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.pdfMoyen français, français moderne
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Singulier |
Pluriel |
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Cas régime |
drapeau |
drapeaux |
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couteau |
couteaux |
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Donc, si en ancien français la langue possédait deux formes casuelles, mais irrégulières (conseus – conseil; ches – chef), le moyen français en a aussi deux, mais régulières: conseil – conseils; chef – chefs, drapeau – drapeaux.
L’éliminaton des alternances est un procès très lent, le moyen français en connaît maints flottements.
II. L’article.
1.L’article défini.
L’article défini perd sa forme li (celle du cas sujet) ce qui résulte de la déchéance de la déclinaison. Les formes simples sont le, la, l’, les. Les formes contractées sont du (dou), des; au, aux (as); ou, eu (enl), es. Les formes contractées avec en disparaissent de la langue courante aux XVe – XVIe ss. On en trouve les restes dans le type«bachelier (licencié) ès lettres».
L’article défini dont l’emploi est limité en ancien français par la nature du nom (il ne s’employait que devant les noms concrets) et par la fonction syntaxique du nom (il accompagnait le plus souvent les noms sujets) est plus fréquent en moyen français.
Son usage s’étend dans deux sens – sémantique et syntaxique. D’une part, il apparaît devant les noms de peuples et de provinces (li François, les Rommains, les Saxons, etc.), d’autre part, il s’emploie devant les noms en fonction de différents compléments.
Devant les noms abstraits l’emploi de l’article défini est rare. La valeur généralisante se développe lentement: Qui quiert noblesse en autre opinion fait a Dieu tort et au sang préjudice; Povre et riche meurt en coruption, noble et commun doivent à Dieu service. Mais: Le flateur est anemy de toute vérité.
2. L’article indéfini.
L’article indéfini s’enrichit d’une nouvelle forme du pluriel des qui remplace les anciennes formes uns, unes. En ancien français ces formesm avaient une valeur collective et s’appliquaient à une paire: unz ganz (AF) = des gants (FM). Pourtant la nouvelle forme est assez rare en moyen français. La valeur d’individualisation indéterminée, absente en ancien français, se développe et se précise, mais elle est loin d’être commune. L’article indéfini se combine de plus en plus fréquemment avec les
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noms précédés d’un adjectif: en un moult biel (bel) vregier (vergier) entrai; avec les substantifs en fonction d’attribut: la court est ung couvert de gens qui … ; il apparaît également dans les comparaisons: (la court) … se fait convoiter comme une ribaulde bien parée… .
3. L’article partitif.
Cet article commence à accompagner les noms de matière: … que je vous donasse a boire de l’eaue de la fontaine…, mais cet usage n’est pas encore régulier, car l’article zéro y résiste toutefois.
III. L’adjectif.
Tout comme le substantif, l’adjectif cesse de se décliner en moyen français et n’a désormais qu’une seule forme pour le singulier à désinence zéro et une autre pour le pluriel à désinence -s.
Mais la tendance générale à régulariser les formes étymologiques connaît beaucoup de flottements.
1. Le nombre = le nivellement
(la régularisation l’unification) des formes.
Parmi les adjectifs dont les radicaux alternent au singulier et au pluriel la langue privilégie soit le radical du pluriel, soit celui du singulier.
A. Pour certains adjectifs c’est la forme du pluriel qui est choisie.
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Ancien français |
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Moyen français |
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Sing. |
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Plur. |
Sing. |
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Plur. |
jolif |
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jolis |
joli |
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joli s |
Les adjectifs en -el / eaux, -ol / ous refont leur singulier sur le modèle du pluriel
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Ancien français |
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Moyen français |
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Sing. |
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Plur. |
Sing. |
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Plur. |
bel |
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beaus |
beau |
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beau x |
Mais ils gardent le radical à consonne finale -l devant un nom commençant par une voyelle au singulier, par ex.: beau jour / bel ami (mais: beaux amis), ainsi que fou / fol, nouveau / nouvel, vieux / vieil, etc. Néanmoins, tout comme dans les noms, les deux formes alternent librement jusqu’au XVIe s. même devant les noms à l’initiale consonantique: vieil couteau, des livres vieils, etc.
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B. Pour d’autres la langue a laissé la forme du singulier.
