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§ 161. Les causes de ces divergences gisent dans le fait que la nouvelle langue romane, tel le français qui commen-

1 A consulter les ouvrages essentiels que voici: Л. . Щерба. Ôî­нетèêа ôранцуçсêîгî яçûêа. Èнîèçдат, M., 1953, § 217 — 222; . Г. Гаê. Ôранцуçсêая îрôîграôèя. Учïедгèç, М., 1956; V. u ben. Influence de l'orthographe sur la prononciation du français moderne. Bratislava, 1935; С h. Beaulieux. Histoire de l'orthographe française. T. I—II, P., 1927.

C'est а Baudouin de Coustenay que nous devons la démarcation des deux notions — graphie et orthographe. È. А. Бîдуэн де Êуртене. Îб îтнîшенèè руссêîгî ïèсьма ê руссêîму яçûêу. Сïб, 1912.

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çait а s'écrire depuis le IXe siècle, a utilisé а ces fins l'alpha­bet d'une langue étrangère, du latin. Les scribes essayaient de noter tant bien que mal, en se servant de la graphie latine, les sons romans étrangers au latin.

Depuis le moyen ge la graphie française n'a pas été amé­liorée ni ordonnée. x Les correspondances entre le son et la lettre sont le plus souvent très relatives et conventionnelles, le nombre de sons français dépassant la quantité de lettres latines (26 lettres pour représenter 35 sons).

Pour remédier aux déficiences de l'alphabet latin employé en français, on utilise divers moyens servant а préciser la valeur phonique d'une lettre. Ce sont les signes diacritiques (accent aigu, accent grave, accent circonflexe, cédille, tréma) et les lettres qui assument la fonction de signes diacritiques, tels le m et le n qui marquent la nasalité de la voyelle précé­dente (an, ambré), l'e а la fin d'un mot veut que la consonne précédente soit prononcée (petit petite), le t après f'e а la fin marque le [s] (cadet). La position de la lettre aide égale­ment а différencier sa prononciation, par exemple, l's entre voyelles— [z] et l's devant une consonne ou encore entre une consonne et une voyelle — [s], etc. Ce dernier procédé joue un grand rôle dans la graphie du français. Il est particu­lièrement important pour identifier la valeur phonique des voyelles précédant les consonnes nasales et des consonnes na­sales elles-mêmes. Ainsi, l'n est articulé devant une voyelle, par contre, devant une consonne ou bien а la fin du mot il sert а marquer la nasalité de la voyelle précédente, etc.

2. Principes de l'orthographe française*

§ 162. Suivant les règles de la graphie, on est fondé а orthographier un même mot de plusieurs façons différentes,

1 N. Tchernychevsky écrit évoquant l'application de l'alphabet latinpar les langues de l'Europe : «Неêîтîрûе сделалè этî îчень хîрîшî; на­ïрèмер, èтальянсêая îрôîграôèя ïреîсхîдна; çаслужèает наçанèяïреêраснîé è èсïансêая; немецêая несраненнî хуже èсïансêîé... анг­лèéсêая — мученèе для самèх англèчан, ужас для èнîстранце; ôран­цуçсêая не лучше ее...» (т. 1, стр. 405).

2 Nous ne donnons ci-dessous qu'un aperçu des principes d'orthogra­phe française. Pour plus de détails voir: L. Clédat. Précis d'orthogra­phe française. P.; M. È. Матусеèч. еденèе îбщую ôîнетèêу.Учïедгèç, М., 1959, стр. 117—128; . Г. Гаê. Ôранцуçсêая îрôîгра­ôèя. Учïедгèç, М., 1956. La répartition des principes d'orthographe estquelque peu différente dans ce dernier ouvrage,

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par exemple: [se:r] — ser, serre, sers, sert, serd, sair, saire, seire, sère, cerf, etc. Pourtant la langue choisit toutes les fois qu'elle en a besoin une seule de ces variantes ; il y en a cependant qu'elle n'utilise pas, par exemple, ser, serd, sair, etc. Ce sont les règles d'orthographe qui déterminent ce choix, ainsi que l'emploi des signes diacritiques et des lettres non prononcées. C'est l'orthographe qui décide également de l'em­ploi des traits d'union et des apostrophes.

§ 163. Bien que l'orthographe française soit traditionnel­le et savante par excellence, plusieurs principes sont а sa base et notamment les principes phonétique, étymologique et morphologique, traditionnel ou historique et hiéroglyphique.

La combinaison des deux premiers cités ci-dessous carac­térise une orthographe raisonnée et sensée de répondre le mieux possible aux besoins des systèmes phonétique et gram­matical d'une langue.

  1. Le principe phonétique demande une corres­pondance parfaite du son avec le signe. Par exemple, les let­tres qui représentent les consonnes а l'initiale du mot — p,b, t, d, r, 1, m, n. Son application est un fait assez rare enfrançais.

  2. Le principe étymologique est celui qui mas­que plus ou moins la prononciation réelle des mots, commetous les autres d'ailleurs qui suivent, а cette différence toute­fois que son application est justifiée par le système gramma­tical de la langue. Il joue un grand rôle dans l'orthographedu français.

D'après le principe étymologique, le morphème garde son orthographe quelle que soit sa prononciation (il arrive а celle-ci de se modifier). Par exemple, bruit ébruiter, malgré son caractère muet le t s'écrit dans le substantif, ce qui le relie au verbe du même radical. Le même genre d'exemple : doigt doigtée, long longue, etc. Ou bien encore : clair s'écrit avec a dans le radical parce que clarté, plein — avec e parce que plénier, etc.

  1. Dans la conjugaison des verbes, c'est le principe mor­phologique qui est très important : tu aimes, tu don­nes ils aiment, ils donnent il aime, il donne, etc.

  2. Le principe traditionnel ou historiqueest appelé а rapprocher les mots français des mots dont ilstirent leur origine (latins, grecs, etc.). Les exemples en sontnombreux : les consonnes doubles — appartenir, commodité,collectif, etc. ; le h muet — homme, hôtel, herbe ; certaines

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lettres finales, telles x, g, p, etc. (paix<pax, voix<vox ; doigt<digiturn, sept<septimam) ; certaines lettres servant а rendre les graphies grecques, telles ph, th, ch, y (photo, thème,

orchestre, lyre] ; l'orthographe de plusieurs affixes ence,

-ent, -um, etc.

Le principe traditionnel utilise les graphèmes qui reflè­tent la prononciation et les principes d'orthographe de l'an­cien français, parfois même des écritures arbitraires. Par exemple: oi [we — wa], eu [æ — 0], la consonne nasale double — donner, qui marque le caractère orale de la voyelle précédente, — x après u alors qu'au début

X = US.

