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§ 122. Pour ce qui concerne le français, il ne supporte pas ou bien supporte difficilement deux accents de suite.

En raison de l'alternance accentuelle le déterminé pré­posé au déterminant monosyllabique perd son accent : une maison 'basse, un cahier 'gris, aller 'vite, parler 'bien, répu­bliques 'sæurs, peuples 'frères, etc.

La désaccentuation du déterminé (mot significatif) n'est pas cependant une loi absolue, elle dépend des rapports syn­taxiques et sémantiques entre les deux mots en contact. Le déterminant monosyllabique а fonction predicative ayant lui-même des compléments ou bien des déterminants n'est plus en rapports aussi étroits avec le déterminé. C'est qu'il forme un groupement syntaxique primaire avec les mots qui le sui­vent et le complètent, et que c'est ce groupement syntaxique en entier qui assume les fonctions du déterminant au nom ou au verbe. Alors les deux mots — déterminé et déterminant — conservent leurs accents mais font partie de deux syntagmes nettement séparés. Cf. Des broderies 'lourdes— un seul grou­pe accentuel.

Il y a dans des tiroirs des brod(e}ries \ 'lourdes d'ar­gent et d'or.

Le style soigné et surtout le langage affecté ont parfois recours а un procédé exceptionnel quand il s'agit du groupe « déterminé+déterminant monosyllabique » : on restitue le e instable ce qui permet aux mots significatifs de garder leur accent et de respecter la loi d'alternance accentuelle : une 'barbe, 'blanche (allocution de P. Eluard); Vhi'ver vt'nu (P. V a i 1 1 a n t - С î u t u r i e r), etc. 2

La désaccentuation du mot significatif dans le groupement étudié doit avoir affecté la langue а l'époque oщ s'étaient constitués les groupes accentuels et oщ l'affaiblissement du e instable devenait un fait phonétique considérable (XVIIe siècle). En effet du fait que beaucoup de monosyllabes com-

1 A. H. Гîçде. Î ïределах деéстèя çуêîûх çаêîнîмернîстеé руссêîм яçûêе. Сб.: «Î ôîнîлîгèчесêèх средстах руссêîгî яçûêа».М-, 1949, стр. 84 — 97.

2 Dans le chant, le déplacement de l'accent a des libertés exception­nelles. Il suffit de se rappeler une chanson française (...les quais de "Paris'chantent...).

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portaient un e prononcé а lа fin, les syllabes accentuées ne voisinaient pas : une 'table, 'ronde.

Le caractère particulier de l'accentuation française s'ex­plique donc par certains traits, fondamentaux et spécifiques, du système grammatical du français (la structure morphologi­que du mot, le caractère des rapports syntaxiques, l'ordre des mots, etc.) aussi bien que par la constitution rythmique de la langue ne tolérant pas deux accents de suite dans le même syntagme.

§ 123. Le mot accentué forme avec ceux qui le précèdent un seul groupe phonique appelé groupe accen­tuel.1

On donne également au groupe accentuel le nom de mot phonétique, et ceci parce que le mot français, dépourvu d'ac­cent dans la chaîne parlée et se soudant par cela même а d'autres mots, ne possède pas de physionomie phonique. C'est le groupe accentuel — porteur d'accent — qui est l'unité pho­nique primaire de la phrase. 2

Ce qui délimite le groupe accentuel, ce qui constitue sa caractéristique capitale, c'est l'accent qui frappe sa der­nière syllabe. La liaison et l'enchaînement contribuent а l'unité phonétique de l'ensemble. Tous les éléments du groupe accentuel sont étroitement liés en vertu de l'enchaînement qui ne respecte pas les frontières des mots et grce а la liai­son qui fait cette union de mots plus étroite et solide.

L'encha înement a pour base les lois de la sylla-bation qui ne s'arrête pas а la fin du mot en français. En rai­son de la préférence prononcée que marque le français pour les consonnes а tension croissante, toute consonne finale pro­noncée tend а prendre appui sur la voyelle initiale du mot suivant, si toutefois les deux mots font partie d'un même syntagme. L'enchaînement se fait а l'intérieur du groupe accentuel et d'un groupe accentuel а un autre dans le cadre d'un même syntagme.

Il existe un autre moyen d'enchaîner les mots, appelé liaison vocalique. On enchaîne deux voyelles

1 Les paragraphes précédents contribuent а décrire la constitution dugroupe accentuel.

2 P. Passy lui donne le nom de groupe de force en raison de l'accentd'intensité qui l'affecte («Les sons du français». P., 1925). Le terme«mot phonétique» revêt un autre sens dans l'ouvrage de J. Tarneaud.Traité pratique de phonologie et de phoniatrie. P., 1941. Il est l'équiva­lent du «syntagme».