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Ancien français |
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Moyen français |
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Sing. |
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Plur. |
Sing. |
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Plur. |
vif |
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vis |
vif |
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vif s |
Il reste toutefois quelques adjectifs (en particulier ceux qui se terminent en -al / -aux) qui ont gardé l’alternance en tant que moyen morphologique pour distinguer le singulier et le pluriel: amical / amicaus (amicaux). Cette voie de formation du pluriel des adjectifs aussi bien que des substantifs est à tel point stable que les adjectifs et les substantifs qui vont pénétrer plus tard dans la langue formeront le pluriel à l’aide de - aux: central – centraux, structural – structuraux.
2. Le genre = le nivellement
(la régularisation l’unification) des formes.
Le genre féminin généralise la désinence -e qui devient une marque morphologique de genre: bon / bone, cler / clere, etc. (rappelons que la finale -e se prononce encore en moyen français).
A partir du XIVe s. suivant la tendance à niveler les formes, les adjectifs (et les participes) qui avaient une seule forme pour les deux genres en ancien français reçoivent la désinence -e non-étymologique au féminin: grant > grande, fort > forte. Mais l’hésitation entre grand et grande dans grand-mère, grand-peine et autres constructions figées a duré jusqu’au XVIIe s., lorsque les grammairiens décident que ces composés avec grand puissent fonctionner comme féminin, archaïsme qui persiste jusque dans la langue moderne: grand-mère, grand-rue, … et autres, ainsi que dans les noms propres: Granville etc.
De même, les adjectifs en -el, -il, -al (cruel, gentil, roial, loial), en -eur (mineur, majeur, intérieur), en -ant (luisant, vaillant) forment désormais le fémin avec -e. La tendance est si forte que même le -e étymologique se trouve parfois éliminé au masculin: util (< utilis, -e, lat.), etc.
En ancien français, à la suite de l’évolution phonétique, certaines formes adjectivales du féminin et du masculin différaient, par ex.:
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Ancien français |
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Masculin |
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Féminin |
lonc |
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longe |
vif |
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vive |
blanc |
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blanche |
larg |
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large |
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En moyen français la tendance à niveler les formes généralise:
A. Tantôt la formedu féminin: par ex., de deux formes larg (m) et large
(f) reste celle du féminin large, unique désormais pour les deux genres.
B. Tantôt la forme du masculin: par ex., de deux formes françois
(m) (< franciscus) et francesche (< francisca) reste celle du masculin françois (> français).
C. Parfois la différence demeure: vif / vive, neuf / neuve, sec / sèche, blanc / blanche, franc / franque, etc.
En ancien français les adjectifs en -ique étaient variables en genre: heroic / heroicque, grec / grecque, turc / turcque, public / publicque, etc. Les adjectifs en -ique pénétrés dans la langue française aux XIVe – XVe ss. ont deux formes, eux aussi: oeconomic / oeconomicque. Plus tard seuls les adjectifs datant de l’ancien français restent variables en genre: public / publique, tandis que les adjectifs plus «récents» n’ont qu’une forme pour les deux genres: rustique, politique, pratique, etc.
Cependant, tout au long du moyen français et même au XVIe s. les formes étymologiques irrégulières et analogiques (régularisées) coexistent.
Le langage populaire d’aujourd’hui poursuit la tendance des adjectifs à l’invariabilité: une femme mal, une balle explosif.
3. Les degrés de comparaison.
Pour former le superlatif les adjectifs sont de plus en plus souvent accompagnés de l’article défini.
En ancien français et surtout en moyen français quantité de formes en -isme ont inondé la langue: altisme, bonisme, grandisme. Ce siffixe est d’origine savante (latine). A côté des superlatifs savants, la langue française emprunte également au latin les comparatifs savants tels que inférieur, supérieur, postérieur, etc.
IV. Les pronoms.
Dans la classe des pronoms on atteste deux tendances principales:
–la tendance à la spécialisation des fonctions des formes; il en résulte la disparition de plusieurs formes;
–la tendance à la régularisation des formes par analogie.
1. Les pronoms personnels.
Les pronoms personnels restent fidèles à leur système casuel qui comporte trois cas.
