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Jean Bodin, Les six livres de la République, (1583)

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[p. 274]

CHAPITRE III

Des Magistrats

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Magistrat est l'officier qui a puissance en la République de commander. Nous avons dit des commissaires, et de la différence qu'il y a entre les commissaires, et les officiers, parce que l'ordre requérait qu'on dît premièrement des commissaires, comme étant auparavant qu'il y eût offices établis.

Les premiers peuples [étaient] gouvernés sans lois. Car il est bien certain que les premières Républiques étaient régies par main souveraine sans lois, et n'y avait que la parole, la mine, la volonté des Princes pour toute loi, lesquels donnaient les charges en paix et en guerre à qui bon leur semblait, et les révoquaient aussitôt s'ils voulaient, afin que le tout dépendît de leur pleine puissance, et qu'ils ne fussent attachés, ni aux lois, ni aux coutumes. Aussi Joseph l'historien, au second livre contre Appion, voulant [p. 275] montrer l'antiquité illustre des Hébreux, et de leurs lois dit que le mot de loi ne se trouve point en tout Homère, qui est bien un argument que les premières Républiques n'usaient que de commissaires, attendu que l'officier ne peut être établi sans loi expresse, comme nous avons dit, pour lui donner charge ordinaire et limitée à certain temps : chose qui semble diminuer la puissance du souverain. Et pour cette cause, les Rois et Princes qui sont plus jaloux de grandeur, ont accoutumé de mettre en toutes lettres d'office une clause ancienne qui retient la marque de monarchie seigneuriale, c'est à savoir, que l'officier jouira de l'office, TANT QU'IL NOUS PLAIRA.

La clause, Tant qu'il nous plaira, est à présent inutile ès lettres d’office. Et [pourtant, il s'en faut] que cette clause ne serve de rien au Royaume de France, vu l'ordonnance de Louis XI gardée inviolablement, [de même] qu'en Espagne, Angleterre, Danemark, Suède, Allemagne, Pologne, et en toute l'Italie pareille ordonnance est observée si est-ce que les secrétaires d'état ne l'oublient jamais ; [ce] qui est grand argument que toutes charges anciennement étaient en commission. Nous dirons ci-après si cela est expédient, comme plusieurs ont soutenu. Mais disons auparavant du Magistrat, que nous avons posé après notre définition, être l'officier qui peut commander. Or, il n'y a pas moins de confusion ès auteurs entre l'officier et le

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magistrat, qu'il y [en] a entre l'officier et le commissaire. Car combien que tout Magistrat soit officier, si est-ce que tout officier n'est pas Magistrat, [mais] seulement ceux-là qui ont pouvoir de commander ; ce que le mot Grec [...] et [...] signifie assez, comme qui dirait commandeurs, et le mot Latin Magistratus, qui est impératif, signifiant maîtriser et dominer. Et d'autant que le Dictateur était celui qui plus avait de puissance de commander, les anciens l'appelaient [p. 276] magister populi, et le mot de Dictateur signifie commandeur, comme qui dirait édictateur, car edicere c'est commander ; en quoi se sont abusés ceux qui ont supposé les livres de la langue Latine sous le nom de Marc Varron, disant que le Dictateur s'appelait ainsi, quia dictus ab interrege. Mais à ce compte, le colonel des gens de cheval s'appellerait aussi Dictateur, quia diceretur à Dictatore, comme il se voit partout en Tite-Live ; et [il] faudrait qu'il s'appelât plutôt Dictatus en signification passive, que Dictator en actif. J'ai ci-dessus montré que les définitions du Magistrat inventées par les jeunes docteurs scholastiques, ne se pouvaient soutenir, ni pareillement celle d’Aristote, qui appelle Magistrat celui qui a voix délibérative en jugement et au conseil privé, et puissance de commander, et principalement, dit-il, de commander. Car au sixième livre de la République, voyant qu'il y avait une infinité d'officiers, qu'il appelle tous [en grec], il s'est trouvé fort empêché, d'autant qu'il y en a de nécessaires, les autres à l'ornement et splendeur de la République ; et puis tous les ministres des Magistrats, sergents, huissiers, greffiers, notaires, lesquels il appelle du nom commun de magistrat, comme ceux qui ont puissance de commander : et passe plus outre, en ce qu'il dit, que tels ministres ont puissance de commander, [en grec]. Et toutefois, en autre lieu il demande si les harangueurs, orateurs et juges sont Magistrats, et répond qu'on pourrait dire qu'ils ne sont point Magistrats, et qu'ils n'ont point de part au commandement. C'est pourquoi Caton d'Utique, châtiant les greffiers, contrôleurs et commis des receveurs : Il vous doit souvenir, disait-il, que vous êtes ministres, et non pas magistrats, ainsi que dit Plutarque. Quant aux prêcheurs ou harangueurs, qu'il appelle Ecclésiastes, s'ils n'ont commandement et par puissance ordinaire, il est bien certain qu'ils [p. 277] ne sont point Magistrats, mais le plus souvent ils sont Magistrats. J'entends ceux-là qui avaient puissance ès Républiques populaires et Aristocratiques de suader ou dissuader au peuple les choses qui leur semblaient utiles, qu'ils appelaient aussi Rhetoras : combien qu'en Athènes, chacun particulier avait puissance de parler : mais en Rome cela n'était pas licite, si le Magistrat qui présidait à l'assemblée ne le permettait. Et quant aux juges, ils s'abusent aussi de dire qu'ils ne sont pas Magistrats, vu que plusieurs sont magistrats, et la division que l'Empereur fait des Juges, c'est que les uns sont Magistrats, les autres non. Il faut donc confesser, qu'entre les personnes qui ont charge publique et ordinaire, les uns sont magistrats, les autres non ; et, parce que la négociation fait la division de sa nature vicieuse, nous avons dit que les personnes publiques qui ont charge ordinaire limitée par lois ou par édits sans commandement, sont simples officiers, que les derniers Empereurs appelaient officiales. [392-395]