Ce mode d'orthographier les mots crée un grand nombre de fcheux désaccords. Quelle est la raison d'écrire honneur, consonne, sablonneux, paysanne, innommable, chandelle, avè­nement, je jette, contre-porte, assidûment, aggraver, etc. а côte de — honorer, consonance, sonore, limoneux, sultane, innomé, clientèle, événement, j'achète, contrecoup, éperdu-ment, agrandir, etc. ?

5. Le principe hiéroglyphique ou difîérencia-teur sert а différencier les homonymes. Ainsi, on oppose — ou, а, lа, conter, seau, fabriquant, différant, cent, etc. а — ou, a, la, compter, sceau, fabricant, différent, sang, etc. Le principe hiéroglyphique est souvent le résultat de l'applica­tion des principes étymologique (cent sang), traditionnel (contre-porte contrecoup), morphologique (bruit bruis, impératif).

§ 164. Différents linguistes et écrivains ont proposé а plusieurs reprises de réformer l'orthographe française, de la fonder principalement sur la prononciation ou tout au moins de la rapprocher de la prononciation le plus possible . Citons l'avis de Voltaire qui employait de nombreuses graphies sim­plifiées : « II m'a toujours semblé qu'on doit écrire comme on parle, pourvu qu'on conserve les lettres qui font sentir l'éty-mologie et la vraie signification des mots ».

Pourtant, une réforme radicale sacrifierait les formes grammaticales et les orthogrammes des morphèmes qui assu­rent les relations étroites, tantôt morphologiques, tantôt éty­mologiques, entre les mots français. D'autre part, le grand nombre d'homonymes en français créerait un imbroglio désagréable qui empêcherait la compréhension immédiate du texte. Plusieurs prétendent que les plus grands écrivains

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français n'y survivraient pas et les classiques seraient coupés des modernes.

S'opposant aux réformateurs, partisans d'une orthographe simplifiée, R.-L. Wagner estime que la tche des grammai­riens est de « prolonger, autant qu'il est en leur pouvoir, la survie de ces formes menacées ».

Les linguistes cependant n'ont pas abandonné l'espoir de faire accepter une juste réforme de l'orthographe française.

Parmi les défenseurs d'une réforme modérée, il importe de citer M. Grammont qui a mis en pratique ses idées dans la « Revue de philologie française ». En voici un échantil­lon :

Meigret était trop consciencieus comme beaucoup de foné-ticiens modernes. Mais comme il avait deus e ouverts, l'un d'eus resta sans signe... il eut renoncé а distin­guer en ortografe deus e ouverts. Les neuf premiers chapitres étudient la sintaxe, etc.

Nous y ajoutons quelques spécimens tirés de l'article de M. Grammont publié en 1902 dans les « Mélanges linguisti­ques » а A. Meillet :

// n'i a chez x. ni incoérence ni effets du asard. Il i avait tel autre fonème dans le même mot. Tout mot a trois sillabes. Dans l'istoire d'une même langue. Les lan­gues umaines, etc.

Il y a également A. Dauzat qui a avancé en 1940 un pro­gramme raisonnable de simplification de l'orthographe fran­çaise. Il a proposé d'unifier l'orthographe des verbes en -eter, -eler je jeté, l'appelé, et des mots а lettres doubles — do-ner comme donateur, charriot comme charrette, etc., de subs­tituer Г s а l'x dans les pluriels, de supprimer certaines lettres étymologiques — domter pour dompter, pois pour poids, etc.

D'autres linguistes et écrivains continuent d'attaquer l'orthographe française qui est basée sur un des principes les moins logiques, l'étymologie : J. Damourette, F. Brunot, H. Bazin («Plumons l'oiseau», 1966), R. Queneau («B­tons, chiffres et lettres», 1950). Les auteurs de l'ouvrage «L'orthographe» (1969) С Blanche-Benveniste et A. Cher-vel donnent une analyse structurale détaillée de l'orthographe française et arrivent а la conclusion suivante : « On ne peut

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pas réformer l'orthographe, on ne peut que la supprimer et donner au français une nouvelle écriture, fondée sur la lan­gue parlé. »

Néanmoins, une transformation d'orthographe s'impose de toute évidence au français, mais elle doit commencer par viser un nombre restreint de faits, être modérée et combiner les principes essentiels, tels les principes phonétiques, éty­mologiques et morphologiques pour créer une orthographe simple et rationnelle.

Liste des termes suivis, au cas de besoin, d'explications nécessaires ou de renvois aux paragraphes du livre

Accent affectif (emphatique, émotionnel, expressif), accent d'intensité affective — celui qu'on utilise pour traduire différentes émotions (§ 130)

accent de groupe, dit accent normal, final ou rythmique

accent dynamique, accent d'intensité — celui qui se carac­térise par la force (§ 116)

accent d'insistance logique, accent intellectuel — celui qui met en relief une syllabe (§ 128 — 129)

accent musical, accent tonique — celui qui se caractérise par les variations de la hauteur du ton (§ 116)

accent oxyton(ique) — celui qui frappe la dernière syllabe du mot ou du groupe de mots

accent quantitatif — celui qui met en valeur la durée de la voyelle

accent secondaire — celui qui frappe toute syllabe impaire а partir de celle qui porte l'accent du groupe (§ 121)

accent supplémentaire — celui qui frappe la syllabe initiale d'un mot significatif (§ 131)

accent syntagmique — accent final qui frappe le dernier mot du syntagme

accommodation — changement que subissent les consonnes sous l'influence des voyelles, et inversement, par ex. : t devant i est plus ou moins mouillé (§ 96, 99)

aîfriquée, consonne affriquée — consonne complexe qui com­prend deux éléments dont le premier porte un caractère occlusif et le second est constrictif, par ex. Щ ]

alternance — substitution d'un phonème а un autre dans différentes formes d'une même unité morphologique (§ 103— 113)

alternance consonantique — substitution d'une consonne а une autre dans un même morphème

alternance vocalique—substitution d'une voyelle а une autre dans un même morphème alternance historique — § 109 alternance vivante — § 104

s'amuïr (amuïssement) —- devenir muet

aperture, degré d'aperture — degré d'ouverture du canal buccal suivant la position du dos de la langue

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appendice consonantique — consonne nasale prononcée après une voyelle nasalisée

archiphonème — § 14

articulation antérieure — celle qui s'effectue а l'avant de la bouche, alors que le bout et la partie antérieure de la langue jouent un rôle actif dans la formation des sons. La cavité de résonance se trouve а l'arrière.

