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§ 69. Parmi les constrictives il y a cinq sonantes [1, h, j» w, ц]. Toutefois, parmi les variantes du phonème [ê] il y a aussi des variantes vibrantes.

Comme chacune de ces consonnes a son point d'articula­tion nettement distinct, et qu'elles ne constituent ni oppo­sitions de sonorité, ni oppositions de nasalité, il importe de les envisager séparément.

La sonante [1] est dite latérale parce que l'air s'échappant des deux côtés de la langue, accidentellement d'un seul, le bruit particulier а la consonne [1] se forme en­tre les dents prémolaires, en arrière des dents canines, et les côtés de la langue légèrement abaissés parce que la pointe de la langue s'appuie contre les alvéoles des incisives supé-

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Heures. Ce contact dont la zone n'est pas toutefois aussi étendue que celle du [Г] mouillé russe vaut а la consonne [1] sa dénomination de prélinguale.

Il importe de souligner que le [1] français а la fin du mot reste sonore tandis que le son correspondant du russe a tendance de s'assourdir.

La consonne [1] est également fréquente а l'initiale, а l'intérieur et а la finale : Ut, loup, saler, couler, bal, col. Toutefois, tout comme les autres sonantes constrictives, elle n'existe guère а quelques exceptions près (branle) derrière les voyelles nasales dans le radical des mots, pourtant on la rencontre derrière ces voyelles а la frontière des morphè­mes, préfixe et radical, par exemple : enlever, enlacer, enlu­miner, enlignement, enlaidir, enliser, inlassable (avec le pré­fixe in- cet exemple est unique а cause de l'assimilation qui a eu lieu dans les mots commençant par 1 : in-légal >il-légal).

Dans les groupements de consonnes а l'intérieur du mot, elle se trouve moins souvent la première (poltron, colporteur) et ceci dans les mots d'origine savante, tout 1 devant con­sonne ayant passé а [u] en ancien français.

Si le radical comporte une voyelle nasale, [1] se place généralement dans le groupe derrière une autre consonne : ronfler, gonfler, ampleur. A la finale, il est tantôt le pre­mier, tantôt le dernier dans le groupe : solde, algue, angle, crible, etc. Sa position devant une consonne dénote l'origine étrangère ou savante du mot dont il fait partie. Par contre, а l'initiale [1] ferme toujours le groupe de consonnes : slave, claque, glauque. Il ne se combine, dans ces conditions, ni avec les consonnes-bruits [t, d, z, v, J, 5 ], ni avec les sonantes.

Il y a lieu d'opposer [1] а [ê], autre sonante constric-tive prélinguale.

La consonne [1] s'oppose également а une autre constric-tive médio-linguale [j] issue du son mouillé [Г] qui cons­tituait l'opposition [1 — Г] jusqu'au XVIIe siècle. D'ail­leurs le [Г] subsiste dans le français du Midi de la France. Toutefois l'opposition [1—j] ne se réalise pas au milieu du mot dans le groupe de consonnes, [j] ne s'y trouvant jamais, а moins qu'on ne prenne en considération, pour les groupes de deux consonnes, les exemples du style parlé tels que raillerie, pailleté, etc. dans lesquels la constitution des groupes [je], [jt] est conditionnée par la chute du e insta­ble : [Kaj'm], [paj'te]. L'opposition [1—j] est rare а l'initiale du mot.

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A l'initiale : [1 — ê] lampe rampe, lobe robe, il

lit il rit.

[1 — j ] lampe ïambe, long ion, yacht

['jot] — lotte, yacht Tjak] — lac. A l'intérieur : [1 — ê] calé carré, boulot bourreau ;

// coulait il courait, seller serrer.

[1 — j ] fouler fouiller, salir saillir,

ballon billon, rler railler. A la finale : [1 —- h] il coule il court, bal bar,

col cor.

[1 — j ] il roule il rouille, bal bail,

malle maille. Dans le groupe : [1 — ] glaive grève, blanc franc,

angle ancre, alcade arcade, déclas­ser décrasser.

[1 — j ] plat piatt parler parier, po-

t(é)lé potier.