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Singulier |
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Pluriel |
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Cas sujet |
je |
tu |
il |
elle |
nous |
vous |
ils¹ |
elles |
Cas régime direct |
me |
te |
le |
la |
nous |
vous |
les |
les |
Cas régime indirect |
-“- |
-“- |
lui |
lui |
-“- |
-“- |
leur |
leur |
¹ Sur le modèle du nom où la flexion -s est devenue la marque du pluriel, cette même désinence, muette déjà, vient s’ajouter au pronom de la 3 e personne du pluriel du masculin ils (z), le féminin la possède étymologiquement (illi > il, ellas > eles). Néanmoins, les formes analogiques avec -s s’implantent difficilement, le XIVe s. préfère les formes étymologiques sans -s. Par ex., Froissart n’utilise presque jamais la forme avec -s: … il ne passerent plus avant … . C’est seulement au XVe s. que l’emploi du pronom ils deviendra plus régulier.
L’omission des pronoms sujets est moins courante qu’en ancien français, quoiqu’ils ne deviennent obligatoires qu’au XVIIe s. Dans les tours impersonnels leur emloi est encore très rare.
Les formes toniques et atones des pronoms sujets je, tu, il s’emploient indifféremment: Tu qui vues avoir mon cheval; il et sa dame.
2. Les pronoms possessifs.
Le possessif, tout comme le nom, perd la catégorie du cas et ne se décline plus en moyen français.
La langue tendant à créer des formes régulières, le possessif tonique du féminin meie est concurrencé par mien, la forme tonique de la 1ière personne du masculin. Toutes les autres formes sont refaites par analogie avec mien:
Masculin |
mien |
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tuen>tien |
suen>sien |
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Féminin (formes anciennes |
meie |
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toue |
soue |
irrégulières) |
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Féminin (formes analogiques) |
mienne |
tienne |
sienne |
Ainsi l’analogie a créé un nouveau système, plus régulier, de pronoms possessifs basé sur les formes analogiques:
Masculin: mien, tien, sien Féminin: mienne, tienne, sienne
Tout de même la première forme meie (étymologique) est de beaucoup plus fréquente au XIVe s., les formes analogiques n’ayant pris le dessus qu’au XVe s.
Bien que les formes toniques (mien, tien, sien) remplissent deux fonctions (adjectivale et pronominale), elles tendent à se spécialiser comme pronoms: comment doncques pourroit il estre mien? Les formes atones (mon, ton, son) fonctionnent toujours en tant qu’adjectifs, tout comme en ancien français, se combinant même avec les démonstratifs: ce son
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premier voyage. Toutefois, le procès de la différentiation fonctionnelle n’est pas encore fini aux XIVe – XVe ss.
Le possessif de la 3 e personne reçoit un -s au pluriel: leurs.
Les élisions du type m’espee, t’escharpe (XIIe s.) sont de moins en moins courantes, et la pratique moderne qui consiste à employer le masculin devient presque totale en moyen français: mon espee, mon escharpe. Quelques locutions y font exception, par. ex., m’amie qui a subsisté sous la forme ma mie.
3. Les pronoms démonstratifs.
La déclinaison s’étant désagrégée, les seules formes du pluriel sont depuis le XVe s. – ceux et ces. Le singulier, au contraire, garde longtemps (jusqu’au XVIIe s.) plusieurs de ses formes casuelles: cil, cist, cest, cestui, celui. Le régime cel disparaît. Le féminin garde toutes ses anciennes formes.
L’ancienne opposition lexicale «éloignement – proximité» qui différait cel et cest en ancien français est rendue en moyen français par l’addition des adverbes ci et là, cequi renforce l’opposition fonctionnelle deces formes, cel se spécialisant en fonction pronominale et cest en celle d’adjectif.
Le neutre ce reçoit les formes renforcées ceci, cela à la suite de la fusion avec les particules adverbiales ci et la.
Parfois les auteurs de l’époque ont recours aux formes anciennes des démonstratifs en i-: icelui, icelle, etc., ce qui s’explique par les besoins d’un style archaïsant.
V. Le verbe.
Les tendances principales dans le système verbal sont les suivantes:
–la régularisation des formes (des désinences et des radicaux) par analogie;
–la différentiation des emplois des temps et des modes.
Les catégories grammaticales du verbe étant plus nombreuses que celles du substantif, le verbe a conservé beaucoup plus de désinences par rapport au substantif.
