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Jean Bodin, Les six livres de la République, (1583)

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[p. 264]

CHAPITRE II

Des Officiers et Commissaires

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Différence des officiers et commissaires. L'Officier est la personne publique qui a charge ordinaire limitée par édit. Commissaire est la personne publique qui a charge extraordinaire, limitée par simple commission. Il y a deux sortes d'officiers et de commissaires ; les uns qui ont puissance de commander, qui sont appelés magistrats, les autres de connaître ou d'exécuter les mandements ; et tous sont personnes publiques. Mais toutes personnes publiques ne sont pas pourtant officiers ou commissaires, comme les Pontifes, Évêques, Ministres sont personnes publiques et bénéficiers plutôt qu'officiers, [choses] qu'il 1 ne faut pas mêler ensemble, attendu que les uns sont établis pour les choses divines, les autres pour les choses humaines, qui ne [p. 265] se doivent point confondre. [De plus], l'établissement de ceux qui sont employés aux choses divines, ne dépend pas des édits, ni des lois politiques, comme sont les officiers. Voyons donc si les définitions que j'ai posées sont bonnes, auparavant qu'entrer en la division des officiers ; d'autant qu'il n'y a personne, ni des Jurisconsultes, ni de ceux qui ont traité le fait de la République, qui ait dit au vrai que c’est d'officier, ni de commissaire, ni de magistrat ; et toutefois c'est chose bien nécessaire d'être entendue, puisque l'officier est l'une des principales parties de la République, qui ne peut être sans officiers ou commissaires. Et d'autant que les Républiques se sont premièrement servi de commissaires que d'officiers, comme nous dirons ci-après, il est besoin de parler en premier lieu des commissaires, et de la différence qu'ils ont avec les officiers. Aristote dit, que le Magistrat est celui qui a voix délibérative au Sénat et en jugement, et qui a pouvoir de commander. Il appelle Magistrat [en grec], qui n'est propre sinon à ceux qui ont puissance de commander, et non pas aux officiers servants, comme huissiers, sergents, trompettes, notaires, qu'il met au rang de Magistrats, et qui n'ont aucune puissance de commander, de sorte, que sa définition demeure courte pour ce regard. Encore est-ce chose plus absurde que celui n'est point Magistrat qui n'a entrée au conseil privé, et voix délibérative, et puissance de jugement. Et s'il était ainsi, il n'y aurait point ou fort peu de Magistrats en toutes les Républiques, attendu qu'il y a si peu de conseillers du privé Conseil ès

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Aristote, [Politique] : IV. 15.

 

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Républiques bien ordonnées, et entre ceux-là pas un qui ait voix délibérative sinon par commission ; et, [quoiqu'] ils aient voix délibérative, ils n'ont point de commandement, ainsi que nous avons dit ci-dessus. Quant aux Jurisconsultes, il y en a peu qui aient touché cette corde. Et même le Docteur Gouvean [p. 266] confesse que la définition du Magistrat lui a toujours semblé difficile, et de fait il y a failli, car il dit que Magistrat est celui à qui le Prince a donné quelque charge ; en cette sorte tous Commissaires seraient Magistrats. Mais le Docteur Cujas au premier chapitre de ses Notes, dit qu'il donnera trois définitions pour une, outre celle d’Aristote, c'est à savoir, Magistrat est une personne publique qui préside en justice, ou bien qui connaît au siège de justice, ou bien qui a juridiction et jugement public, de sorte qu'à son compte il assigne quatre définitions avec celle d'Aristote. Or, c'est droitement contre les maximes de tous Philosophes, et contre les principes 1 de Dialectique, qu'on puisse donner plus d'une définition à une chose : aussi est-il impossible par nature. Et si on veut dire que plusieurs descriptions se peuvent donner d'une même chose, il est bien vrai : mais cent descriptions ne sauraient éclaircir l'essence ni la nature de la chose. Toutefois la faute, en termes de droit, est plus notable, de même en matière de Magistrats et officiers, qui est l'ouverture du droit où les Jurisconsultes commencent, car la principale marque du Magistrat, qui est de commander, y [fait] défaut ; et tous lieutenants de Magistrats connaissent et président en justice, et au siège de justice, et toutefois ne sont point Magistrats. Et quant aux Évêques, ils ont jugement public, et siège en justice, et connaissance, comme les anciens Pontifes, et les Cadis en Orient, et néanmoins ils ne sont point Magistrats, attendu qu'ils n'ont aucun pouvoir de commander, ni de faire appeler devant eux, ni « emprisonner, ni d'exécuter leurs jugements ; aussi n'ont-ils ni sergent, ni officier à qui ils puissent commander, non plus que les Cadis et Paracadis de Turquie, et les anciens Pontifes de Rome, cela est tout notoire. Et d'ailleurs, tel a puissance de [p. 267] commander, qui n'a point de juridiction, ni de connaissance de cause, comme nous dirons tantôt. Et qui plus est, les commissaires des causes publiques extraordinaires, députés anciennement par le peuple Romain, que la loi appelle, Quaestores parricidii, avaient, comme à présent les commissaires députés par le Prince, puissance de connaître, présider en justice, juger, commander, contraindre, et toutefois ils n'étaient point magistrats. S'il est ainsi, pas une des trois définitions ne se peut soutenir. Et néanmoins il y a une autre faute, de n'avoir point distingué les magistrats des autres officiers, ni fait aucune différence entre l'officier et le commissaire. Charles Sigon, qui semble avoir plus curieusement recherché la définition du Magistrat, y a failli en plusieurs sortes, car il appelle Magistrats tous ceux qui ont charge publique des choses humaines, sans faire aucune différence des officiers et des commissaires, ni des Magistrats avec les autres officiers, qui ont aussi charge publique ; puis il donne à tous Magistrats puissance de juger, de commander, d'exécuter, et prendre garde au vol des oiseaux. Or il faut que la définition du Magistrat convienne à toutes Républiques. J'ai dit que l'officier est personne publique : ce qui n'est point révoqué en doute, car la différence du particulier à l'officier est que l'un a charge publique, l'autre n'en a point. J'ai dit charge ordinaire, pour la différence des commissaires, qui ont charge publique