§ 70. Pour le [ê ] la norme littéraire admet plusieurs variantes, qui toutes représentent le même et unique phonè­me du français [ê], et dont deux appartiennent aux vibran­tes et une seule aux constrictives (les vibrantes prélinguale et uvulaire, la constrictive uvulaire). La plus usitée parmi elles est la constrictive uvulaire dite [ê ] parisien qui a ten­dance а se répandre davantage. La vibrante prélinguale est déjа « nettement rurale ou méridionale » (A. D a u z a t ). 1

Le rendement du [] en français est considérable. La consonne peut se trouver dans n'importe quelle position : а l'initiale, а l'intérieur et а la finale du mot. Elle peut faire partie de différents groupes de consonnes, sauf en début de mot suivi d'une consonne autre que [j, q, w] : réaliser, arracher, cour, sorte, ordre, bougre, travailler, démontrer, etc.

§ 71. Dans le système phonématique du français, il y a trois sons qui suscitent maintes discussions, ce sont [j, ц, w] qu'on classe tantôt parmi les voyelles [i, y, u] comme de simples variantes de celles-ci, tantôt parmi les diphton­gues [je, це, we], tantôt parmi les sonantes constrictives. Les termes « semi-voyelle » et « semi-consonne », utilisés dans plusieurs manuels et traités témoignent de l'incertitude des linguistes quant au classement de ces sons. Ils rappellent

1 Dans les années trente, la variante prélinguale du [r] était «encore très usitée au thétre et dans le parler oratoire», affirme M. Grammont dans son «Traité pratique de prononciation française» (p. 66). Aujour­d'hui, son emploi dénonce une prononciation non parisienne.

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la position intermédiaire de ces sons entre les voyelles et les consonnes et soulignent le fait qu'ils tiennent а la fois des voyelles et des consonnes. Ceci n'est pas contestable puisque, de par leur origine, ces sons proviennent des voyel­les, а l'exception de certains mots dans lesquels le [j] doit son origine а [Г] : soleil, bail, etc. ou а l'iodisation du с latin : tec turn >toit [toj't ] > [twa ].

Il importe donc d'examiner de près différentes opinions et critères.

1. Parmi ceux qui estiment que les semi-voyelles [w, q] ne méritent aucune place а part dans le système phonolo­gique du français actuel il faut nommer P. H0ybye, A. Mar­tinet et K. Togeby.

Il y a lieu de constater l'inconséquence de M. Grammont qui classe les semi-voyelles parmi les voyelles et, dans le chapitre consacré а la syllabation, leur donne le nom de consonnes.

Si l'on considère les sons [q, w, j] comme des variantes des voyelles [y, u, il, il faut les traiter en tant que variantes combinatoires, c'est-а-dire dépendant des sons voi­sins, puisque les voyelles [y, u, i] se prononcent respective­ment [q, w, j] devant une voyelle. Il s'ensuit que tout [i], aussi bien que [y, u], garde son caractère vocalique devant une consonne, mais devient consonantique [j, q, w] devant une voyelle, constituant de la sorte l'alternance [i/j, у/ц, u/w]. Ceci serait juste si les voyelles [i, y, u] ne se trou­vaient jamais devant une voyelle. Mais les mêmes mots admet­tent aisément les deux prononciations devant une voyelle — [i, y, ul et [j, q, w], ce qui prouve qu'il ne s'agit pas de variantes combinatoires, les variétés d'un même phonème ne se trouvant jamais en même position. Les verbes tuer, louer, lier se prononcent tantôt [ty'e, lu'e, li'e], tantôt Ttqe, 'Iwe, 'Ije]. S'agirait-il de variations stylistiques, la prononciation [ty'e, lu'e, li'e] étant du style soigné, voire même du style relevé, tandis que les formes ['tqe, 'Iwe, 'Ije] relèvent en premier lieu du style parlé? Ceci se pour­rait, si toutefois tous les mots de la série avaient les deux formes avec [i] (ou [y, u]) et avec [j] (ou [q, w]). Or, sont susceptibles d'avoir les deux variantes de prononciation seulement les mots dans lesquels le i provient de deux sons latins : lier<ligare. Le français connaît un grand nombre de mots oщ l'alternance [i, y, u] — [j, q, w] n'existe pas, ces mots se prononçant toujours, dans n'importe quelle po­sition avec [j, q, w] : pied, tiède, ciel, pieux, ; lui, nuit, 112

fuite, huit ; moi, quoi, soie, etc. Et ceci dans les mots oщ les phonèmes en question dérivent d'un seul son latin : pied<pedem. x