articulation postérieure — celle qui s'effectue а l'arrière de la bouche, alors que la partie arrière de la langue joue un rôle actif. La cavité de résonance se trouve а l'avant.

articulation apicale — § 7

articulation dorsale — § 7

articulation labiale — articulation avec des lèvres avancées et arrondies

articulation relchée — articulation avec les muscles non tendus

mode d'articulation — mode de formation du bruit, par rétrécissement ou par occlusion du canal buccal (§ 60) point d'articulation — l'endroit oщ deux organes de la parole forment occlusion ou rétrécissement (§ 60)

assimilation — changement que subissent les sons sous l'in­fluence des sons voisins : elle se fait entre deux consonnes ou bien entre deux voyelles

assimilation régressive (anticipante) — celle qui se fait d'a­vant en arrière ; un son assimile un autre qui le précède, par ex. : abstrait [aps'tre] (§ 97)

assimilation progressive — celle qui se fait d'arrière en avant, par ex. : subsister [sybzis'te] (§ 97)

assimilation partielle — celle qui affecte une des caractéris­tiques du phonème (§ 98)

assimilation totale — celle qui affecte toutes les caractéristi­ques du phonème (§ 98)

assonance — retour d'une voyelle analogue dans la syllabe accentuée dans le vers de l'ancien français

atone (voyelle) — non accentuée, inaccentué

Base articulatoire, base d'articulation — ensemble des ha­bitudes articulatoires contractées par un peuple parlant une même langue (§ 77)

Caisse (cavité, chambre) de résonance, résonateur — qui réfléchit le son et renforce certains harmoniques du son

caractéristique (caractère) différentielle, distinctive, perti­nente, phonématique, phonologique — caractère d'un élé-

241

16 Шèгаресêая H. A.

ment de la parole, qui oppose cet élément а un autre ; qui est susceptible de différencier les unités linguistiques

commutation — substitution (§ 10)

consonantisme — système de consonnes, système consonan-tique

consonne allongeante — celle qui est susceptible, а la fin de mot accentué, d'allonger la voyelle précédente, par ex. : r — mur ['my:r]

consonne « fermante » — celle qui attribue а la voyelle pré­cédente un caractère fermé, par ex. : z — oser [o'ze]

consonne « ouvrante » — celle qui attribue а la voyelle pré­cédente un caractère ouvert, par ex. : r — aurore [o'roir]

consonne а tension croissante, consonne croissante — celle qui est prononcée avec une tension musculaire qui aug­mente vers la fin de l'articulation, par ex., la consonne qui précède une voyelle : ton

consonne а tension décroissante, consonne décroissante — celle qui est prononcée avec une tension musculaire qui diminue vers la fin de l'articulation, par ex., la consonne qui termine un mot ou une syllabe : hôte, por-ter

consonne orale — § 65

consonne nasale — § 65

consonne constrictive, une constrictive (on leur donne aussi le nom de fricative ou de spirante) — § 60

consonne occlusive, une occlusive — § 60

consonne vibrante, une vibrante — § 60

consonne-bruit, un bruit — celle oщ le bruit domine (§ 58)

consonne sonante, une sonante — celle oщ domine le ton mu­sical (§ 58)

consonne explosive — celle qui comporte la troisième phase d'articulation (la rupture brusque des organes de la pa­role — § 62)

consonne implosive — celle qui ne comporte pas la troisième phase d'articulation (§ 62)

corrélation — opposition phonologique de deux phonèmes ayant un même trait distinctiî (corrélation des voyelles orales et nasales)

corrélatif — qui forme une opposition phonologique

coupe syllabique — frontière entre les syllabes

Délabialisation — perte du caractère labial, par ex., [бе]

qui passe а [ê] en français contemporain dénasalisation — perte du caractère nasalisé, par ex., mon

[rrô ] dans mon ami [mona'mi ]

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désaccentuation — perte de l'accent normal

détente, recursion — rupture des organes de la parole а la fin de l'articulation d'un son (§ 62)

diachronie— développement d'un élément ou de tout un système au cours de l'histoire d'une langue

dilation, harmonie (ou harmonisation) vocalique — assimi­lation а distance, par ex. : cocombre>concombre (§ 100)

diphtongaison — transformation en diphtongue

diphtongue ascendante — celle qui porte l'accent sur son dernier élément, par ex., en ancien français dans le mot piét (pied)

diphtongue descendante — celle qui porte l'accent sur son premier élément, par ex., éi en ancien français dans le mot péire (poire)

dissimilation — processus qui fait de deux phonèmes identi­ques, se trouvant а distance, deux sons différents, par ex. : fragrare>flairer (§ 101)

durée, longueur, quantité

Elimination — action d'écarter, d'omettre

elision — suppression de la voyelle finale devant un mot

commençant par une voyelle ou par un h muet, par ex. :

l'amie, Г herbe. enchaînement — se fait d'une consonne finale prononcée а

la voyelle initiale du mot suivant, par ex. : finir^а temps.

Par conséquent r final qui est une consonne décroissante

dans finir devient une consonne croissante (§ 123) épenthèse — apparition d'un phonème non étymologique

entre deux consonnes — ess(e)re>estre, ou bien entre

deux voyelles, de préférence fermées — prier>[pri'je] épenthétique (son) — qui est intercalé entre deux consonnes

ou deux voyelles excursion, tension — mise des organes dans la position pour

articuler un son (§ 62)

Flottement — hésitation formant — § 9

Géminée — consonne а deux sommets syllabiques : netteté

[net-'tel

graphie —§ 160 groupe accentuel, groupe accentué, groupe rythmique

Hertz (Hz.) — unité de fréquence valant une vibration dou­ble (v.d.) ou une période par seconde (p/s) — § 9

243

16*

hiatus (terme de grammaire historique) — rencontre de deux voyelles non amuïes, par ex. : océan ; en phonétique, une variété de liaison vocalique, de préférence а l'intérieur d'un mot

Imparisyllabique (mot) — celui qui comporte un nombre inégal de syllabes dans ses différentes formes, par ex. : bro barônis

intensité — force (§ 9)

intonation, procédés intonatoires, moyens prosodiques, traits suprasegmentaux — § 114

Labialisation — articulation avec les lèvres avancées et ar­rondies

liaison — prononciation occasionnelle d'une consonne d'or­dinaire muette, а la fin du mot devant un autre qui com­mence par une voyelle —§110

liaison vocalique — § 123

Mélodie, mouvement musical, ton — § 137

métathèse — déplacement réciproque des sons ou des sylla­bes, par ex. : formaticu>fromage

modification — changement, transformation

monophtongaison — soudure d'une diphtongue en une seule voyelle, par ex. : ai>[s]

monosyllabique (mot) — qui comporte une seule syllabe : sel

mouillure — palatalisation

moyens prosodiques, procédés intonatoires, intonation, traits suprasegmentaux — § 114

