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- •Xviie et xviiie siècles : la mise à l'écart de la « canaille exquise » (La Bruyère)[modifier | modifier le code]
Valeurs et engagements[modifier | modifier le code] Un fer de lance de l'humanisme[modifier | modifier le code]
Dans l'abbaye de Thélème, une égalité parfaite règne entre hommes et femmes, qui contraste avec les discours du Tiers Livre.
Illustre représentant de la Renaissance, Rabelais manifeste une confiance affirmée en la dignité de l'homme, en sa perfectibilité et ses capacités d'invention86. En dépit d'un préjugé répandu, favorisé par les évocations gourmandes ou paillardes, les romans ne relèvent guère de l'épicurisme au sens propre du terme87. Dans une perspective stoïcienne, le pantagruélisme relie explicitement la résistance sereine au destin à la joie de vivre, puisqu'il se définit par le fait de « vivre en paix, joye, santé, faisans tousjours grand chere »88 avec une « certaine gayté d'esprit conficte en mépris des choses fortuites »89. Plutôt qu'à l'ataraxie, il invite à une joie vertueuse conduite par la raison et à la générosité qu'encourage la connaissance de soi90. Cependant, la philosophie de Rabelais emprunte aussi bien aux stoïciens qu'aux épicuriens, auxsceptiques et aux cyniques87.
S'inscrivant dans la lignée des farces médiévales, la représentation féminine dans les romans rabelaisiens nuance toutefois ce tableau : rarement individualisée, se manifestant souvent en groupe, la femme sert de cible à des plaisanteries grivoises, mettant l'accent sur sa sensualité et les risques du cocuage. À l'inverse, elle fait également l'objet d'une d'idéalisation contemplative et abstraite. Badebec et Gargamelle ne sont ainsi évoquées que de façon passagère, de même que l'amoureuse de Pantagruel ou la dame courtisée de Panurge sont bien peu personnifiées. Parce que focalisé sur la question matrimoniale, tout en ayant une portée plus large, le Tiers Livre se fait l'écho de la querelle des femmes, débat récurrent depuis le xive siècle sur la nature de ce sexe, ses qualités morales et son statut juridique. Rabelais, qui du reste ne s'identifie pas à ses personnages, traduit différentes prises de position d'où il ressort que la réussite de l'union conjugale dépend simplement du comportement des époux. Représentative d'un univers masculin, l'image rabelaisienne de la femme ne peut cependant être qualifiée de misogyne91.
L'évangélisme ou la question religieuse[modifier | modifier le code]
Selon Lefranc, la résurrection d'Épistémon après son passage aux Enfers est une scandaleuse parodie.
Les écrits de Rabelais cristallisent un débat sur la question de l'incroyance au xvie siècle. L'historien de la littérature Abel Lefranc soutient dans son introduction à Pantagruel de 1922 la thèse de l'athéisme de l'écrivain92,N 12. Il s'appuie notamment sur la lettre de Gargantua à Pantagruel, la résurrection d'Épistémon et les accusations portées contre lui par Calvin (Des scandales, 1550) et par Henri Estienne dans son Apologie pour Hérodote93.
À cette interprétation s'oppose, en 1924, le théologien catholique Étienne Gilson94, et surtout l'historien des Annales Lucien Febvre dans Le problème de l’incroyance au xvie siècle, la religion de Rabelais (1942). Pour ce dernier, les « accusations » d'athéisme portées à l'encontre de Rabelais ne doivent pas être interprétées à la lumière du rationalisme moderne, mais replacées dans le contexte de l'époque. En effet, était considérée comme athée toute personne qui ne se conformait pas à la religion dominante ou celle de son accusateur. Les romans rabelaisiens témoignent plus probablement de la sensibilitéévangélique de bien des humanistes, les principaux protagonistes affirmant leur confiance en Dieu mais désapprouvant les excès de l'Église95. Ce débat ouvre ainsi la voie à une réflexion plus générale sur les représentations de l'époque.
Cependant, l'œuvre de Rabelais superpose de si nombreuses lectures différentes qu'on ne peut affirmer quelle fut sa véritable doctrine. Selon Laurent Gerbier, « la seule « vérité » qui se laisse absolument nommer, depuis l’ordre propre du texte, c’est-à-dire à partir de son économie interne, c’est la puissance d’une parole capable d’accueillir en même temps des registres de langue et de doctrine différents et même opposés. »96