Qui plus est, les manuels de phonétique, tel le « Traité de prononciation française » de P. Fouché (1956), et les dic­tionnaires phonétiques, tel celui de L. Warnant (1962 et 1968) donnent une seule transcription pour beaucoup de mots contenant les lettres i, u, ou, y devant une voyelle — on les transcrit seulement avec [j, q, w] : hiérarchie [jeKa^'Ji], yacht t'jak], yaourt [ja'uKt], pléiade [ple'jad], vierge f'vjsBs] ; lui Tlqi], fuite ['fqitl, suite fsqit], nuée Tnqe], truite rt^qit] ; ouate ['wat], ouïe f'wi], noix ['nwa], doué f'dwe], toi ['twa], etc. Dans le chant,- d'ailleurs, les sons tj, 4> w^ sont traités comme des consonnes, et c'est la voyelle suivante en cas de besoin, qui est prolongée [rwaaa ], [fjesiK ], [IqiiiK].

Cela veut dire :

Primo, que cette forme est devenue de nos jours le modèle de la prononciation, les formes avec [i, y, u] étant réservées désormais au style soutenu, et encore de façon facultative.

Secundo, que les sons [j, q, w] sont considérés en tant que phonèmes-consonnes : ils constituent une seule et même syllabe avec la voyelle qui suit. N'étant pas syllabiques tj> q, w] ne sont pas des voyelles, ce sont des consonnes : palier [pa-'lje], briller [Ьш-'je], reluire [Bæ-'lqi:K], s'en-fuir [sd-'fqi.-ê], avouer [a-'vwe], allouer [a-'lwe].

On peut avancer d'autres arguments, et notamment le fait que [j ] remplacé par la voyelle [i], dans beaucoup de mots, les rend inintelligibles, les détruit en tant qu'unité lexicale. Ainsi, aïeul [a'jæl], articulé en 3 syllabes avec un [i]— [ai'æl] devient un non-sens, un mot а déchiffrer. Comparez également les paires de mots qui suivent, dont le premier représente la norme et le second en tant que résul­tat de la commutation [j/i 1 amène la destruction du mot :

1 II importe de souligner toutefois qu'il existe une troisième variation dans la prononciation des i, u, ou devant voyelles. Les i, u, ou gardent leur caractère de voyelles devant une autre voyelle et ceci dans le cas oщ ils sont précédés de deux consonnes dont la deuxième est une sonante. La raison en est d'ordre phonétique puisque la sonante ne peut pas se trouver au milieu d'un groupe de consonnes. On prononce donc plier [pli'e] ou [pli'je], encrier [.kBi'e] ou [d.kBi'je], trouer [tnu'e], clouer [klu'e], gruau [gKy'o], affluer [afly'e]. Pour le u il y a flottement : cf. bruire [Ьêу'êê] [Ьêцêê], détruire [detKy'i.-ê] [de'teqiiK], fluide [fly'id] f'flqid]. Voir P. Fouché. Traité de prononciation française. P., 1956, p. XXXVI.

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8 Шèгаресêая H. A.

yeux [>]— [i'0], chien ['Jjê] — [Ji'л], ft'&fe ['tjedl — [ti'ed] et ainsi de suite. Bien plus, le mot pied prononcé en deux syllabes avec un i vu l'intercalation (épenthèse) du [j] entre deux voyelles aurait créé un autre mot [pi'je] — cf. piller.

Quant aux sons [ц, wi, le critère en question n'est pas aussi indubitable qu'il Test pour le [j ] : les mots tels que luire, louer pouvant être prononcés également bien Èу'êê] et Г1ц1:ê], [lu'e] et f'iwe]. Le fait qu'ils sont articulés le plus souvent avec [ц, w] confirme la stabilisation de ces sons en français actuel, leur valeur phonématique toute ré­cente.

Le fait que la liaison et l'élision sont omises devant les mots commençant par les sons [j, ц, w] prouve leur carac­tère consonantique, puisque la liaison et l'élision ne se font qu'avec les mots а initiale vocalique ; cf. le yacht, les yachts, le iode, du iode1, le yaourt, etc. D'autres mots а tradition plus ancienne marquent une tendance fort pronon­cée vers l'élimination de l'élision, tels, par exemple, — la hyène, la ouate, de huiler, de hier (а côté des formes telles que Г hyène, Г ouate, d'hier, etc.).