Nasalisation — quand une voyelle orale se nasalise sous l'influence d'une consonne nasale voisine: ton [t5] ; articulation supplémentaire due а l'abaissement de la luette et а la résonance de la cavité nasale

neutralisation — perte d'opposition phonologique entre deux phonèmes différents dans certaines conditions de leur fonctionnement (§ 12)

nivellement — unification

norme orthoépique — orthoépie, ensemble des règles d'une prononciation régulière (standardisée) — § 18

noyau syllabique — son qui constitue le sommet de la sylla­be

Occlusion — contact des organes de la parole

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opposition fonctionnelle, opposition phonématique, opposi­tion phonologique

organes de la parole

organes phonatoires, organes phonateurs

orthoépie — ensemble des règles d'une prononciation régu­lière (standardisée) — § 18

orthographe — ensemble de règles unifiées qu'on utilise dans l'écriture d'une langue

oxyton — mot qui porte l'accent sur la dernière syllabe: mai''son ; l'accent qui est final du mot

Période par seconde (p/s), vibration double (v.d.), Hertz — unité de fréquence

pertinent — différentiel, distinctif, а valeur phonologique (phonématique)

phonation — production des sons

phonématique, phonologique — qui possède une valeur dis­tinctive (différentielle)

phonétisme — système de phonèmes d'une langue

position faible — celle oщ le son dans la chaîne parlée est susceptible de s'affaiblir et de s'amuïr

position forte — celle oщ le son subsiste, quitte а modifier son caractère

position accentuée

position non accentuée — position inaccentuée

position initiale — au début du mot

position intervocalique — entre deux voyelles

procédés intonatoires, moyens prosodiques, intonation, traits suprasegmentaux — § 114

pronociation standardisée, régulière, unifiée, orthoépie

Recursion, détente — § 62

relchement — diminution d'effort au cours de la phonation

rendement — emploi, usage

Semi-consonne, semi-voyelle — noms donnés aux sonantes

constrictives [j, ц, w]—§ 71 son fondamental, un fondamental—§ 9 son harmonique, un harmonique — § 9 sonante latérale — § 69 sonorisation — passage d'une sourde а une sonore : rosa

[rosa ] >rose [roze ] structure syllabique — constitution de la syllabe dans une

langue syllabation — répartition en syllabes

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(syllabe) antépénultième — troisième syllabe а partir de la

finale

(syllabe) pénultième — ayant-dernière syllabe du mot syllabe prétonique — qui précède la syllabe accentuée syllabe posttonique — qui suit la syllabe accentuée syllabe non accentuée — syllabe inaccentuée syllabe fermée — ayant une consonne а la fin syllabe ouverte — ayant une voyelle а la fin syllabe vocalique — qui a une voyelle pour sommet syncope — chute synchronie — état d'une langue а un moment donné, а une

période quelconque de son évolution syntagme — § 132

Tension, excursion — § 62

tension croissante — tension musculaire qui augmente (§ 86)

tension décroissante — tension musculaire qui diminue (§ 86)

tension localisée — tension musculaire а un ou plusieurs points bien déterminés (§ 27)

tension répandue — tension musculaire de tous les organes de la parole plus ou moins régulière (§ 27)

tenue — maintien des organes en position qu'ils ont prise pour articuler un son (§ 62)

timbre — qualité d'un son (§ 9)

trait différentiel, distinctiî, pertinent — caractère différen­tiel, distinctif, pertinent

transcription phonématique — celle qui sert а noter les pho­nèmes (§ 16)

transcription phonétique — celle qui sert а noter les phonè­mes et leurs variantes (§ 16)

Variante (de phonème), variété, nuance — §11

variante comminatoire — § 11

variante de position — § 11

vibration double (v.d.), période par seconde (p/s), Hertz —

unité de fréquence (§ 9) vibration périodique, régulière — § 9 vibration non périodique, irrégulière — § 9 vocable — mot

vocalisation— passage d'une consonne а un voyelle : l>u vocalisme — système de voyelles, système vocalique

Supplément

Nous donnons ci-après quelques spécimens de textes litté­raires dans lesquels nous avons cru bon d'indiquer, suivant la prononciation des speakers, la répartition en syntagmes, les longueurs rythmiques et historiques, la liaison et l'en­chaînement, l'accent final et l'accent supplémentaire, l'ac­cent d'insistance logique et affectif, l'assimilation, la dila­tion et l'alternance.

Le style soigné est représenté par trois premiers textes, le style parlé — par les deux derniers. En guise de conclu­sion nous présentons cinq poésies.

Alphonse Dau/det ||

Le sous-pré'fet | aux 'champs ||

M. le sous-pré'fet | est^en tour'née. || Co'cher de'vant, | la'quais de'rriè:re, | la ca'lèche de la sous-préfec'ture l'em.-'porte majestueusement | au con.'cours régio'nal de la Combe-aux-'Fées. || Pour cette jour'née mémo'rab.le, | M. le

sous-pré'fet a 'mis sonbel^ha'bitbro'dé, | son petit 'claque, | sa eu'lot te co'llan.te а 'ban.des d'ar'gent | et son^épée de

ga'la | а poi'gnée de^nacre... || Sur ses ge'noux re'po.se une gran.de ser'viette en chagrin gau.'fré | qu'il re'garde triste-

'ment. || M. le sous-pré'fet | re'garde triste'ment sa ser'viet­te en chagrin gau.'fré ; Ц il 'son.ge au fameux dis'cou:rs |

qu'il va falloir pronon/cer tout^а Theu:re | devant les"*4 habi'tants de la Combe-aux-'Fées : ||

— Me'ssieurs et chers^adminis'trés...

Mais^il^a beau torti'ller la soie 'blon.de de ses favo'ris ! et répé'ter vingt 'fois de 'suite : ||

— Me'ssieurs et chers^adminis'trés... j la 'suite du dis-'cours ne vient 'pas. ||

La 'suite du dis'cou:rs | ne vient 'pas... || ITîait si 'chaud dans cette ca'lèche!... || A perte de 'vue, la 'route ^ de la Combe-aux-'Fées pou'droie sous le so'leil du Mi'di... ||

'L'air^est^embra.'sé... || et sur les^or'meaux du 'bord du che'min, 1 tout cou'verts de poussière 'blaniche, | des mi'l-Hers de ci'gales se ré'pon.dent d'un^arbre а Tau:tre... ||

^~^ 247

.

