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Ou es-tu - Marc Levy

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les avions de l’US Air Force. Tu peux sortir si tu ne souhaites pas les voir.

— Je veux rester !

La voix du pilote se mit à résonner dans la salle.

US Air Force 985 au centre de commandement du NHC.

Nous vous recevons UAF 985, répondit Hebert dans le micro posé devant lui.

Nous venons de survoler le centre de l’œil, son diamètre est de 25 miles, nous allons vous transmettre les images.

L’écran s’illumina et les premières images apparurent. Lisa retint sa respiration. La petite fille qui sur terre avait tant redouté ce monstre le vit ainsi du ciel pour la première fois de sa vie. Il tournoyait majestueusement; impérieux, irrésistiblement puissant, il enroulait autour de son œil son imposante traîne blanche. Dans les haut·parleurs, on pouvait entendre le souffle du commandant de bord. Lisa serra ses doigts sur les accoudoirs de son fauteuil. Mary arrivait à son tour, elle portait une tasse de chocolat chaud. Elle leva la tête et écarquilla les yeux, saisie par ce qu’el1e voyait.

— Mon Dieu, dit-elle à voix basse.

— C’est plutôt le diable que vous avez sous les yeux, répondit Hebert.

Lisa se rua sur lui, s’agrippant fermement à son poignet. Mary se précipita aussitôt et tenta de la calmer.

Vous allez le détruire ? hurlait Lisa. -— Nous n’en avons pas le pouvoir.

Mais pourquoi les avions ne lui larguent-ils pas une bombe dans l’œil, il faut le faire exploser tant qu’i1 est en mer !

Il se libéra d’elle et la prit par les épaules.

— Cela ne servirait à rien, Lisa, nous ne dis-posons d’aucune force capable de l’arrêter. Un jour nous le pourrons, je te le promets, c’est pour cela que nous travaillons tous ici sans relâche. Je dirige ce centre depuis trente-cinq ans, j’ai consacré toute ma vie à traquer ces tueurs. Nous avons fait beaucoup de progrès depuis dix ans. Il faut que tu te calmes maintenant, j’ai besoin de toi et pour que tu sois efficace, tu dois garder ton sang-froid. Tu vas m’aider, nous allons prévenir toutes les populations qu’il pourrait approcher, suffisamment à l’avance pour que tout le monde puisse se mettre à l’abri.

Le pilote indiqua qu’il s’apprêtait à descendre plus près du centre de l’œil. Hebert fit asseoir Lisa à ses côtés et reprit

le micro. « Soyez prudents. »

Les images parfois saccadées étaient de plus en plus saisissantes. Les caméras embarquées fil-maient l’incroyable cirque de nuages de près de 35 kilomètres de diamètre, dont les parois s’éle-valent sur plusieurs centaines de mètres. Quelques minutes plus tard le silence fut rompu, l’avion annonçait qu’il rentrait à la base. L’écran s’éteignit aussitôt. Il était ll heures du matin. Sam venait d’apporter une série de relevés qu’Hebert lut aussitôt. Il reposa la feuille et prit la main de Lisa, de 1’autre il enclencha le bouton du micro-phone.

— Ici le commandement du NHC, ceci est un avis dàlerte. L’ouragan Marilyn dont la position actuelle est l4° 2’ nord par 58° 8’ ouest est en train de se diriger vers les îles vierges américaines. Il atteindra la Martinique et la Guadeloupe dans la soirée. Toutes les mesures d’évacuation des populations vers les abris doivent être mises en œuvre dès à présent. Les navires quel que soit leur tonnage croisant dans les Antilles françaises doivent rejoindre immédiatement le port le plus proche. Les vents sont actuellement de 70 nœuds.

Il se retourna vers Sam et lui demanda de comparer leurs données avec celles des équipes du CDO de la Martinique. Puis il installa Lisa devant un poste émetteur, rédigea un message d’alerte en lettres capitales et lui montra comment changer les fréquences radio en tournant

la molette.

Je veux, Lisa, que tu diffuses ce message sur toutes les fréquences radio de cette liste, quand tu arriveras au bout tu recommenceras au début, et ainsi de suite. C’est comme cela que nous allons l’empêcher de nuire et sauver des vies. Dès que tu seras fatiguée, ta mère te remplacera, tu as compris ?

Oui, répondit Lisa d’une voix ferme.