La tendance à la régularité des formes verbales se manifeste dans l’unification par analogie des désinences et des radicaux; ainsi, les conjugaisons verbales se sont-elles régularisées et simplifiées en grande partie.
1. Le nivellement des formes personnelles.
Le nivellement (= la régularisation = l’unification) des radicaux
A. Les alternances (vocaliques et consonantiques) des radicaux s’éliminent peu à peu:
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– soit en laissant tomber le radical accentué:
Ancien français |
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Moyen français |
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Trovèr |
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Trouvèr |
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(je) trèuve |
(nos) trouvòns |
je trouve |
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nous trouvons |
(tu) trèuves |
(vos) trouvèz |
tu trouves |
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vous trouvez |
(il) trèuvet |
(il) trèuvent |
il trouvet |
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ils trouvent |
– soit en conservant le radical accentué.
Néanmoins, durant tout le moyen âge les deux radicaux alternent donnant lieu à des formes multiples d’un même verbe:
je poise / nous pesons |
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je poise / nous poisons |
je poise / nous pesons |
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je pese / nous pesons |
Les vestiges de l’ancienne alternance subsistent dans la conjugaison archaïque des verbes du 3 e groupe: il meurt / nous mourons, etc.
B. Dans les passés simples en -i et -u, les thèmes dissylabiques sont éliminés en grande partie grâce à l’amuïssement des voyelles en hiatus:
Ancien français |
Moyen français |
(je) vi |
je vis |
(tu) veis |
tu vis |
(il) vit |
il vit |
Le nivellement (= la régularisation = l’unification) des désinences
A. L’unification des désinences touche en premier lieu la première personne du singulier au présent.
Le premier groupe généralise la desinence -e au présent de l’indicatif: (je) chant (AF) > je chante (MF).
Seuls les verbes qui ont pour voyelle thématique -i et -u y résistent: je merci, je salu, etc.
Vu l’amuïssement du -t final à partir du XIIe s., les formes de la 1ière et de la 3e personne du singulier (1 er groupe, présent) ne se distinguent plus dans la prononciation: je chante [ƒãt ] = il chante [ƒãt ]. C’est la première étape vers l’effacement des distinctions flexionnelles ( = synthétiques) entre ces formes verbales.
La généralisation de -e s’explique par plusieurs analogies:
–avec les verbes qui se terminent par «muta cum liquida»: entre, semble. Cependant le petit nombre de ces verbes laisse supposer que ce n’est pas la source principale de la diffusion de -e.
–avec les 2 e et 3 e personnes du singulier du présent de l’indicatif où elle était toujours régulière:
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Présent de l’indicatif |
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I groupe |
Ancien français |
Moyen français |
(je) chant |
je chant-e |
(tu )chant-e -s |
tu chant-e-s |
(il) chant-e-t |
il chant-e-t |
– avec la 1ière personne du singulier du présent du subjonctif des verbes du 2e et du 3e groupes où la désinence -e est régulière (rappelons aussi que le mode subjonctif était très usité en ancien français, fréquent dans l’usage, donc, ses formes auraient pu servir de modèle à imiter):
Présent du subjonctif |
Présent de l’indicatif |
Ancien français |
Moyen français |
finiss - e |
je chant - e |
finiss - e - s |
tu chant - e - s |
finiss - e - t |
il chant - e - t |
B. Le 3e groupe généralise la desinence -s au présent de l’indicatif par analogie avec le 2e groupe:
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Présent de l’indicatif |
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III groupe |
Ancien français |
Moyen français |
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je finis |
(je) tien |
je tiens |
tu finis |
(tu) tiens |
tu tiens |
il finist |
(il) tient |
il tient |
Toutefois cette désinence n’est pas encore stable en moyen français, les
deux formes sont longtemps acceptables :je veil / je veil-s, je oi |
/ je oi-s, etc. |
C. Les deuxième et troisième groupes généralisent -s au passé sim- |
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ple, mais les deux formes alternent très longtemps: je fini |
/ je finis, je |
voulu / je voulus, etc. |
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D. Les désinences de l’imparfait et du conditionnel sont sujettes à plusieurs transformations:
– depuis le XIIe s. à la suite de l’évolution de la diphtongue ei > oi les désinences du 2e et du 3e groupes se refont par analogie avec les verbes du premier groupe:
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Imparfait |
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II, III groupes |
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Ancien français |
Dormir |
Moyen français |
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Amer |
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dormoie |
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(je) amoie |
dormeie |
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(tu) amoies |
dormeies |
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dormoies |
(il) amoit |
dormeit |
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dormoit |
– peu à peu la 1ière et la 2 e personne du singulier perdent le e nonaccentué, ce qui jette les bases à l’unification ultérieure des désinences de
l’imparfait: |
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je dormoi |
je dormoi(e ) |
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tu dormoi(e )s |
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tu dormois |
il dormoit |
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il dormoit |
Mais la régularisation du singulier n’est pas encore achevée en moyen français, car le -s analogique fait seulement ses premiers pas à la 1ière personne du singulier de l’imparfait et du conditionnel.