Tout^а 'coup | M. le sous-pré'fet tres'saille. Il Lа-'bas, | au pied d'un co'teau, | il vient d'aperce'voir^un petit 'bois de chênes 've:rts | qui 'sem.ble lui faire 'signe. ||

Le petit 'bois de chênes 've:rts | 'sem.ble lui faire 'si­gne. ||

— Venez 'donc i'ci, | monsieur le sous-pré îet ; || pourcom.po.'ser votre dis'cou:rs, | vous s(e)rez beaucoup 'mieuxsous me's^arbres... ||

M. le sous-pré'fet est sé'duit ; || il 'sau.te а bas de sa

ca'lèche | et 'dit^а ses 'gens de l'a'tten:dre, | qu'il va com.­po.'ser son dis'cours dans le petit 'bois de chênes 've:rts. || Dans le petit 'bois de chênes 've:rts | il y a des^oi'seaux, des "violettes [vjo'lst] et des 'sources sous l'herbe 'fine... || Quand^ils^ont^aper'çu M. le sous-pré'fet avec sa belle cu'lotte et sa ser'viette en chagrin gau.'fré, les^oi'seaux

ont^eu 'peu:r | et se sont^arrê'tés de chan.'ter, | les 'sources n'ont plus^o.sé 'faire de 'bruit, | et les vio'lettes де sont ca'chées dans le ga'zon... || Tout ce petit mon.de-'lа | n'a jamais 'vu de sous-pré'fet, | et se de'man.de а voix 'baisse |

'quel^est ce beau sei'gneur qui se pro'mène en cu'lotted'ar'gent. || ^

A voix 'baisse, | sous la feui'llée, | on se de'manrde quel^est ce beau sei'gneur^en cu'lotte d'ar'gent... | Pen.-dant ce temps-'lа, | M. le sous-pré'fet, | ra'vi du si'len.ce et de la fraî'cheur du 'bois, re'lève les 'pans de son^ha'bit, | 'po.se son 'claque sur 'l'herbe | et s'a'ssied dans la 'mousse | au pied d'un jeune'chêne ; || puis^i'l^ouvresur ses ge'noux sa gran.de ser'viette de chagrin gau.'fré | et en 'tire une

large 'feuille de pa'pier mi'nistre. ||

  • C'est-^un^ar'tiste ! | 'dit la fau.'vette. Il

  • 'Non, | 'dit l(e) bou'vreuil, | ce n'est pas^un^ar-'tiste, | puisqu'il^ une cu'lotte en^ar'gent ; II c'est plu-

tôt^un 'prin:ce. ||

  • C'est plutôt-^un 'prin:ce, | 'dit l(e) bou'vreuil. ||

  • Ni un^ar'tiste, | ni un 'prin:ce, | interrompt un vieuxrossi'gnol, qui a chan.'té toute une sai'son | dans les jar-

'dins de la sous-pré'fectu:re... || Je sais c(e) que 'c'est : | c'est^un sous-pré'îet ! ||

Et tout le petit 'bois va chucho'tant : ||

— C'est^un sous-pré'fet ! || c'est^un sous-pré'fet 1 ||

248

— Comme il^est 'chau:ve ! || re'marque une a'iouet-te а gran.de 'huppe. ||

Les vio'lettes de'man:dent : ||

  • Est-ce que c'est mé'chant ? ||

  • Est-ce que c'est mé'chant? | de'man.dent les vio'let­tes. ||

Le vieux rossi'gnol ré'pond : ||

— "Pas du 'tout ! ||

Et sur cette assu'ran:ce, | les^oi'seaux se remettent а

chan.'ter, || les 'sources а cou'riir, | les vio'lettes а^em-

bau.'mer, | 'comme si le mon'sieur n'était pas 'lа... || Impa.-'ssible au mi'lieu de tout ce joli ta'pa:ge, | M. le sous-pré­'fet in.'voque dans son 'cæu:r | la 'Mu.se des co'mices agri-

'coles, | et, le cra'yon le'vé, | commen.ce а décla'mer de

sa 'voix de cérémo'nie : ||

  • Me'ssieurs et chers^adminis'trés... ||

  • Me'ssieurs || et chers^'adminis'trés, | 'dit le sous-pré­'îet de sa 'voix de cérémo'nie... ||

Un^éclat d(e) 'rire l'interrompt ; || il se re'tourne | et ne voit 'rien qu'un gros pi'vert qui le re'garde en ri'ant, |

per'ché sur sa'claque. || Le sous-pré'fet | 'hau.sse les^é'pau:-les | et veut conti'nuer son dis'couirs ; || mais le pi'vert rmte'rrompt^en'co-.re | et lui 'crie de 'loin : ||

  • A quoi 'bon ? ||

  • Co'mment 1 а quoi 'bon ? dit l(e) sous-pré'îet, | quidevient tout 'rou:ge ; | et, cha'ssant d'un 'geste cette 'bête

efîron/tée, | il re'prend de plus 'belle : ||

  • Me'ssieurs et chers^adminis'trés... ||

  • Me'ssieurs | et chers^adminis'trés... | a re'pris le sous-pré'îet de plus 'belle.

Mais^a'lo:rs, | voi'lа les petites vio'lettes | qui se 'hau.-ssent vers 'lui sur le 'bout de leurs 'ti:ges | et qui lui 'disent douce'ment : ||

— Monsieur le sous-pré'îet, sen.tez-'vous comme nous

"sen.tons 'bon ? ||

Et les 'sources lui 'îont sous la 'mousse une mu'sique

di'vine ; || et dans les 'bran.ches, au-dessus de sa 'tête, |

des tas de îau.'vettes 'viennent lui chan.'ter leurs plus jo-

249

li's^ai:rs ; || et tout le petit 'bois con.s'pi:re | pour 1'em.pe-'cher de com.po.'ser son dis'cou:rs. ||

Tout le petit 'bois con.s'pire pour l'em.pê'cher de com.­po.'ser son dis'cou:rs... || M. le sous-pré'fet, | gri'sé de par-'fums, | 'ivre de mu'sique, | e'ssaye vaine'ment de résis'terau nouveau 'charme qui l'en.va'hit. || II s'a'ccoude sur Vher-be, | dé'grafe son bel^ha'bit, | balbu'tie en/core deux^outrois 'fois : || ^ '

— Messieurs | et chers^adminis'trés... || Messieurs | et chers^admi... Me'ssieurs et 'chers... ||

Puis^il^en.'voie les^adminis'trés au 'dia:ble ; || et la 'Mu.se des co'mices^agri'coles | n'a plus qu'а se voi'ler la 'face. [|