Elle passa ainsi le reste de sa journée à répé-

ter sans relâche l’avis d’alerte qui lui avait été confié. Assise à ses côtés Mary tournait le bouton de la radio, et chaque fois que Lisa diffusait son message sur les ondes, elle se sentait comme libérée d’un mal, elle savait qu’elle prenait enfin sa revanche sur les ouragans.

Marilyn traversa la Martinique et la Guadeloupe au début de la soirée. Quand le chiffre 3

s’afficha devant les trois S, Lisa refusa de faire une pause et accéléra la diffusion de ses messages. Mary ne la quitta pas une seule minute, et accepta de prendre sa relève quand elle dut laisser son poste pour quelques instants.

Mary se retourna vers Hebert, les yeux rougis par la fatigue.

— C’est épuisant, vous n’avez pas un système qui envoie

automatiquement ces messages ?

demanda-t-elle à Sam.

— Bien sûr que si ! répondit le professeur en souriant.

Trente et une heures après la première alerte, l‘ouragan passa au-dessus de St. Croix et de St. Thomas, le 16 septembre il se dirigea vers Puerto Rico. À chacun de ses mouvements, Lisa changeait sa fréquence radio, prévenant du danger de plus en plus loin, de plus en plus en vite. Le 17 il atteignit sa dépression maximale à 949 millibars, ses vents soufflaient alors à plus de 100 nœuds, il retourna vers l’Atlantique. A la fin de la journée les vents qui avaient atteint 121 nœuds chutèrent quand la pression remonta de 20 millibars. Le mur primaire de l’œil se dés-intégra audessus de l’océan dix heures plus tard.

Marilyn mourut dans la nuit du 21 au 22 septembre.

De retour à Newark, Lisa apprit que l’ouragan n’avait fait que huit victimes, cinq à St. Thomas, une à St. Croix, une à St. John et une seule Puerto Rico. Quand elle présenta son exposé à l’école elle fit une requête que son professeur de géographie accepta aussitôt. Chaque matin, tous les élèves de sa classe se tinrent debout pour une minute de silence... et ce pendant huit jours.

10.

Lisa continuait de recevoir chaque trimestre le bulletin d’information du NHC, toujours accompagné d’un petit mot d’Hebert, qui prendrait sa retraite au mois de juillet. Avec Sam, elle entretenait une correspondance régulière; il était même venu leur rendre visite l`hiver dernier. Il lui apprit au cours de son séjour que les météorologues du Centre demandaient régulièrement de ses nouvelles. Mary publia dans le Montclair Times au printemps 1996 un article très remarqué sur les ouragans, la prestigieuse revue National Geographic lui offrit aussitôt l’opportunité de développer un dossier complet sur le sujet qui parut en octobre.

Elle y travailla tout l’été, assistée dans sa tâche par Lisa, qui s’occupait pour elle de toutes les recherches documentaires, rédigeant des syn-thèses.

Presque tous les jours, elles se rendaient à Manhattan et après un déjeuner dans le petit jardin du Picasso, elles allaient s’enfermer à la Bibliothèque nationale sur la V° Avenue. Thomas partit avec son meilleur ami dans un camp de vacances au Canada et Philip se consacra aux travaux de rénovation du petit appartement qu'ils avaient acheté comme placement dans l’East Village, ou peut-être sans trop se l’avouer pour Lisa si elle décidait un jour de poursuivre ses études à l’université de New York. Saluée

pour la qualité de l`étude publiée dans la revue National Geographic, Mary se vit confier au début de l’année 1997 deux colonnes hebdomadaires pour une chronique libre dans l’édition du dimanche du Momtclair Times. Lisa suivit ses pas et obtint sa tribune dans le mensuel du lycée. Peu à peu elle s’autorisa à s’écarter des thèmes météorologiques.

Lisa fêta ses dix-neuf ans au début de l’année suivante et Thomas ses quinze ans le 21 mars. Le mois de juin fut riche en événements. La préparation de la Prom justifia deux journées entières de recherches vestimentaires dans les rues du village. Stephen vint chercher Lisa chez elle et quand Philip lui fit ses recommandations, Mary d’un regard incendiaire invita son époux à éviter de vieillir prématurément. Pour la première fois Lisa rentra au petit matin. Ce mois annonçait aussi la fin de son cycle d’études en High School et, diplôme en poche, son entrée prochaine à l'université. Elle était devenue une ravissante jeune femme, sa bouche s’était élargie, dessinant un sourire plus naturel. Ses longs cheveux tombaient sur sa peau métissée, rayonnante de beauté elle avait bien du mal à maintenir l’« équilibre ».