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soit а l'intérieur du mot océan) soit а la limite de deux

mots dont le premier a pour finale une voyelle et le deuxième en a une а l'initiale (j'ai^été malade). Le terme « liaison » est impropre du fait que grce а la liaison il apparaît, dans la chaîne parlée, un élément nouveau, une consonne qui n'y existe pas dans le mot isolé : cf. troi(s) livres trois^amis.

Or, la «liaison vocalique » n'introduit aucun élément nouveau. Elle ne fait qu'enchaîner l'un а l'autre, sans in­terruption du souffle, les éléments vocaliques prononcés dans n'importe quelles conditions. On passe de la voyelle finale du premier mot а la voyelle initiale du second sans que les cordes vocales cessent de vibrer. Ce phénomène paraît donc être plus près de l'enchaînement.

La «liaison vocalique» se distingue cependant de l'en­chaînement en ce sens que celui-ci forme une seule syllabe de deux éléments enchaînés et par cela même crée une nou­velle répartition en syllabes, tandis que la « liaison voca­lique » répartit les deux voyelles en deux syllabes différen­tes suivant la loi de la constitution syllabique en français : autant de voyelles, autant de syllabes :

Partir'^а temps [par-ti-ra-td ] — j'ai estimé [ge-es-ti-me]

A l'opposé de l'enchaînement, la 1 i a i s î n proprement dite — liaison consonantique — n'a lieu en principe qu'а l'in­térieur du groupe accentue!, elle se fait d'un élément inaccen­tué а un autre élément inaccentué (ou bien accentué). * Elle ne se fait pas d'habitude d'un mot accentué а un mot inac­centué (ou bien accentué), d'un groupe accentuel а un autre. L'essentiel c'est que le premier mot (élément du groupe) soit inaccentué. C'est la règle classique de la liaison en fran­çais. 2

On distingue donc nettement les unités suivantes : pré-parer un poteau 'feu (2 gr. accentuels) — 'mettre le 'pot

au 'feu (3 gr. accentuels) ; a voir un pied-а-''terre (2 gr. ace.) — 'mettre le 'pied а 'terre (3 gr. ace.) ; nous par'tons de main

aux Etats-U'nis (3 gr. ace.) — les Ertats è nis dans leur 'lutte pour la 'paix (4 gr. ace.).

Or, dans le style soutenu, qui se veut recherché, et dans la lecture des textes littéraires, on peut lier d'un mot ac-

centué а un mot inaccentué : le participe présent et la pré­position qui le suit, l'infinitif des verbes du premier grou­pe ou les verbes а la forme personnelle et le mot suivant, un nom et une conjonction et, etc. :

// faut bien essayer de communiquer*^ avec quelques-uns de ces feux, desgenoux^et des mains, les glaces^ et les nei­ges, quelque chose de doux et de précieux se b lotissait^ au centre de toi-même, je pensais^а ma femme, lors­que la lumière se faisait^en moi, mais tu savais^aussi qu'un rocher émergeai Ґ~*а cinquan te me très de van t toi... (A. de Saint-Exupéry, « La terre des hom­mes »). Leurs railleries et leurs rires, les chagrins^ et les joies, il dit^а Venfant, elles ne correspondent а aucun son vivant, etc. (R. Rolland, « Jean-Chris­tophe ».

La liaison est un phénomène relevant en grande partie du style de notre parler ce qui explique la multiplicité de cas facultatifs et le soin des phonéticiens et grammairiens de dresser des listes de liaisons obligatoires et interdites.

Les éléments du groupe accentuel sont donc étroitement liés les uns aux autres et ne constituent qu'un seul mot pho­nique а accent finall : c'est un æuf ["s-s* ce 'næf] — c'est un neuf ["s-s* de 'næf ]. La répartition intérieure des accents secondaires ne dépend point non plus des frontières morpho­logiques des mots faisant partie du groupe accentuel.

C'est ce qui explique le fait que le français se prête beau­coup plus aisément qu'aucune autre langue européenne aux calembours, aux jeux de mots.

Il importe de souligner que ce sont lа toutes les caracté­ristiques phonétiques du groupe accentuel. Quant а la lon­gueur rythmique des voyelles devant certaines consonnes al­longeantes, elle ne se manifeste qu'а la fin du dernier groupe accentuel du syntagme (voir § 135,5).