Et généralement en toute République il y a trois points à remarquer pour le regard de la création des Officiers et Magistrats. Premièrement, celui qui les fait ; en second lieu, de quelles personnes on les doit prendre ; en troisième lieu, la forme de les faire. Quant au premier il appartient à la Majesté souveraine, ainsi que nous avons dit en

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son lieu. Quant au second point, il appartient bien aussi à la Majesté, mais, toutefois, on suit ordinairement les lois qui sont établies à cette fin, et principalement en l'état populaire et Aristocratique, où les Magistrats ne sont pris que des plus nobles, ou des plus riches, ou des plus avisés en la charge qu'on leur donne, ou bien indifféremment de toutes sortes de citoyens. Quant au troisième point, qui est la forme de faire les officiers, il y a trois moyens, à savoir l'élection, le sort, et les deux mêlés ensemble. Et quant au fait de l'élec-[p. 278] tion, elle se fait de vive voix, ou en levant la main et la voix, que les anciens Grecs appelaient [...] usitée encore en Suisse, ou par tables et billets, ou par fèves et ballottes. Le sort se fait de certains citoyens, pour parvenir à quelque magistrat, ou de tous en certain âge. Quant au choix et au sort mêlés ensemble, [bien] qu'il ne fût pas usité anciennement, si est-ce qu'il est fort commun à présent ès états Aristocratiques, [de même] à Gênes et à Venise. Or, la diversité du choix et du sort est encore plus grande pour les Juges, car il se peut faire ès états populaires et Aristocratiques, que tous les citoyens en nom collectif jugent de chacun en particulier, et de la moindre partie de tous en nom collectif, prenant les Juges au choix, ou bien au sort, ou bien par sort et par élection, ou bien que tous jugent de quelques-uns étant choisis ou tirés au sort, ou par sort et par élection, ou bien que certains citoyens jugent de tous les autres étant choisis ou pris au sort, ou en partie par sort et par élection ; ou bien que quelques citoyens jugent de quelques-uns, étant choisis ou tirés au sort, ou par élection ; ou bien on en prendra quelques-uns choisis de tous les citoyens, et quelques-uns pris au sort, pour juger de certains citoyens ; ou bien on en prendra quelques-uns de tous au sort, et quelques-uns de certains citoyens par choix ; ou bien en prendra quelques-uns de tous, et quelques-uns de certaine qualité de citoyens par choix et par sort. Voilà tous les moyens qu'on peut imaginer pour la variété de ceux qui ont charge publique, et pour l'état, qualité et condition d'un chacun, et la forme de les appeler, et employer. L'orateur Aeschine faisant la division des offices et charges publiques d’Athènes, l'a tranché beaucoup plus court, [quoiqu'il] y eût plus d'officiers qu'en République qui fût lors pour son étendue. Il dit qu'il y avait trois sortes d'officiers, les uns qui étaient pris [p. 279] au sort, ou choisis : les autres qui avaient quelque charge publique plus de trente jours, et les superintendants des réparations et constructions des œuvres publiques, les autres [étant] portés par les lois anciennes, et les commissaires choisis pour le fait de la guerre, ou de la justice, comme seraient les Magistrats. Mais on ne peut pas juger la diversité des officiers et Magistrats par cette division, non plus que par celle de Démosthène, qui est toute diverse à celle d’Aeschines son adversaire, car il dit que ceux-là sont Magistrats qu'on tirait au sort au temple de Thésée, et ceux à qui le peuple donnait puissance de commander, ou qu'il élisait capitaines. La division de Varron et de Messala est aussi courte, à savoir qu'il y a deux sortes de Magistrats, les grands et les petits. Ils appelaient les grands Magistrats, les Consuls, Préteurs, Censeurs, qui étaient élus par les grands états, et les autres étaient appelés petits, qui étaient faits par le menu peuple, et la cérémonie des Auspices était plus solennelle ès uns qu'ès autres. Mais il faut trouver les divisions essentielles, et qui puissent servir en toutes Républiques, comme celles que nous avons posées touchant la charge des Magistrats. Aussi pouvons-nous diviser les Magistrats en trois sortes pour le regard de leur puissance : les premiers se peuvent appeler Magistrats souverains, qui [ne]

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doivent obéissance qu'à la majesté souveraine ; les autres Magistrats moyens, qui doivent obéissance aux Magistrats supérieurs, et ont commandement sur autres Magistrats ; les derniers sont ceux-là qui doivent obéissance aux Magistrats supérieurs, et n'ont commandement que sur les particuliers. Disons donc par ordre des trois sortes de Magistrats, et premièrement de l'obéissance des Magistrats envers le Prince souverain. [407-409]

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