De la petite fille qui était arrivée un jour de pluie, il ne restait plus aujourd’hui qu’un regard, une lumière intense et troublante au fond des yeux.

À l’approche de la fête qui célébrerait la gra-duation de

Lisa, Mary ne pouvait s’empêcher de se sentir fragile; Le souvenir dùn serment fait un jour de retrouvailles cinq ans plus tôt, à la table d’un bar dans un aéroport, venait souvent troubler ses nuits, même si rien dans le comportement de sa fille ne laissait présager qu’il faille tenir la promesse.

Thomas arriva le dernier à la table du petit déjeuner. Lisa avait fini de manger ses pancakes et Mary dut ranger la cuisine en toute hâte. Philip lançait de brefs coups de klaxon pour que tout le monde le rejoigne dans la voiture. Le moteur ronronnait déjà quand la dernière ceinture fut bouclée. Il fallait à peine dix minutes pour arriver au lycée et Mary ne voyait pas la raison d’une telle impatience. Sur la route, il jetait des regards dans le rétroviseur que Lisa lui retournait aussitôt. Mary essayait de se concentrer sur le pro-grarnrne de la journée, qu’elle abandonna, lire en roulant lui donnait mal au cœur. La voiture garée sur le parking, ils allèrent saluer les professeurs.

Philip était nerveux comme une puce. Avant que Lisa ne s’éloigne pour rejoindre ses camarades de promotion, Mary la rassura, il était toujours comme cela quand il y avait une cérémonie un tant soit peu officielle. Philip insista auprès de Thomas et de Mary pour qu’ils viennent tous deux prendre place sur les gradins disposés devant l’estrade où aurait lieu la remise des diplômes. Mary fit son mouvement de sourcil tapotant du doigt le cadran de sa montre. La céré-

monie commençait dans une heure, il n’y avait pas de quoi s’alarmer et elle allait en profiter pour faire quelques pas dans le parc.

Quand elle revint, Philip était déjà assis au pre-rnier rang, il avait posé chacune de ses chaussures sur les deux chaises mitoyennes pour les réserver. En s’asseyant, Mary lui rendit son mocas-sin.

Tu as une imagination débordante quand il s’agit de réserver une place ! Tu es sûr que tu vas bien ?

Les cérémonies me rendent nerveux, c’est tout.

Elle l’a son diplôme, Philip ! C’était avant, pendant qu’on révisait les examens qu’i1 fallait t’énerver.

Je ne sais pas comment tu fais pour garder ton calme, regarde, elle est déjà sur l’estrade, elle va prononcer son discours !

…que nous avons appris par cœur depuis un mois, et je t’en prie, tu ne vas pas gesticuler tout le temps comme cela.

Mais je ne gesticule pas !

Si, et ta chaise grince. Si tu veux écouter ta fille, essaie au moins de rester un peu en place.

Thomas les interrompit : après la jeune fille qui saluait, ce serait le tour de Lisa. Philip était certes tendu, mais avant tout très fier, et il se retourna pour compter le nombre de personnes qui assis-taient à la cérémonie. Il y avait douze rangées de trente sièges, cela faisait trois cent soixante spectateurs.

Est-ce quelque chose d’indistinct qui attira son regard ou bien cet éternel instinct qui le fit se retourner encore une fois ? Au fond de l’assemblée, assise au dernier rang, une femme fixait Lisa qui avançait vers le pupitre.

Ni les lunettes de soleil qu’elle portait, ni la cape légère dans laquelle elle s’était enroulée, pas plus que les marques que le temps avait laissées sur son visage ne l’empêchèrent de reconnaître Susan.

Mary lui pinça le genou :

— À moins que tu n’aies vu un fantôme, si tu veux assister à la remise du diplôme de ta fille retourne-toi, parce que c’est maintenant.

Pendant tout le temps où Lisa saluait ses professeurs, la main gauche de Philip devenue moite s‘était mise à trembler. Mary la prit dans la sienne et serra fort les doigts. Quand Lisa remercia solennellement ses parents pour leur amour et leur patience, Mary ressentit un urgent besoin de crêpes au sucre.

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