§ 124. Le professeur K. Barychnikova estime qu'il existe des groupes rythmiques indivisibles (des groupes accentuels types dont nous avons parlé plus haut) et des groupes rythmi­ques divisibles. Ceux-ci constituent l'ensemble d'au moins deux groupes rythmiques dont le dernier porte un accent plus

1 Sur la nature de la liaison voir le chapitre « Alternances ».

2 Néanmoins le français contemporain crée de nouvelles tendancesdans la liaison. Voir les chapitres « Syntagme» et «Liaison».

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1 Témoin — la manière des gens illettrés de mettre leurs phrases sur du papier : Giait ben pensé (P. P a s s y). Vin soud pin edle. (A. D a r m e s-teter). Tout comme les faits d'hypercorrection : Je vous et ten voie la letre vous de mender de vos nous vel. (M. G r a m m î n t).

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fort que le premier. J. Tarneaud les désigne sous le nom de « rhèse ». x Les groupes divisibles, aussi bien d'ailleurs que les groupes indivisibles, sont susceptibles de coïncider avec le syntagme, le plus souvent cependant ils se combinent avec d'autres groupes pour en former un syntagme. — Voulez-'vous du café au 'lait? — Cette phrase compte, d'après K. Barychnikova, trois groupes indivisibles dont deux der­niers constituent un groupe rythmique divisible. De ce fait, trois accents qui affectent les groupes n'ont pas une même force, le groupe du café portant un accent plus faible que les deux autres groupes rythmiques. Suivant l'analyse expéri­mentale du professeur K. Barychnikova le ton s'en ressent aussi, la hauteur de la syllabe accentuée du groupe du café n'atteignant pas celle de la voyelle finale du groupe précé­dent — voulez-vous. 2

Or, dans le français contemporain, il y a une tendance très prononcée а agrandir certains groupes accentuels. La liaison qui se fait de plus en plus souvent entre le déterminé et le déterminant polysyllabique postposé y contribue égale­ment. Ceci caractérise surtout les groupements syntaxiques « déterminé+déterminant », dont le dernier élément est ex­primé soit par une épithète polysyllabique soit par un com­plément de nom. Voici quelques exemples pris dans l'ouvrage de J. Tarneaud : leur humeur sociable, Г art de btir, au ni­veau de Veau, etc. Parfois, quand le volume du mot s'y prê­te, en ce sens qu'il est petit, le verbe se joint au complément formant un groupe accentuel avec celui-ci : ôte ces fleurs (d'après J. Tarneaud).3

§ 125. La loi d'alternance d'accents mérite d'être exami­née а part parce qu'elle détermine le rythme de la phrase française tout différent de celui de la phrase russe. Ce rè­glement rythmique est tellement particulier, qu'а lui seul, il confère а la chaîne parlée du français un caractère origi­nal.

Il s'agit, pour un Russe, d'abandonner, en parlant fran-

1 Ê. Ê. Барûшнèêîа. Î ôраçîîм ударенèè сîременнîмôранцуçсêîм яçûêе. «Ученûе çаïèсêè I МГÏÈÈЯ», т. VI, 1953; J. Tar­neaud. Traité pratique de phonologie et de phoniatrie. P., 1941.

2 Quant au ton, cela demande réflexion et analyse vu la forme inter­rogative de la phrase comportant un ton haut sur les termes renfermant laquestion.

3 Cf. également P. R. Léon. Aide-mémoire d'orthoépie. Règles ex­pliquées de prononciation française. Université de Besançon, 1962.

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çais, l'habitude d'accentuer deux mots de suite si les sylla­bes accentuées entrent en contact, de répartir les accents dans le syntagme et le groupe accentuel en les plaçant sur les syllabes impaires а compter de la fin, de savoir déplacer l'accent en désaccentuant les mots significatifs.

C'est donc une toute nouvelle habitude d'accentuation qu'il faut apprendre petit а petit. Il est fort utile et absolu­ment nécessaire de s'excercer а ces fins. *

Ainsi, dans les paradigmes des verbes — formes affirmative, inter­rogative, négative — il importe de soigner l'accentuation du groupe, d'insister sur le déplacement de l'accent sur la deuxième négation ou bien sur le pronom-sujet en cas d'inversion :

Tu écris écris-'tu ? — (tu) n'écris 'pas.

Pour que deux syllabes de suite ne portent pas l'accent, il convient d'avoir recours d'abord aux verbes а deux syllabes, ce qui permet d'af­fecter d'un accent secondaire la troisième syllabe а compter de la fin au détriment de la dernière syllabe du mot significatif. L'alternance mise en relief fait désaccentuer la syllabe qui, dans d'autres conditions, porte un accent tonique :

Vous le vou'lez. "Voulez-'vous? Vous ne "voulez 'pas?