Il y a néanmoins quelques mots peu nombreux parmi les plus usités qui sont sujets а l'élision et а la liaison mal­gré leur début consonantique [j], [ц], [w] — les^yeux, les^oiseaux l'oiseau, l'huile, etc. ce qui sv plique par leur tradition fort ancienne, par le fait que Itur formation date de l'époque oщ les sons а l'initiale étaient des voyelles. A. Dauzat cite deux exemples pour le prouver : l'adverbe avant-hier, unité lexicale et phonétique de longue date, se prononce [avoi'tje.-K] tandis que le groupement syntaxique libre du genre « préposition+substantif (adverbe) » tel que avant-hier (un jour quelconque qui précède celui d'hier) n'admet pas de liaison [avd'jeiK] 2.

1 Ce mot peut toutefois être prononcé avec elision aussi : Г iode.

2 P. H0ybye conteste ces arguments. Il estime que la liaison et l'éli­sion sont sujettes а l'élimination devant plusieurs mots а l'initiale vocali­que, que l'omission de l'élision est due soit au caractère étranger du mot(le sabre du uhlan), soit а sa qualité de nom propre (les lois de Ohun).De toute façon, il s'agit toujours, selon P. H0ybye, de quelque espècede corps étranger. (P. H0ybye. Voyelles et semi-voyelles а l'initialedu mot en français. TCLP, 1949). Or, la tendance du français actuel аéliminer l'élision et la liaison dans les mots plus ou moins anciens com­mençant par [j, ц, w] (voir la liste plus haut) prouve le contraire, cesmots n'étant nullement étrangers dans le système lexical du français mo­derne.

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II s'agit donc, dans le cas de [j, q, w], des consonnes constrictives-sonantes d'origine plutôt récente, sauf [j], ce qui explique certaines restrictions dans leur fonctionnement, surtout dans celui des consonnes [4, w]. *

2. Si l'on considère [j, q, w] comme des éléments faibles des diphtongues ascendantes (Ch. Bruneau), ils doivent for­mer un tout phonique avec la voyelle qui suit, soit [je, це, we], etc. Une diphtongue ne peut pas être scindée en deux dans l'analyse morphologique. Or, la coupe morphologique du mot français se fait aisément au milieu de la prétendue diphtongue, la partageant en deux morphèmes différents ; les parties de [je, qe, we] peuvent appartenir а différents morphèmes. Par exemple, dans le verbe saluer [sa'lqe] la voyelle [e] est la terminaison de l'infinitif, [ц] fait partie du radical salu-. Autres exemples non moins convaincants : influence in-flu-ence ; nous jouons jou-ons ; fouet fou-et ; faience faï-ence, etc.

Il faut donc convenir que [j, Ц, w] ne sont pas des élé­ments faibles de diphtongues. Le français actuel ne connaît pas de diphtongues.

§ 72. La consonne constrictive médio-linguale [j ] en sa qualité de sonante est constituée du ton musical qui domine et d'un bruit. Celui-ci a son foyer entre la partie médiane du dos de la langue et la partie médiane du palais dur. Le dos de la langue se rapproche du palais dur en laissant une fente très étroite par laquelle la colonne d'air expulsée des poumons passe avec effort. Qu'on se souvienne ici que les sonantes constrictives se sont formées а la base des voyelles fermées, articulées avec le dos de la langue rapproché du palais ce qui, ajouté а l'effort musculaire, permet de créer la tension lo­calisée qui caractérise la consonne.

A la fin du mot, le [j ] est aussi sonore qu'il l'est devant une voyelle ce qui l'oppose nettement au [j] final dans la langue russe ; а comparer, ïаé paille, раé rail, êèé quille, etc.

La consonne [j ] provient soit du [i ] devant voyelle (ori­gine ancienne — résultat de la diphtongaison d'une voyelle, cf. les mots tels que pied, tiède, ciel, etc.) soit du [Г ] mouil­lé (origine récente que dénote l'orthographe des mots — pa­reil, piller, bailler, etc.).

En tant que consonne, le [j ] n'est pas syllabique, il forme

1 Ce point de vue est partagé par L. Scerba, G. Gougenheim, B. Malmberg.

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toujours une seule syllabe avec la voyelle précédente [pa'usj ] ou bien avec la voyelle suivante [pa-'lje], [ps-'je].

