Добавил:
Upload Опубликованный материал нарушает ваши авторские права? Сообщите нам.
Вуз: Предмет: Файл:
Шигаревская.doc
Скачиваний:
174
Добавлен:
04.03.2016
Размер:
16.82 Mб
Скачать

§ 42. La voyelle [æ] est une voyelle orale, antérieure, mi-ouverte I, labiale.

Connaissant certaines restrictions parce qu'inusitée en syllabe ouverte accentuée, la voyelle [æ] est cependant le son du français probablement le plus typique, celui qui, entre autres, donne а la langue française sa physionomie particu­lière. Il est très fréquent dans le débit, surtout en position inaccentuée en raison de l'emploi courant des monosyllabes dont il fait partie (de, le, ne, me, te, se, etc.).

Les oppositions phonologiques en syllabe fermée accentuée ne sont pas très variées puisque le [æ] n'existe guère que de­vant les consonnes [ê, vb, î, v, j, 1], parmi lesquelles le [ê] et le [j ] sont les plus usités: paire peur pore ; air heure or ; sel seul sol; treilletreuil ; settle seuil ; nef neuf, fève neuve, etc.

Parmi les variantes sur le plan vertical, il convient de noter la variante la plus ouverte en syllabe accentuée fermée devant le [ê ] final : рецг, tumeur, hetyre, les autres nuances devenant de moins en moins ouvertes. En syllabe accentuée fermée devant [v, vk, j] — neuve, æuvre, æil ; en syllabe, accentuée fermée devant [î], [1] — neuf, seul ; dans une syllabe non accentuée devant un [ê] — meurtrir, heurter ; dans d'autres syllabes inaccentuées — atelier, bachelier, de­mander (voir le tableau des variantes, § 48).

Faut-il considérer le [æ] inaccentué comme un phonème а part, e dit caduc ? 2 Parmi les linguistes il n'y a que L. Scerba, K. Togeby et G. Straka qui se prononcent en faveur de la valeur phonologique du son [e]. K. Togeby lui trouve une opposition phonologique а la finale [0 — 9] queue/que, tan­dis que L. Scerba atteste le rôle phonématique du [9] en rai­son de son alternance avec zéro phonique (zéro de son) : cf. demander peupler, а d(e)mander а peupler. Dans de­mander il s'agit, d'après L. Scerba,du phonème [9], alors que

1 Les manuels français de phonétique pratique qualifient cette voyelled'ouverte sans prendre en considération les quatre degrés d'aperture.

2 On donne а cette variété du [æ] des noms suivants : e caduc vuson caractère faible et désuet, e muet parce qu'il ne se prononce pas biensouvent, e féminin — du fait qu'il était autrefois utilisé comme marquedu féminin. Nous avons rejeté ces dénominations en faveur du terme e ou[æ] instable pour souligner sa qualité de variante du phonème [æ] et soncaractère facultatif, le son en question pouvant être omis suivant les con­ditions de la conversation. D'ailleurs, les termes e muet et e féminin sontimparfaits ; parce que [æ] instable n'est muet que dans certaines positionset qu'il n'est plus de nos jours une flexion du féminin puisqu'il ne seprononce pas а la finale.

69

I.,.

dans le verbe peupler oщ e n'alterne pas avec zéro phonique, il y a le phonème [æ]1.

Tous les autres sont d'accord sur le caractère relché du [9] sans pouvoir toutefois déterminer de façon exacte son articulation, le classant tantôt parmi les nuances du [æ] en vertu de son caractère ouvert, qu'il garde sous l'accent dans le groupe : donne-le, tantôt parmi celles du [0] а cause de l'alternance — je le prends [æ] — prends-le [0] (P. Fouché, A. Martinet). 2

A notre avis, le son dit e caduc n'est qu'une variante instable du phonème [æ] en syllabe ouverte non ac­centuée. En effet, son caractère phonétique — il est bref, moins ouvert, plus ou moins relché dans les positions diffé­rentes — ne présente aucune valeur phonologique parce qu'il est dû а la position instable du phonème [æ] dans la syllabe ouverte non accentuée, dans la plupart des cas non initiale, entre deux consonnes susceptibles de former un groupe de consonnes en français : Je d(é)mande, mais — Demandez-lui ; je n(e] dis pas non, mais — ne dites pas non, etc. (voir § 92).