Voile-'toi la 'face, | ô 'Mu.se des co'mices^agri'coles !... || Lorsque, au bout d'u'ne heu:re, | les 'gens de la sous-

préfec'ture, jn.'quiets de leur 'maître, | sont^en.'trés dans

le petit 'bois, | ils^ont 'vu un spec'tacle | qui les^a fait recu'ler d'ho'rreuir... || M. le sous-pré'fet était cou'ché sur le 'ven:tre, | dans 'l'herbe, | débrai'llé comme un bo'hè-

me. || Il^avait 'mis so"n^habit 'bas... et, tout^en m-cho'nnant des vio'lettes, | M. le sous-pré'fet faisait des 've:rs. Il

Romain Ro'lland ||

Me'ssage pour l'Es'pagne républi'caîne=[m^'sa5]

(le 25 août 1936, au stade Buffalo)

"Aide а l'Es'pagne 1 || Elle corn.'bat pour 'nous ; || pour 'nous, | 'Frarnce, | pour 'nous, | démocra'tie, | car Tune et 'l'au:tre, | sont^en dan.'ger. || L'enne'mi cherche а nous^ en.cer'cler. || Le laisserons-nous ve'nir aux Pyré'nées ? ! || Le 'peuple d'Es'pagne est notre 'front "de Mi'di contre l'agre-'sseu:r. ||

'Qui donc o.se'rait nous^in.ter'di:re | de dé'fen.dre nos défen.'seuirs ? || Le corn.'bat d'Es'pagne est "notre com.-'bat. || Dé"fen.dons-'nous ! Ц "Défen-'dons le 'peuple d'Es­'pagne.

Il serait^inique et mon.'strueux [rm.stry0] de blo'quer

250

le gouverne'ment lé'gal d'Es'pagne | é'iu par la majori'té du 'peuple, | reco'nnu par tous les^au.tres gouverne'ments | et 'mem.bre de la socié'té des Na'tions | parce que des géné-'raux | 'traîtresse leur 'peuple | ont lan.'cé contre 'lui des merce'naires de leurs légions étran.'gè-:res. ||

Les gouverne'ments | qui sou'tiennent les^in.sur'gés ou qui re'fusent^au gouverne'ment lé'gal | tous les mo'yens d(e) se dé'fenrdre, f ne comprennent-ils 'pas | que la 'hache qu'ils laissent le'ver sur le 'peuple d'Es'pagne | retom.be'ra de'main sur leur 'tête. ||

Que di'rait 'Lon:dres, | si de'main, | mena'cée par^un soulève'ment d(e) son^em.'piire, [ds5n.pi:r] elle vo'yait l'Eu'rope | 'faire le 'vide autour 'd'elle et fournir de's^4ar­mes aux révol'tés ? ||

Par quel so'phisme | an.tidémocra'tique et an.tifran.-

'çais | en^est-on v(e)'nu chez 'nous, | en 'Franrce, | а vou­loir faire pa.'sser sous la même 'toise neutrali'sanite | le gouverne'ment lé'gal du 'peuple d'Es'pagne | et les sou-'dards îac'tieux | dont l'impu'den.ce o.se profé'rer [o.z

profe're] leurs me'naces meurtrières [mærtri'jerr ] non seule­ment contre leur 'peuple, | mais contre le 'nôitre | et qui prétend écra.'ser dans tout l'occi'dent les démocra'ties. ||

Antoine de Saint-Exupé'ry ||

La terre de's'^hommes ||

Pré'face \\

La 'terre nousx~xen'^4a'pprend plus 'long sur 'nous | que tous les 'livres. || Parce qu'elle nous ré'siste. || 'L'homme se

dé'couvre | quand il se me'sure avec l'obs'tacle. || Mais,

pour l'a'ttein:dre, | il lui faut^un^ou'til. || II lui faut^un ra'bot, | ou une cha'rrue. || Le pay'san, dans son la'bou:r, | a'rrache peu^^а 'peu quelques se'crets а la na'tuire, | et la véri'té qu'il dé'gage est^univer'selle. || De 'même l'a'vion,

| l'ou'til des 'lignes^aé'riennes, | 'mêle 'l'homme а tous

les vieux pro'blèmes. ||

J'ai tou'jours, devant le's^yeux, | Ti'mage de ma pre­mière 'nuit de 'vol en^Argen'tine, | une nuit 'som:bre | oщ

251

scintillaient 'seules, || comme des^é'toiles, | les rares lu-'mières é'parses dans la 'plaine. ||

Cha'cune signa'lait, | dans cet^océ'an de té'nèbres, | le mi'racle d'une con/scien:ce. || Dans ce îo'yer, | on li'sait, | on réfléchissait, | on poursui'vait des confi'demces. || Dans

ce't^au.tre, peu't-être, | on cherchait а son.'der l'es'pace, |

on s'u'sait^en cal'culs sur la nébu'leu.se d'An.dro-'mède. || 'Lа | on^ai'mait. || De loin en 'loin | luisaient [Iqi-'ze] ces 'feux dans la cam.'pagne qui récla'maient leur "nou-rri'tuire. || Jusqu'aux plus dis'crets, | ce'lui du po'ète, | de l'ins"titu'teu:r, | du "charpen.'tier. || Mais parmi ces | é'toi-les vi'vanites, | "com.bien de fe'nêtres îer'mées, | "com.-bien d'é'toiles^é'teinites, | "com.bien 'd'hommes^4endor­mis... ||

II faut bien ten.'ter de se re'joimdre [ræswsidr]. || II

faut bien^essa'yer de communi'quer'^avec quelque's-uns de ces 'feux | qui 'brûlent de loin en 'loin dans la cam.'pa­gne, tl

Antoine de Saint-Exupé'ry ||

Le p(e)tit 'prinrce ||

(interprété par G. Philipe et G. Poujouly)

J'ai "vécu 'seul, | sans per'sonne avec 'qui par'ler véri-

table'ment, | jusqu'а une 'panne dans le dé'sert du Saha-'ra, | il y a si'x^ans. || Quelque 'cho.se s'était ca.'ssé dans mon mo'teu:r. || Et comme je n'a'vais avec 'moi ni mécani-'cien, ni passa'gers, | je m(e) prépa'rai а essa'yer [ese'je] d(e) réu'ssir, tout 'seul, ] une répara'tion diffi'cile. || C'était pour 'moi une ques'tion de 'vie ou 'd(e) mo:rt. || J'a'vais а 'peine de 'l'eau а 'boire pour^huit 'jou:rs. ||