L'impératif а la forme négative aussi bien que l'impératif suivi d'un pronom-complément fournissent matière а exercices :

Ne "parlez 'pas. Ne "bougez 'plus. "Gardez-'le. "Parlez-'moi de"cet en'fant.

Dans le verbe, il y a d'autres groupements dont on peut se servir dans le même but, par exemple, verbe+adverbe monosyllabique : vous "chantez 'bien, vous "chantez 'faux, vous "courez 'vite, tu "dessines 'bien, etc.

Avec le nom, il s'agit de constituer des groupements а déterminant monosyllabique en postposition :

C'est un era' y on c'est un "crayon 'rouge.

Donnez-'moi un ça'hier donnez-'moi un "cahier 'bleu.

Voi'lа du ira'vail c'est du "travail 'dur.

Les adjectifs numéraux se prêtent aisément а ce genre d'exercice : soi'xante "soixante-'deux ; cin'quante "cinquante-'quatre ; 'qua­rante-'six.

§ 126. En raison des règles d'accentuation citées plus haut, tout mot français est susceptible de perdre son accent dans la chaîne parlée. Il s'agit des adjectifs préposés au nom (une belle mai'son), des adverbes insérés entre le verbe auxiliaire et le participe passé (il a bien 'fait), des noms suivis d'adjectifs monosyllabiques ou des verbes suivis d'ad-

1 H. A. Шèгаресêая. Неêîтîрûе ïраêтèчесêèе ïрèемû îбуче­нèя аêцентуацèè. «Èнîстраннûе яçûêè шêîле», 1958, № 4.

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verbes monosyllabiques (un cahier 'gris, il lit 'bien), des mots faisant partie de locutions phraséologiques ou de mots composés (il y prendra 'part, des pommes de 'terré), des mots significatifs passant а l'état de mot-outil (je vais re venir, tu le laisseras 'faire) et, finalement, des verbes а la forme négative et interrogative avec l'inversion du sujet-pronom et а l'impératif suivi d'un complément (il ne parle 'pas, parle-'t-il ? parle-'lui).

Néanmoins, c'est le mot significatif que l'accent affecte de préférence, tous les mots а valeur grammaticale étant pré­posés et servant de proclitiques. Par contre, les mots а va­leur grammaticale sont des unités inaccentuées — articles, adjectifs démonstratifs et possessifs, prépositions, pronoms-sujets et compléments, verbes auxiliaires, etc. Il arrive ce­pendant а certains d'entre eux de recevoir l'accent. Il s'a­git de pronoms personnels-sujets а la forme interrogative, de pronoms-compléments а l'impératif, forme affirmative, et du deuxième élément dans la négation.

Or, le français parlé d'aujourd'hui a une prédilection très marquée pour les phrases interrogatives а l'ordre direct de mots, ce qui contribue а restituer et affirmer le carac­tère atone des pronoms-sujets : Partez-'vous? > Vous par-'tezï Aime-'t-il son pays \ > II' aime son pa'ys? Le pro­mets-'tu ? > Tu le pro'mets ? 3

Quant а la négation ne ... pas dont le deuxième élément est toujours accentué, elle subit, de nos jours, des modifica­tions exceptionnelles en ce sens que c'est pas qui est devenu l'élément essentiel de la négation, un élément sémantique, au point d'assumer а lui seul la fonction de la négation dans la langue parlée (Sais pas. Faites pas attention. Elle vien­dra pas !) et de remplacer en maintes constructions la néga­tion non, excepté le cas oщ non exprime а lui seul la réponse négative. — Lorsqu'on est comme vous un astre pas trop fixe, on ne regarde le soleil et les étoiles que comme des ri­vales... Sophie qui vous donnerait mes lettres et peut-être aussi autre chose pas lourd... (P. Mérimée. « Correspon­dance »). Je trouve la maison pas chauffée. (E. Triolet). J'aime bien Vaccordéon avec les moules, dit Marcel, pas vous? (J. Perret). ...dans pas très longtemps, pas vers le centre. Avons-nous reçu les drains ? — Toujours pas. — Et vous le faites entrer ? — Pourquoi pas ? (H. Т г î у a t).

1 H. A. Шèгаресêая. Î струêтуре îïрîсèтельнîгî ïредлîже­нèя сîременнîм ôранцуçсêîм яçûêе (раçгîîрнûé стèль речè). «ест­нèê ЛГУ», № 2. Серèя èстîрèè, яçûêа è лèтературû, ûï. I, 1963.

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Le français a donc une tendance fort prononcée а garder atones plusieurs classes de mots, pour n'attribuer l'accent qu'au mot significatif.

b. Accent d'insistance logique et affective