Il s'oppose а la voyelle [i] dans les mots suivants : pays [ps'i — pe'i ] — paye ['psi ], abbaye [abs'i—abe'i ] — abeille [a'bej].

L'emploi du [j ] est fréquent en français moderne, la con­sonne [j ] se trouvant dans différentes positions а l'exception du milieu du mot entre deux consonnes : hier, iode, griller, tailler, grouiller, seuil, soleil, etc. Elle ne peut pas précé­der une consonne, а moins que celle-ci ne se trouve а l'inté­rieur du mot devant suffixe en cas du style parlé : artill(e)-rie, paill(e)té, pareillement. Elle ne se trouve jamais der­rière une voyelle nasale.

A la différence des sonantes [ц, w], la consonne [j ] est susceptible de suivre ou de précéder la voyelle correspondante [i ] : piller, griller, fille, saillie, faillir, cueillir, parce qu'elle provient non seulement du [i] en hiatus, mais aussi du [Г] mouillé (voir § 73).

§ 73. La sonante constrictive médiane [q ] est une con­sonne а deux points d'articulation : l'un se formant entre la partie médiane du dos de la langue et le palais dur, l'autre — juste au milieu des lèvres avancées et arrondies. х C'est la tension localisée qui distingue [ql-consonne de [y]-voyelle ; il suffit de comparer les fentes qui se forment respectivement, lorsqu'on articule ces deux sons. La fente entre les lèvres est le 2 mm pour le [q ] et de 3,5 mm pour le [y ], tandis qu'en­tre le dos de la langue et le palais dur, elle est de 3,5 mm pour le [ц] et de 4,25 mm pour le [y] 2.

Cette différence est encore plus grande pour la consonne [w] et la voyelle [u] : la fente entre les lèvres étant de 1 mm pour le [w] et de 3,5 mm pour le [u], alors qu'en arrière de la bouche elle est de 2,5 mm pour le [w] et de 4 mm pour le [u]. La sonante [w] est aussi une consonne а deux points d'articulation, le premier se formant entre la partie postérieure

1 L. Scerba place ces sonantes dans la case des bilabiales de son schéma. Néanmoins, en faisant la description des phonèmes, il parle d'un seul point d'articulation, pour chacun d'eux, notamment, de celui qui op­pose [q] а [w], [4] étant une médio-linguale, [w]—une postlinguale. A notre avis, la tension est localisée а deux endroits: 1) au milieu des lè­vres avancées et arrondies pour [ц] et [w], 2) entre le dos de la langue et le palais, а des endroits différents de ces organes pour chaque phonème: entre leurs parties médianes pour [q] et entre leurs parties postérieures pour [w].

2 D'après J. Chlumsky. Radiografie francouzskych samohlasek a polasamohlasek. Rozpravy ceske akademie vлd a umлni. Trïda III, cislo 75 v, Praze, 1938, pp. 89—90.

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de la langue et le palais mou et le deuxième — au milieu des lèvres arrondies et avancées. La tension musculaire pour le [w], а l'opposé de la voyelle [u], est localisée.

Etant donné leur origine vocalique récente, les deux con­sonnes ne se trouvent jamais devant ou derrière les voyelles dont elles sont issues — [y] et [u], non plus qu'а la fin ab­solue du mot, ou en position intervocalique. Elles sont tou­jours suivies d'une voyelle. Les deux consonnes existent а l'initiale du mot — huit, huile, ouest, ouate ['qit — 'qil — 'west — 'wat], après une ou deux consonnes au début et а l'intérieur du mot — fuite, luire, truite, fluide, essuyer, in­fluer ['fqit — 'IqiiK — 'tBqit — 'flqid — esqi'je — л/flqe], foire, louis, droite, gloire, côtoyer, refroidir ['fwa:r — 'Iwi — 'dKwat — 'glwa:K — kotwa'je — BæfKwa'dirK]. Ceci dans le cas oщ le groupe de deux consonnes précédant le [ц] et le [wl comprend une sonante [1] ou [ê], qui doit précéder immédiatement [q], [w]. Alors il peut se consti­tuer même un groupe de trois ou quatre consonnes — cons­truire [k5.s-'tKui:K].