Le "premier 'soi:r | je me suis donc^en.dor'mi sur le 'sa:ble | а mille 'milles de toute 'terre habi'tée. || J'étais

bien plus^iso'lé qu'un nau.fra'gé sur^,un ra'deau au milieu de l'océ'an. || A'iors vous^imagi'nez ma sur'pri:se, | au l(e)ver du 'jou:r, | quand^une drô.le de p(e)tite 'voix m'a réve'illé. ||

— S'il vous 'plaît... | dessine-'moi un mou'ton ! || [de-sin'mwa ]

252

1

I

  • 'Hein ! ||

  • 'Dessine-'moi un mou'ton... ||

J'ai sau.'té sur mes 'pieds comme si j'avais = été fra'ppé par la 'foudre. || J'ai bien îro'tté me's^yeux. || J'ai bien r(e)gar'dé. || Et j'ai 'vu un petit bo'nhomme | tout а

fait extraordi'naiire | qui m(e) con.sidé'rait gra'v(e)ment. || II ne sem.'blait ni éga'ré, | ni 'mort de 'faim, | ni 'mort de fa-

'tigue, | ni 'mort de'soif, | ni'mort de 'peu:r. || II n'avait en

'rien l'appa'ren.ce d'un en.'fant per'du au milieu du dé'seirt, | а mille 'milles de toute ré'gion habi'tée. ||

  • 'Mais... | qu'est-ce que tu fais 'lа ? ||

  • S'il vous 'plaît... | dessine-'moi un mou'ton... || [de-sin-'mwa].

Quand l(e) mys'tère est trop im.pressio'nnant, | onn'o.se 'pas dé"sobé'i:r. || Aussi a'bs:urde que c(e)la me sem.'blt, | je sor'tis de ma 'poche une feuille de pa'pier, | un stylo-

' graphe [stib'graf] | et je dessi'nai. || [desi'ne] II regar'da atten.ti'v(e)ment. ||

— 'Non ! || Celui-'lа est déjа très ma'lade. || Fai's7nu'n^au:tre. ||

Je dessi'nai un^au.tre mou'ton. || [desi'ne]

— Tu vois 'bien... || ce n'est pas = un mou'ton, | c'est^un bé'lier. | Il^a des 'cornes... ||

Je refis 'donc^en.'core mon de'ssin. || [ds'ss]

— Celui-'lа est trop 'vieux. || Je 'veux un mou'ton qui'vive lon.g'temps. ||

J'avais 'h.te de commen.'cer le démon.'tage de mon mo'teu:r, | je griffo'nnai une 'caisse, | avec trois 'trous d'aéra'tion, et lan.'çai : ||

  • Ça, c'est la 'caisse. || Le mou'ton qu(e) tu 'veux estde'dans. ||

  • C'est tout^а 'fait comme 'ça que je l(e) vou'lais I ||Crois-'tu qu'il 'faille beaucoup 'd'herbe а ce mou'ton? Il

  • Pour'quoi ? || —'

  • Parce que chez 'moi c'est tout pe'tit... ||

  • Ça suffi'ra sûre'ment. || J(e) t'ai do'nné un tout p(e)-tit mou'ton. ||

— Pas si 'p(e)tit qu(e) 'ça... || 'Tiens 1 | II s'est^en.dor-'mi... ||

Et c'est^ain.'si qu(e) je fis la connai'ssan.ce du p(e)tit 'prinrce. ||

253

Il me fallut lon/gtemps pour com/pren.dre d'oщ il ve-'nait. || Le p(e)tit 'primce, | qui me po/sait beaucoup d(e) questions, | ne sem.blait ja'mais en.'ten.dre les 'miennes. j| Ce sont des 'mots pronon/cés par^ha'saird | 'qui, peu а 'peu, m'ont tout révé'lé. || Ain.'si, | quand^il^,aper'çut pour la première 'fois mon^a'vion : ||

  • Qu'est-ce que 'c'est qu(e) cette cho.se-'lа ? ||

  • Ce n'est pas = une 'choise. || Ça 'vole. || C'est^un^a'vion. || C'est "mon^a'vion. ||

— Com'ment ! || tu es tom.'bé du 'ciel ? ||- 'Oui. ||

  • 'Ah : ! 1 'ça c'est 'droite... || A'iors, toi au.'ssi tu'viens du 'ciel 1 || De quelle pla'nète es-'tu ? ||

  • Tu viens 'donc d'une au.tre plan'ète ? ||

  • C'est 'vrai qu(e), lа-de'ssus—[la 'dsyl, tu n(e) peuxpas ve'nir de bien 'loin... ||

  • Et 'toi, | 'd'oщ viens-'tu, mon p(e)tit bo'nhomme ? ||Hein ? || 'Oщ est-ce « chez 'toi » ? || 'Oщ veux-'tu em.por'termon mou'ton ? ||

  • C(e) qui est 'bien, | avec la 'caisse que tu m'as do-'nnée, j c'est qu(e) la 'nuit, | 'ça lui servi'ra d(e) mai'son. ||

  • Bien 'sû:r. || Et si tu es gen'til, | je te donn(e)'raiau/ssi une 'corde pour l'atta'cher pen.dant l(e) 'jouir. || Etun pi'quet. ||

  • "L'atta'cher? || Quelle drô.le d'i'dée ! ||

  • Mais si tu n(e) "l'attaches 'pas, | il^,ira n'im.por'te

^,oщ, | et il se per'dra... ||

  • Mais oщ veux-'tu qu'i'l aille ? ||

  • Mais n'im.por'te oщ. || 'Droit d(e)vant 'lui... ||

  • Ça n(e) fait 'rien, | c'est "tellement p(e)tit, chez 'moi ! ||'Droit d(e)vant 'soi || on n(e) peut pas = a'iler bien 'loin... ||

* *

J'avais^ain.si a'ppris une 'cho.se très^im.por'tamte : || C'est que sa pla'nète [planet] d'ori'gine était^а "peine

plus 'gran.de qu'une mai'son ! Ц

au Tu

Ah! p(e)tit 'prinice, | j'ai com.'pris, peu а 'peu, ha'sard des réflé'xions, j ta petite 'vie mélan.co'lique. !