E. Le subjonctif.
Au présent du subjonctif l’analogie fait apparaître les désinences -e, -es, -et du 2 e et du 3 e groupes dans les verbes du 1ier groupe:
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Subjonctif présent |
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Ancien français |
I er gr. |
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Moyen français |
III e gr. |
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I er gr. |
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Vendre |
Amer |
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Aimer |
vend-e |
aim |
aim -e |
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vend-e-s |
aim-s |
|
aim-e-s |
vend-e-t |
aim-t |
|
aim-e-t |
Il en résulte que les formes analogiques du singulier du présent du subjonctif et celles du présent de l’indicatif ne se distinguent plus.
A la 1ière personne du pluriel la désinence -ons est supplantée par - ions, ce qui oppose désormais ce mode à l’indicatif. Quant à la 2e personne du pluriel, -ez est encore plus répandue que le -iez analogique.
2. Les formes non personnelles du verbe.
Les formes non personnelles du verbe, tout comme le substantif, perdent la catégorie grammaticale du cas. Le participe présent et le participe passé n’ont gardé qu’une forme casuelle – celle du cas régime:
Participe présent
Masculin
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Ancien français |
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Moyen français |
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|
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Sing. |
Plur. |
Sing. |
Plur. |
Cas sujet |
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chantanz |
chantant |
--------- |
---------- |
Cas régime |
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chantant |
chantanz |
chantant |
chantants |
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Féminin
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Ancien français |
|
Moyen français |
||
|
|
Sing. |
Plur. |
Sing. |
Plur. |
Cas sujet |
|
chantant |
chantanz |
--------- |
---------- |
Cas régime |
|
chantant |
chantanz |
chantante |
chantantes |
Participe passé
Masculin
|
Ancien français |
|
|
Moyen français |
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Sing. |
Plur. |
Sing. |
|
Plur. |
Cas sujet |
|
chantez |
chantet |
--------- |
|
---------- |
Cas régime |
|
chantet |
chantez |
chanté |
|
chantés |
Féminin
|
Ancien français |
|
|
Moyen français |
||
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Sing. |
Plur. |
Sing. |
|
Plur. |
Cas sujet |
|
chantee |
chantees |
--------- |
|
---------- |
Cas régime |
|
chantee |
chantees |
chantée |
|
chantées |
Au XIVe s. les formes du participe présent perdent les catégories du genre et du nombre et deviennent invariables, tout comme le gérondif. En même temps ce dernier est de plus en plus souvent accompagné de la particule en.
3. Les valeurs et les emplois des formes verbales.
En moyen français se constitue en gros le système des valeurs et des temps du français moderne.
Les oppositions temporelles deviennent plus nettes, mais les anciens emplois persistent toujours. Les formes temporelles marquent soit une temporalité absolue, soit une temporalité relative, celle-ci en rapport avec le temps d’un autre verbe. Ainsi se constitue pas à pas le système des temps absolus et des temps relatifs et la concordance des temps dont les règles seront définitivement établies au XVIIe s.
Le présent de l’indicatif
Au XIVe s. le présent de l’indicatif perd sa valeur du passé et ne s’emploie plus dans les propositions au passé.
L’imparfait de l’indicatif
A partir du XIVe s. l’emploi de l’imparfait s’élargit aux dépens du passé simple qui perd certaines de ses valeurs propres désormais à l’imparfait. L’imparfait devient le temps descriptif par excellence.
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