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Tiers Livre[modifier | modifier le code]
Article détaillé : Le Tiers Livre.
Après avoir en vain usé de la divination et consulté des savants, Panurge demande conseil au fouTriboulet.
Publié en 1546 sous le nom de François Rabelais, bénéficiant du privilège de François Ier et de celui d'Henri II pour l'édition de 1552, le Tiers Livre est comme les autres romans condamné par la Sorbonne. À la forme de la chronique se substituent les discours des personnages, en particulier du dialogue entre Pantagruel et Panurge. En effet, ce dernier hésite à se marier, partagé entre le désir d'une femme et la crainte du cocuage. Il se livre alors à des méthodes divinatoires, telles l'interprétation des rêves et la bibliomancie, et consulte des autorités détenant un savoir révélé, comme la sibylle de Panzoust ou le muet Nazdecabre, des connaissances profanes, par exemple le théologien Hippothadée ou le philosopheTrouillogan, ou sous l'emprise de la folie, en l'occurrence Triboulet. Il est probable que plusieurs des personnages pressentis se réfèrent à des individus réels, Rondibilis incarnant le médecin Rondelet, l'ésotériste Her Trippa correspondant à Cornélius Agrippa48. L'un des traits comiques du récit tient aux interprétations contradictoires auxquelles se livrent Pantagruel et Panurge, structure annoncée dès le chapitre III par l'éloge paradoxal des dettes49.
Les caractères montrent également une évolution significative. Par rapport à Pantagruel, Panurge se révèle moins rusé et assez obtus dans sa prétention à retourner tous les signes à son avantage et dans son refus de prêter attention aux conseils qu'il sollicite. Abusé par sa « philautie », ou amour de soi, il accuse Her Trippa, aux présages funestes, du vice dont il fait lui-même preuve. Sa culture sert sa pédanterie, non sa sagesse. Inversement, Pantagruel gagne en pondération, perdant de son exubérance de géant50.
Les protagonistes décident finalement de prendre la mer pour aller interroger l'oracle de la Dive Bouteille. Les derniers chapitres se consacrent à la louange du Pantagruelion, plante aux vertus miraculeuses, qui n'est autre que le chanvreN 7. Le narrateur lui-même intervient dans le récit, le décrivant d'abord minutieusement comme un naturaliste inspiré par Pline et Charles Estienne, puis développant ses qualités avec un lyrisme nourri d'allusions mythologiques51.
Le Quart Livre[modifier | modifier le code]
Article détaillé : Le Quart Livre.
En mer, près de l'île Farouche, le Physetere, un monstre marin, attaque le navire de Pantagruel
Une première édition brouillonne du Quart Livre paraît en 1548, comportant onze chapitres et de nombreuses coquilles. Son caractère négligé rend mystérieuses les circonstances d'une telle publication, surtout pour un auteur controversé. Le prologue dénonce les diffamateurs mais la suite du récit ne soulève aucune idée polémique. Néanmoins, il contient déjà des épisodes parmi les plus fameux de la geste rabelaisienne, à savoir la tempête en mer et les moutons de Panurge, ainsi que l'esquisse d'une trame narrative faite d'une odyssée erratique52.
Le Quart Livre de 1552, imprimé par Michel Fezandat, relate donc le voyage de Pantagruel et de ses compagnons partis afin d'interroger l'oracle de la Dive Bouteille. Celle-ci, peu évoquée, constitue en réalité un prétexte pour l'exploration ou la simple évocation de quatorze îles dont l'atmosphère fantastique laisse transparaître les tourments de l'époque. La première escale, l’île de Medhamoti, ouvre ainsi sur le merveilleux par une foire fabuleuse : Epistémon achète une peinture des Idées de Platon, Pantagruel acquiert trois licornes. La verve comique de Rabelais se vérifie ensuite par l'épisode des moutons de Panurge, lors duquel le marchand Dindenault perd la totalité de son bétail, ou lors de la satire carnavalesque des Chicanous, qui gagnent leur vie en se faisant battre. L'étouffement au beurre de Bringuenarilles, sur l'île de Tohu et Bohu, donne l'occasion d'un catalogue de morts extraordinaires. Par son sujet, il rejoint la discussion sur l'île des Macraeons à propos des conceptions païennes et chrétiennes de l'immortalité de l'âme.
Rabelais reprend un motif traditionnel de la culture médiévale par la guerre des Andouilles : celles-ci, alliées à Mardi-Gras, attaquent Pantagruel parce qu'ils le confondent avec leur ennemi Quaresmeprenant. La rivalité entre les Papefigues, hostiles au Vatican et les Papimanes, adulateurs du pape, témoigne des tensions religieuses. Rabelais tourne en dérision la déification papale, de même que la prétendue sacralité des décrétales. La langue représente un thème essentiel du récit à de multiples reprises, notamment lors de la découverte d'Ennasin, où le nom des habitants déterminent leurs alliances et liens de parentés, et plus encore lors du prodige des paroles dégelées. Arrivé dans des eaux glaciales, l'équipage entend des sons sans en distinguer la provenance. Ce sont des paroles et des bruits restés emprisonnés dans la glace. Le refus de Pantagruel de conserver ces paroles en dénonce l'absurdité : le langage ne se thésaurise pas mais vit du contact entre les locuteurs53.
Le voyage développe le thème de la mangeaille avec l'évocation d'un géant, messire Gaster. Sur son île, cette allégorie de la faim est révérée par des ventriloques, les Engastrimythes, et les Gastrolatres, obnubilés par leurs ventres. Cette ambivalente adoration stimule l'intelligence, générant des inventions tantôt bénéfiques (agriculture, charrettes), tantôt funestes (artilleries). Les protagonistes principaux se repaissent à leur tour devant l'île de Chaneph, habitée par des hypocrites. Le banquet auquel ils se livrent rappelle la cène et affirme une confiance paisible en Dieu qui contraste avec les pointes satiriques adressées à l’Église54. Ganabin, dernière île du roman, abrite des larrons incitant à ne pas accoster. Pantagruel fait tirer un coup de canon afin de faire peur à Panurge, réfugié dans la cale du navire. Ce dernier se conchie de peur, avant de répliquer avec éloquence et gouaillerie sur son courage et ses excrémentsC 4.