doit service au seigneur duquel il tient fief, [bien] qu'il puisse, en quittant le fief, s'exempter de la foi, et hommage ; le simple adhérent, s'il est Prince souverain, il ne doit ni service, ni obéissance, ni hommage au protecteur. Le droit de vasselage est nouveau, et depuis la venue des Lombards en Italie, car auparavant il ne s'en trouve rien qu'on puisse assurer. Le droit de protection est très ancien, et auparavant Romule, qui l'emprunta des Grecs, car il était usité en

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Denys d'Halicarnasse, [Antiquités romaines], Livre II.

 

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Thessalie, Égypte, Asie, Slavonie, comme nous lisons ès anciens 1 auteurs. Le vassal au contraire reçoit des héritages, et des fiefs du seigneur, duquel il ne peut être exempté de la foi et hommage qu'il doit, [quoique] le Prince souverain érigeât le fief de son arrière-vassal en Comté, Duché, Marquisat, Principauté, comme il a été jugé par arrêt du Parlement de Paris. En quoi s'est abusé celui qui a tenu que César en ses Mémoires appelle soldurios et devotos, les vassaux, vu qu'il n'y a aucune mention du fief. [J'ajoute] aussi qu'ils étaient vrais et naturels sujets, car leur vie, leurs biens, et leurs personnes [p. 107] étaient consacrés à leur seigneur, [ce] qui est la vraie marque de sujétion que le vassal, et arrière-vassal doivent seulement au Prince souverain, non pas en qualité de vassaux, [mais] en qualité de sujets naturels, qui doivent courir la même fortune que leur Prince, vivre et mourir pour lui s'il est besoin, [encore] que le vassal y soit obligé plus spécialement que les autres sujets.

Vasselage, patronage, et protection, et la différence de tous trois. Qui sont tous arguments nécessaires pour montrer, que les droits de patronage, de vasselage, et de protection, ne doivent pas être confondus [bien] qu'ils aient quelque similitude ensemble ; car le vassal et l'adhérent doivent la foi au seigneur et protecteur, et l'un à l'autre réciproquement obligés, bien que le seigneur ne soit pas tenu de prêter le serment de fidélité au vassal verbalement, comme le protecteur doit à l'adhérent, et se garde solennellement en tous les traités de protection. Aussi le seigneur et le vassal doivent délivrer lettres l'un à l’autre, comme le protecteur et l'adhérent sont obligés à bailler lettres de protection l'un à l'autre ; [pareillement] si la protection est d'un Prince souverain envers l'autre, et [celles-ci] doivent être renouvelées à la venue d'un nouveau Prince, car la protection ne dure que pour la vie du protecteur. Mais pour éclaircir la matière de protection entre Princes souverains de laquelle nous avons traité, il semble que le Prince ou peuple souverain, qui s'est mis en la protection d'un autre, est son sujet. S'il est sujet, il n'est plus souverain et ses sujets seront aussi sujets du protecteur. Et quelle sujétion veut-on plus grande que se mettre en la sauvegarde d'autrui, et le reconnaître pour supérieur ? Car la protection n'est autre chose que la confédération et alliance de eux Princes, ou seigneuries souveraines, en laquelle l'un reconnaît l'autre supérieur, l'un est reçu en la sauvegarde de l'autre ; ou bien quand le sujet [p. 108] d'un Prince se retire en la terre d'un autre, il est aussi en sa protection, de sorte que s'il est poursuivi par l'ennemi, et pris prisonnier en la terre d'un autre Prince souverain, il n'est point prisonnier du poursuivant /.../.

Mais il faut auparavant résoudre cette question, si le Prince souverain se mettant en la protection d'un autre, perd le droit de souveraineté, et s'il devient sujet d'autrui, car il semble qu'il n'est pas souverain reconnaissant plus grand que soi. Toutefois, je tiens qu’il demeure souverain, et n'est point sujet. Et ce point est décidé par une loi qui n'a point sa pareille et qui a été altérée en diverses leçons : mais nous suivrons l'original des Pandectes de Florence, qui tient que les Princes souverains, qui au traité d'alliance reconnaissent le protecteur plus grand que soi, ne sont point leurs sujets. Je ne doute point, dit la loi, que les alliés, et autres peuples usant de leur liberté, ne nous soient étrangers, etc. Et combien qu'au traité des alliés par alliance inégale, il soit

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Denys d'Halicarnasse, Livre II ; Varron : De re rustica, Livre I.