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Aristote, Topiques : Livre IX.

 

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extraordinaire, selon l'occasion qui se présente, comme anciennement le Dictateur et les commissaires pour informer des crimes donnés par le peuple à la requête des Magistrats. J'ai dit limitée par édit, pour l'érection des charges publiques ordinaires, érigées en titre d'office ; autrement ce n'est point office, s'il n'y a édit ou loi expresse. Ce qui a toujours été gardé ès anciennes Républiques des Grecs et Latins, et mieux à présent [p. 268] que jamais, et à cette fin les Princes font publier leurs édits ès Cours souveraines et subalternes des moindres offices ; et en ce Royaume, les lettres d'offices nouvellement érigées sont scellées en cire verte, et en lacs de soie verte et rouge, et le style différent : À tous présents et à venir, etc. ayant trait perpétuel ; où les lettres patentes des commissions sont en cire jaune, en simple queue de parchemin, et qui n'ont jamais trait perpétuel. [372-375]

[De] toutes sortes de commissions. Mais pour éclaircir brièvement toutes les sortes de Commissaires, soit pour le gouvernement des Provinces, ou pour la guerre, ou pour la justice, ou pour les finances, ou pour autre chose qui concerne l'état, nous dirons que les commissions sont émanées du Prince souverain, ou des magistrats, ou des commissaires députés par le souverain. Les commissaires députés sont pris du nombre des officiers ou des particuliers, si la commission s'adresse aux officiers, ou bien c'est chose qui leur est attribuée par l'érection de leur office, ou qui ne leur appartient point. Et en quelque sorte que ce soit, ou à l'officier, ou bien au particulier, la commission est décernée pour connaître et passer outre par-dessus l'appel, ou pour déférer à l'appel dévolu au Prince souverain, si la commission est émanée de lui, ou aux Magistrats nommés par la commission ; ou bien le commissaire est délégué par celui que le souverain a député, comme il est permis quelquefois par la commission, pour l'instruction des affaires ou des procès, jusqu'à sentence définitive exclusivement, ou inclusivement, sauf l'exécution s'il en est appelé ; ou bien les Commissaires sont établis par les Magistrats, pour connaître du fait ou du droit, ou de l'un et l'autre ensemble, sans aucune puissance de commander, ou avec pouvoir et commandement. Cette division se rapporte à tous commissaires en quelque forme de [p. 269] République que ce soit. Cela se peut voir en l'état des Romains, où le fait de la guerre, et le gouvernement des pays et provinces nouvellement conquêtées appartenait aux magistrats et officiers ordinaires, à savoir aux Consuls, Préteurs, Questeurs. Mais lors que l'Empire des Romains fut étendu hors l'Italie, alors on commença à députer des Commissaires pour gouverner les provinces au lieu des Magistrats ordinaires : qu'on appelait Proconsuls, Propréteurs, Proquesteurs : c'est-à- dire, commis ou lieutenants des Consuls, des Préteurs, des Questeurs : comme on peut voir en Tite-Live, lequel parlant de Philon, qui fut le premier Proconsul, Actum cum Tribunisplebis est ad populum ferrent, ut cum Philo consulatu abiisset, pro Consule rem gereret. Et telles commissions étaient le plus souvent par souffrance du peuple octroyées par le Sénat à ceux qui avaient sorti de leurs offices, lesquels s'accordaient ensemble pour le gouvernement des provinces, ou, s'ils ne pouvaient tomber d'accord, ils jetaient au sort, ce qu'ils disaient : Comparere inter se, aut sortiri. Si ce n'était que la charge et commission fût de telle conséquence, qu'elle méritât être décernée sans sort à quelque grand capitaine que le Sénat nommait ; où il y avait brigues et factions, le peuple octroyait la commission à la requête des Tribuns, comme il se fit à Scipion l’Africain, auquel le peuple octroya la commission pour faire la guerre en Espagne et