254

n'avais^eu lon/gtemps pouf distrac'tion que la dou'ceuf des couchers d(e) so'leil. j| Id so'lej ]

  • J'aime 'bien les couchers d(e) so'leil. || [d so'lej]Allons 'voir^un coucher d(e) so'leil... || [d so'lej Г

  • 'Mais | il faut=a'ttemdre... ||

  • A'tten.dre 'quoi ? ||

  • A'tten.dre qu(e) le so'leil se 'couche. ||

— Je m(e) 'crois tou'jours chez 'moi ! ||En^e'fîette'fs]. || Quand^il^est mi'di aux^Etats-^

U'nis, | le so'leil, | tout l(e) 'mon.de le 'sait, | se 'couche sur la 'Fran:ce. || II suîfi'rait de pouvoir^a'ller en 'Fran.ce en^une mi'nute | pour^,assis'ter au coucher d(e) so'leil. || [d so'lej] Malheureu.se'ment [malær0.'zmd] la 'Fran.ce est bien trop^éloi'gnée. || Mais, sur ta "si petite pla'nète, | il te suffisait de ti'rer ta 'chaise de quelques 'pas. | Et tu regar'dais l(e) crépus'cule chaque 'fois que tu l(e) dési'rais... ||

  • Un 'jouir, | j'ai vu l(e) so'leil se cou'cher "quaran.te-trois 'fois 1 |i Tu'sais... quand^on^est "tellement 'triste |o'n^aime les couchers d(e) so'leil... || [d so'lej]

  • Le 'jour des quaran.te-trois 'fois | tu étais donc telle­ment 'triste ? ||

Le cin.quième 'jouir | j'étais très^occu'pé а essa'yer [ese'je] de dévis'ser unbou'lon trop se'rré d(e) mon mo'teuir. || J'étais très sou'cieux l car ma 'panne commen.çait d(e) m'appa'raître comme très 'graive, | et 'l'eau а 'boire qui s'épui'sait [sepyi'ze] me faisait 'crain.dre le 'piire. ||

  • Un mou'ton, | ça 'man.ge les^ar'bustes ? ||- 'Oui. ||

  • Et les 'fleuirs ? ||

  • Un mou'ton | 'man.ge tout c(e) qu'il ren/conitre. ||

  • 'Même les 'fleurs qui ont des^é'pines ? ||

  • "Même les 'fleurs qui ont des^é'pines. ||

  • A'iors les^é'pines, | а 'quoi serven't-elles ? ||

  • Les^é'pimes, | а quoi serven't-elles ? || [serv'tel]

  • Les^é'pines, | ça n(e) sert а 'rien, || c'est d(e) la

pure médian.'c(e)té d(e) la part des 'fleuirs ! ||

— 'Ah: ! || Je n(e) te crois 'pas ! || Les 'fleurs sont 'fai­bles. || Elles sont na'ïives. || Elles se ra'ssurent "comme elles

255

ep mes...

'peu:vent. || Elles se croient te'rribles avec leurs

Et tu 'crois, | 'toi, | que les 'fleu:rs... ||

  • Mais 'non ! || Mais 'non ! Je ne crois 'rien : ! Il J'airépon.'du n'im.porte'quoi: || Jem'o'ccupe, l'moi, | d(e) 'cho.-ses sé'rieu:ses 1 || [d 'Jo.z se'rj0:z]

  • De 'cho.ses sé'rieu-ses ! || [dæ 'Joz.se'r0j:z]

  • 'Oui. ||

  • Tu 'parles comme les gran.des personnes ! || Tu "con.-fonds 'tout... || tu "mélan.ges 'tout I || [ty теШ.ç 'tu]

Je co'nnais une pla'nète oщ il y a un Mon'sieur cfamoi'si. ||

II n'a j:amais respi'ré une 'fleu:r. || II n'a j:amais regar'dé une é'toile. || II n'a j:amais ai'mé [e'me] per'sonne. || II n'a

jamais rien fait 'd'aut(re) que des^addi'tions. || Et toute la jour'née | il ré'pète comme 'toi: || « Je suis^un^homme sé'rieux 1 || Je suis^un^homme sé'rieux 1 » || et 'ça l(e) fait g:on'fler d'or'gueil. || Mais c(e) n'est pas^u'n^homme, | c'est un ch:am.pi'gnon ! ||

  • Un 'quoi ? ||

  • Un ch:ampi'gnon 1 ||

  • Il y a des "millions d'a'nnées qu(e) les 'fleurs fa'bri-quent des^é'pines. || II y a des "millions d'a'nnées qu(e)les mou'tons | 'man.gent quand 'même les 'fleu:rs. || Et c(e)n'est pas sé'rieux | de chercher а com.'pren.dre pour'quoielles se donnent tant d(e) 'mal | pour se fabri'quer des^é'pi-nes qui ne servent jamais а 'rien ? || C(e) n'est passim.-por'tant | la 'guerre des mou'tons et des 'fleu:rs ? || C(e) n'estpas plus sé'rieux et plus^im.por'tant j qu(e) les^addi'tionsd'un gros Monsieur 'rou:ge ? || Et si j(e) con'nais, | 'moi, |une 'fleur^u'nique^au 'mon:de, | 'qui n'existe nulle 'part,sau.f dans ma pla'nète, | et qu'un p(e)tit mou'ton peut=anéan.'tir d'un seul 'coup, | comme 'ça, | un ma'tin, | sanss(e) ren.d(re) 'com.pte de c(e) qu'il 'fait, | c(e) n'est pas^im.portant 'ça ! ||

— Si quelqu'un 'aime "une 'fleur | qui n'e'xiste qu'аun^exem.'plaire dans les millions et les millions d'é'toiles, |ça su'ffit pour qu'il soit heu'reux quand^il la 'r(e)garde. ||II se 'dit: || "Ma 'fleur^est 'lа | quelque 'pa:rt... || Mais sil(e) mou'ton | 'man.ge la 'fleu:r, | c'est pour 'lui comme si,brusque'ment, | toutes les^é'toiles s'étei'gnaient 1 ц Et c(e)n'est passim.portant 'ça 1 |

La 'nuit était torn.'bée. || J'avais l/ché mes^ou'tils. || Je me moquais 'bien de mon mar'teau, | d(e) mon bou'lon, j

256

de la 'soif_et d(e) la 'mo:rt. || II y avait, suranné é'toile, |

une pla'nète, | la 'mienne, | la 'Te:rre, | un p(e)tit 'prin.-ce а con.so'ler ! || Je l(e) 'pris dans les 'bras. || Je l(e) ber-

'çais. || Je lui di'sais : || La 'fleur que tu 'aimes n'est pas=en dan.'ger... || Je lui dessin(e)'rai une muse'lièire, | а ton mou'ton ... || J(e) te [3 tæ] dessin(e)'rai une ar'mure pour

ta 'fleu:r ... || Je... Je n(e) savais pas 'trop quoi 'di:re. || Je m(e) sen.'tais très mala'droit. || Je n(e) sa'vais comment l'a'ttein:dre, | oщ le re'join:dre... || C'est tellement mysté-'rieux, | le pa'ys des 'larmes. ||

Jules Re'na:rd