 

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expressément dit, que l'un contregardera la majesté de l'autre, cela ne fait pas qu'il soit sujet, non plus que nos adhérents et clients ne sont pas moins libres que nous, [quoiqu'ils] ne soient égaux à nous ni en biens, ni en puissance, ni honneur ; mais la clause ordinaire insérée aux traités d'alliance inégale, portant ces mots : Comiter Majestatem conservare, n'emporte autre chose, sinon que, entre les Princes alliés, l'un est plus grand, et premier que l'autre. Et non pas que ce mot signifie communiter, comme disait la partie adverse de Cornelius Balbus ; et ne signifie pas aussi son dol et sans fraude, comme dit Charles Sigon, mais c'est-à-dire que les moindres alliés respectent les plus grands en toute modestie. Voilà la loi rapportée mot pour autre, où il appert évidemment, que la protection n'emporte point de sujétion, mais bien supériorité d'honneur. Et pour entendre ce point [p. 109] plus clairement, et la nature des traités et alliances, nous pouvons dire que tous traités entre Princes se font avec les amis, ou ennemis ou neutres ; les traités entre ennemis se font pour avoir paix et amitié, ou trêves, et composer les guerres entreprises pour seigneuries, ou pour les personnes, ou pour réparer les injures et offenses des uns envers les autres, ou bien pour le droit de commerce, et hospitalité, qui peut être entre les ennemis pendant les trêves. Quant aux autres qui ne sont point ennemis, les traités qui se font avec eux sont par alliance égale, ou inégale ; en celle-ci, l'un reconnaît l'autre supérieur au traité d'alliance, qui est double, à savoir quand l'un reconnaît l'autre par honneur, et n'est point en sa protection, ou bien que l'un reçoit l'autre en protection ; et l'un et l'autre est tenu de payer quelque pension, ou donner quelque secours, ou bien ils ne doivent ni pension ni secours.

Ce qu'est l'alliance égale. Quant aux alliés par alliance égale, que les Latins disaient AEQUO FOEDERE, l'égalité s'entend, quand l'un n'est en rien supérieur à l'autre au traité, et que l'un n'a rien sur l'autre, pour la prérogative d'honneur, [quoique] l'un doive plus ou moins faire ou donner que l'autre, pour le secours que l'un doit à l'autre. Et en cette sorte de traité, il y a toujours traité d'amitié, commerce, et hospitalité pour héberger les uns avec les autres, et trafiquer ensemble de toutes marchandises, ou de certaines espèces seulement, et à la charge de certains impôts accordés par les traités. Et l'une et l'autre alliance est double, à savoir défensive seulement, ou défensive et offensive, et peut être encore l'un et l'autre sans exception de personne, ou bien avec exception de certains Princes. Et la plus étroite est celle qui est offensive et défensive, envers tous et contre tous, pour être ami des amis et ennemi des ennemis ; et le plus souvent l'ordre est donné, et les traités de [p. 110] mariages des uns avec les autres. Mais encore l'alliance est plus forte quand elle est de Roi à Roi, de Royaume à Royaume, et d'homme à homme, comme étaient anciennement les Rois de France et d'Espagne, et les Rois d'Écosse et de France. C'est pourquoi les Ambassadeurs de France répondirent à Edouard IV, qui était chassé du Royaume d'Angleterre, que le Roi ne lui pouvait aider, d'autant que les alliances de France et d'Angleterre étaient faites avec les Rois et les Royaumes, de sorte que, le Roi Edouard chassé, la ligue demeurait avec le royaume et le Roi qui régnait : c'est l'effet de ces mots. Avec tel Roi, ses pays, terres, et seigneuries, qui sont quasi en tous les traités, mais il faut aussi que les traités soient publiés ès Cours souveraines, ou Parlements, et ratifiés par les États, du consentement du procureur général. [101-107]

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