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en Afrique, et par ce moyen faire quitter l'Italie aux ennemis. Et semblable commission fut octroyée au capitaine Paul Aemil, sans jeter au sort, pour faire la guerre contre Persée, Roi de Macédoine, et à Pompée contre les Pirates, et contre Mithridate ; et le peuple pouvait nommer qui bon lui semblait, [bien] qu'on eût jeté au sort, ce qui n'advenait pas souvent, car ordinairement on jetait au sort ceux qui avaient été l'année précédente Consuls, Préteurs, et Ques-[p. 270] teurs. Et d'autant que la charge de faire la guerre à Mithridate tomba par sort à Sylla, Marius subordonna un Tribun du peuple pour la voler à Sylla, afin qu'il l'emportât, [ce] qui fut cause de la plus cruelle et sanglante guerre civile qui [jamais] fut en Rome. Et en cas semblable pour le fait de la Justice, quand il était question de quelque cas énorme, le peuple octroyait la commission au Sénat, et le Sénat commettait quelques-uns de son corps, non seulement pour l'instruction, [mais] aussi pour faire et parfaire le procès : comme il se fit du Préteur L. Tubullus, Juge des meurtres, qui avait commis tant de concussions, que le peuple, laissant la voie ordinaire, et les magistrats à qui en appartenait la connaissance, renvoya le tout au Sénat par commission extraordinaire, et le Sénat députa Cn. Scipion pour le juger, comme en cas pareil, quand il fut question des ports d'armes, et meurtres advenus entre les habitants de Nocer, et les Pompéiens, l'Empereur Néron donna la commission au Sénat, et le Sénat députa les Consuls. Quelquefois le Sénat, sans commission du peuple et comme par main souveraine, donnait Commissaires, si le cas, dont [il] était question avait été commis en Italie hors le territoire de Rome, comme chose appartenant au Sénat, privativement à tous autres, ainsi que dit Polybe, comme il advint d'une volerie étrange et meurtre cruel, duquel parle Cicéron au livre des nobles Orateurs, où il dit que le Sénat députa les Consuls pour en connaître. Or il appert, par les exemples ci-dessus déduits, que les commissaires députés par le souverain, [qu'ils] soient magistrats ou particuliers, peuvent commettre, s'il n'est expressément défendu par la commission, ou qu'il soit question de l'état en la commission, comme les Ambassadeurs ou députés pour traiter paix, ou alliance, ou autre chose semblable ; ou qu'il soit question de la vie ou de l'hon-[p. 271] neur de quelqu'un, qui est le cas de Papinien. Depuis, l'Empereur Justinien ordonna par forme d'édit perpétuel, que les Commissaires députés par le souverain ne pourraient commettre que l'instruction des procès, et qu'ils connaîtraient du fait, s'il en était appelé. Mais pour obvier à tout, le plus sûr est de régler les Commissaires par la commission, comme il se fait ès Républiques bien établies. Et combien qu'on peut faire plusieurs questions, touchant les commissions décernées, tant par le Prince souverain que par les Magistrats, toutefois, je n'en toucherai que deux ou trois qui sont nécessaires d'être entendues par ceux qui ont le maniement des affaires, soit en guerre ou en paix.

