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1.5.2. La langue française écrite latinisante

Si la langue parlée était laissée à elle-même, il n’en était pas ainsi pour la langue écrite. L’orthographe française demeurait encore très proche du latin, même si linguistiquement le français s’en est considérablement écarté. On peut même parler de « latin francisé ».

En revanche, il existe peu de textes rédigés en français populaire, mais en voici un exemple trouvé dans le Journal d’un Bourgeois de Paris (de l’année 1416) écrit par un notable membre de l’Université:

Les pauvres gens mangeaient ce que les pourceaux ne daignaient manger: ils mangeaient trognons de choux sans pain, ni sans cuire, les herbettes de champ sans pain et sans sel. Bref il était si cher temps que peu de ménagers de Paris mangeaient leur soûl de pain; car de chair ne mangeaient-ils point, ni de fèves, ni de pois; que verdure, qui était merveilleusement chère [10, p.119].

Les traits les plus marquants du moyen français concernent le lexique et l’orthographe. Le français s’est répandu de plus en plus en France et a gagné des positions réservées naguère au latin, mais celui-ci a pris sa revanche en envahissant la langue victorieuse.

Dès le XIIIe siècle, le latin savant faisait son apparition dans le vocabulaire français, mais, au XIVe siècle, c’était une véritable invasion de latinismes. Au terme de ce siècle, les emprunts au latin sont devenus tellement nombreux que les termes français ont paru ensevelis sous la masse des latinismes. Un grand nombre de ces mots n’a connu qu’une existence éphémère (intellectif; médicinable, suppécliter), mais d'autres ont réussi à demeurer (déduction, altercation, incarcération, prémisse). Ce vaste mouvement de latinisation (ou de relatinisation) a commencé au milieu du XIVe siècle et allait se poursuivre jusqu’au milieu du XVIe siècle. On peut la considérer comme l’un des faits marquants de toute l'histoire du français [4, p.276].

C'est à cette époque que la langue française doit l'apparition des doublets, c'est-à-dire deux mots de même origine étymologique, dont l'un a suivi l'évolution phonétique normale (latin populaire), alors que l'autre a été emprunté directement au latin classique (parfois au grec) après quelques siècles. Ainsi, hôtel et hôpital sont des doublets; ils proviennent tous deux du même mot latin hospitalis, mais l'évolution phonétique a abouti en français à hôtel (une forme courte), tandis que, quelques siècles plus tard, l'emprunt a donné hospital, puis hôpital (une forme longue). Le mot latin d'origine populaire est toujours le plus éloigné, par sa forme, du mot latin classique. On compte probablement quelques centaines de doublets qui ont été formés au cours de l'histoire. Nous n'en citons ici que quelques-uns; on constatera que les doublets ont toujours des sens différents, parfois très éloignés l'un de l'autre (voir annexe C).

Il faut voir, dans cette période du français, l’influence des clercs et des scribes instruits et puissants dans l’appareil de l’État ainsi que dans la vie économique de la nation. Ces gens, imprégnés de latin, éblouis par les chefs-d’oeuvre de l’Antiquité et désireux de rapprocher la langue parlée, c’est-à-dire celle des « ignorants », de celle représentant tout l’héritage culturel du passé, ont dédaigné les ressources dont disposait alors le français. Si les latiniseurs avaient été formés à la philologie romane, ils auraient sans doute habillé les mots « à la mode romane » (ou vulgaire: « peuple »), mais ce n’était pas le cas.

Ces « écumeurs de latin », comme on les a appelés, ont connu un succès retentissant auprès des grands de ce monde, qui leur ont prodigué maints encouragements. Ces érudits latiniseurs ont transcrit et/ou ont traduit les textes anciens en les accommodant à l’état du français. Ce faisant, ils ont éloigné la langue française de celle du peuple: c’était le début de la séparation entre la langue écrite et la langue parlée. Le français a perdu la prérogative de se développer librement, il est devenu la chose des lettrés, des poètes et des grammairiens. Voici comment se justifiait un latiniste de l’époque, Nicolas Oresme (v. 1320-1382):

Une science qui est forte, quant est de soy, ne peut pas estre bailliee en termes legiers à entendre, mes y convient souvent user de termes ou de mots propres en la science qui ne sont pas communellement entendus ne cogneus de chascun, mesmement quant elle n’a autrefois esté tractée et exercée en tel langage. Parquoi je doy estre excusé en partie, si je ne parle en ceste matière si proprement, si clarement et si adornéement, qu'il fust mestier.

Autrement dit, il convient d’user non pas de « termes légers à entendre », mais souvent de « mots propres de la science qui ne soient communément entendus ni connus de chacun ». Oresme professait ainsi que plus les termes étaient difficiles et rares, mieux ils convenaient à des écrits savants.

En 1501, à la toute fin du moyen français, un traité anonyme, Le Jardin de Plaisance et fleur de rhetorique, dénonçait déjà cette nouveauté à outrance qui consistait à écumer le latin :

Quint vice est d'innovation

De termes trop fort latinisans

Ou quant l'on fait corruption

D'aucuns termes mal consonants,

Trop contrains ou mal resonans

Ou sur le latin escumez;

Ainsi ilz sont moult dissonans,

Indignes d'estre resumez.

[Le cinquième vice est l'invention

de mots nouveaux, trop latinisants,

ou quand on corrompt

des termes mal consonants,

trop forcés ou sonnant mal

ou empruntés au latin;

c'est ainsi qu'ils sont trop

dissonants, indignes d'être repris.]

En supposant que 20 millions de Français étaient des sujets du roi, on peut penser que quelque 40 000 d’entre eux savaient lire et que le tiers (presque tous les clercs) de cette mince fraction trouvait l’occasion de lire les textes que nous avons aujourd’hui sous la main. On peut estimer que pas plus d’un cinquantième de la population pouvait pratiquer ce français écrit [1, p.143].

Le vocabulaire s'enrichit et évolue de façon orale et naturelle, par des glissements de sens, des associations d'idées, des apports extérieurs. Des mots nouveaux apparaissent et se ramifient, d'autres tombent en désuétude. Mais il arrive aussi qu'on en fabrique artificiellement. C'est ainsi qu'à la fin du Moyen Âge, à l’époque du moyen français, le besoin d’un vocabulaire savant se fait sentir. La langue vulgaire se révèle en effet d'une insuffisance criante pour désigner les concepts abstraits ou les connaissances scientifiques.

Pour pallier ces lacunes, on crée donc quantités de nouveaux termes directement à partir du latin, ce qui développe considérablement le lexique. Le latin connaît ainsi une seconde jeunesse; aux mots dérivant de lui par évolution naturelle s'ajoutent des composés artificiels.

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