Plusieurs linguistes (L. Scerba, G. Gougenheirn, etc.) es­timent que l'opposition [u —w] peut se présenter en fran­çais bien qu'elle soit rare : // doua [du'a] — il doit ['dwal, il échoua il échoit, il noua il noie, il voua il voit.

Il y a lieu de dire que les mots contenant également le groupe oui ne riment cependant pas : mouille, houille [muj, uj ] — Louis, ouïe [Iwi, wi]. Ceci non seulement а cause de la différence [j — i ], mais aussi vu le caractère syllabi que (ou vocalique) de ou dans les mots mouille, houille et son carac­tère non syllabique, donc consonantique [w] dans Louis, ouïe.

Il n'y a donc que le phonème [q] qui ne constitue pas d'opposition phonologique avec la voyelle correspondante [y]. Néanmoins nous réservons dans notre schéma une case spé­ciale pour le [q] en tant que phonème, étant donné que le [ц] n'est pas syllabique, qu'il y a en français nombre de mots oщ l'alternance [у/ц] ne joue pas, grce а l'existence d'une seule forme avec le [q] dans les mots tels que lui, huit, etc.

Les données des dictionnaires et des manuels de phonéti­que prouvent ce que nous venons de dire : tous les mots avec «y-fvoyelle» y sont transcrits par [q]1.

1 L. Warnant. Dictionnaire de la prononciation française. Gem-bloux, 1968; P. Fouché. Traité de prononciation française. P., 1956, p.

XXXVI, A : « Le groupe ui se prononce toujours [qi] dans les mots etnoms propres français, quelle que soit sa position». Pourtant а la p.

XXXVII, 3 rem., P. Fouché cite des mots oщ ui se prononce [yi].

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Il convient de tenir compte également du développement du 1ц] par analogie avec les deux autres sonantes constricti-ves — le fj ] et le [w] qui ont déjа pris pied dans le système phonématique du français.

e. Durée des consonnes

§ 74. La longueur des consonnes ne présente pas de va­leur phonématique en style non affecté du français ; d'ailleurs beaucoup de langues n'utilisent pas non plus les consonnes longues. Toutes choses égales, la consonne sourde est plus longue que la sonore. * Toutefois, dans certaines conditions, la consonne est susceptible de devenir deux et trois fois plus longue qu'elle ne Test d'ordinaire. C'est le cas des consonnes frappées de l'accent d'insistance, dit accent emphatique : miserable ! magnifique I (voir §130). La longueur d'une consonne se manifeste dans sa tenue (deuxième phase d'arti­culation) plus ou moins prolongée.

Il importe de ne pas confondre une consonne longue — consonne а tenue unique — avec une consonne double ou géminée. Celle-ci est la combinaison de deux consonnes iden­tiques dont la première est dépourvue de sa dernière phase, la détente (elle devient implosive), et la deuxième — de sa première phase, la tension. Par cela même les tenues des deux consonnes se touchent, se greffent l'une sur l'autre. On vient de terminer la tenue de la première consonne pour commencer celle de la deuxième. Les tracés présentent un fléchissement plus ou moins net а la jonction des deux tenues. C'est а cet endroit que s'effectue la coupe syllabique du mot, les con­sonnes appartenant а deux syllabes différentes. La coupe morphologique, s'il y en a une, sépare ces deux consonnes également.

A la différence de l'italien et du russe, le français utili­se fort peu la géminée, toute consonne double ayant été élimi­née depuis des siècles. A part la gemination du [r] au futur et au conditionnel des verbes mourir, courir, quérir (mourrait, courrait, etc.), les géminées sont dues а la chute d'un e ins­table а l'intérieur d'un mot (nett(e}té, désir(e}rait, extrêm(e)-ment, etc.) ou bien а la rencontre de deux mots dans la chaîne parlée (// Га vu, grande dette, etc.). La gemination se mani-

1M. Durand. Etude expérimentale sur la durée des consonnes parisiennes. D'Artrey, 1936.

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feste donc а la frontière des morphèmes (netteté) et des mots dans la phrase (grande dette). Dans les mots savants prononcés souvent avec une géminée par les speakers а la radio, la gemi­nation est due а l'influence de la graphie (irréel, collectif, Hollande, illusion, etc.). Cet usage tend а s'implanter dans la prononciation française.

/. Conclusion