Laissant donc toutes disputes pour abréger, nous dirons que la commission cesse si celui qui l'a octroyée vient à mourir, ou qu'il révoque la commission, ou que le Commissaire pendant sa commission obtienne office, ou magistrat égal à celui qui a décerné la commission. Or, la révocation expresse, portée par lettres du Prince, touche aussi bien les ignorants comme ceux qui en sont avertis. Et combien que les actes du commissaire qui est ainsi révoqué, auparavant la signification à lui faite, tiennent pour le regard des particuliers, envers lesquels le Commissaire a exécuté sa commission, et [de même] s'ils ont procédé volontairement, sachant bien, quant à eux,

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que la commission était révoquée. Toutefois, envers les autres, les actes du Commissaire depuis la révocation n'ont point de force, par la rigueur de droit ; et néanmoins, la raison équitable veut qu'ils soient tenus, jusqu'à ce qu'ils aient été avertis de la révocation. Car tout ainsi que le commissaire n'a point de puissance, jusqu'à ce qu'il ait reçu et accepté la commission, aussi la commission dure, si la révocation n'est signifiée, ou du moins [jusqu'à ce] que le Commissaire sache qu'il est [p. 272] révoqué. C'est pourquoi Celsus disait, que les actes du gouverneur de Province sont bons et valables si le commissaire ne sait qu'il est révoqué, quoique le Pape Innocent fût d'avis que cela n'a point de lieu quant il y va de l'honneur, ou de la vie, et qu'il soit suivi de plusieurs, si est-ce toutefois qu'il a varié d'opinion. Et combien qu'il fût Pape et Prince souverain, et savant Jurisconsulte, si est-ce qu'il déclara qu'il ne voulait pas qu'on s'arrêtât à ce qu'il avait écrit, s'il n'y avait raison bonne et valable. Mais pour ôter ces difficultés anciennes, les secrétaires d'état ont accoutumé d'apposer aux commissions, et presqu'en tous mandements et lettres patentes, cette clause, DU JOUR DE LA SIGNIFICATION DE CES PRÉSENTES, qui est et doit être entendue, [quoiqu'elle] fût omise. Voilà quant à la révocation expresse. Aussi finit la commission par la mort de celui qui l'a octroyée, soit Prince ou Magistrat, pourvu toutefois que la chose soit entière, autrement le Commissaire peut continuer ce qu'il a encommencé sans fraude ; car combien que le Commissaire ne fût pas averti de la mort du Prince par dénonciation expresse, néanmoins qu'il la sût bien étant les choses entières, il ne peut rien entreprendre. Quand je dis la chose non entière, cela s'entend qui ne se peut laisser sans préjudice du public ou des particuliers ; comme en matière de justice, si les parties ont contesté, la chose n'est plus entière, [mais] les commissaires peuvent et doivent parachever ce qu'ils ont commencé, soit que le Prince, soit que le Magistrat les ait commis, ou en terme de guerre, si la bataille est rangée devant l'ennemi, et que la retraite ne se peut faire sans péril évident, le Capitaine en chef ne laissera pas à donner la bataille, après qu'on lui aura fait savoir la mort du Prince. Toutefois les commissions émanées du Prince, ou lettres de commandement sont en cela différentes des autres lettres [p. 273] Royaux, qu'on appelle lettres de justice, car celles-ci demeurent en leur force et vertu ; les mandements expirent après la mort du Prince, néanmoins le Prince nouveau peut avoir pour agréable et ratifier (comme il fait souvent) les actes de ceux qui ont continué la chose entière après la mort de son prédécesseur : ce que les magistrats ne peuvent faire envers les commissaires baillés par eux, car les ratifications en terme de justice ne sont jamais recevables. Or, ce que nous avons dit des commissaires n'a point de lieu pour le regard des officiers, car leur puissance ne finit point pour la mort du Prince, ores qu'elle soit aucunement tenue en souffrance, et comme suspendue, jusqu'à ce qu'ils aient lettres du nouveau Prince, ou confirmation de lui pour continuer en leurs offices. Et pour cette cause, le Parlement de Paris après la mort du Roi Louis XI ordonna que les officiers continueraient en leur charge, comme ils avaient fait auparavant, attendant la réponse du nouveau Roi, suivant un ancien arrêt donné au mois d'Octobre 1381 en cas pareil. [381-385]

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