Son fonctionnement dépend donc des conditions phonéti­ques, ce qui est le cas d'un phénomène phonétique et non phonématique, l'alternance n'étant pas obligatoire et dépen­dant beaucoup du style de la conversation. Moins fréquente en style soigné, elle est courante dans le style familier et très répandue dans le langage populaire oщ elle atteint le [æ] qui est stable de par son étymologie (« II prononce « J'nesse» comme il dit « déj'ner ». С e s b г î n, « La souveraine ») 3. A supposer que l'alternance [æ] — zéro soit un critère phonologique, il importerait alors de traiter toute alternance (son — zéro de son) en tant que caractéristique phonématique essentielle. Ceci nous donnerait deux phonèmes [z], [t], etc. en français moderne puisque [z], [t] alternent avec le zéro de son dans le groupe accentuel en cas de liaison : cf. un petit^ami — un peti(t) frère [t — zéro] et petite, oщ [t ]

1 Л. . Щерба. Ôîнетèêа ôранцуçсêîгî яçûêа. Èнîèçдат, M.,1953, § 130. Pourtant, en 1912, L. Scerba estimait que e caduc était unevariante inaccentuée du phonème [æ]. Л. . Щерба. Руссêèе гласнûе êачестеннîм è êîлèчестеннîм îтнîшенèè. Сïб, 1912, стр. 99.

2 II y a lieu de mentionner un ouvrage spécial — «Etudes sur Геmuet» par J.-V. Pleasants, consacré а l'analyse phonétique très détailléde Ге muet. Or, les quelques déductions que l'auteur en tire pour parlerde la valeur phonologique de la voyelle sont peu fondées.

3. H. S ten. Manuel de phonétique française. K0benhavn, 1956, p. 17.

70

n'alterne pas avec zéro de son : les^amis le(s) livres [z — zéro] et rosace. C'est ce que prétendent A. Meillet et E. Pi-chon qui appliquent le principe de l'alternance (son — zéro de son) au système phonétique du français. 1

Or cette alternance (son — zéro de son) ne dépendant que de conditions phonétiques et stylistiques ne saurait être trai­tée en marque phonologique.

d. Voyelles postérieures

§ 43. Les voyelles orales postérieures sont classées d'a­près quatre degrés d'aperture au niveau vertical : fermée [u], mi-fermée [ol, mi-ouverte Û et ouverte [a]. Tout en appartenant а la classe des voyelles postérieures, elles n'éga­lent pas pour autant les voyelles correspondantes du russe, étant plus avancées. Il n'y a qu'une seule voyelle qui est effectivement un son postérieur, articulé avec la racine de la langue fortement retirée en arrière, c'est la voyelle [a].

Néanmoins, le canal du pharynx pour toutes les voyelles postérieures est rétréci ; il est moins grand que pour les voyel­les antérieures ce qui contribue а former une résonance toute particulière qui caractérise les voyelles postérieures.

L'articulation postérieure est généralement accompagnée de l'articulation labiale, ce qui est aussi le cas du français qui a trois voyelles labiales bien distinctes. Le quatrième phonème [a] tend а le devenir aussi. Il importe de souligner que l'arrondissement des lèvres pour les voyelles françaises est plus énergique que pour celles du russe.

Parmi les voyelles postérieures du français deux compor­tent une caractéristique quantitative— [o, a] : elles sont longues sous un accent en syllabe fermée — pôle Грî:1], pâle ['pa:l].

Les voyelles postérieures ou voyelles d'arrière sont for­mées avec la langue tendue, plus ou moins massée en arrière. La grande caisse de résonance se trouve а l'avant de la bou­che ; la chambre de résonance en arrière est petite, pourtant elle est plus grande pour les voyelles postérieures du français que pour celles du russe vu le caractère avancé des voyelles françaises, excepté le [a] (voir fig. 15а). Un troisième réso­nateur, qui se forme entre les lèvres projetées en avant et les

1 A. Meillet, E. Pichon. Structure générale du français d'au­jourd'hui. Conférences de l'institut de linguistique, III, 1935, p. 9.

71

dents, renforce le son fondamental et donne naissance а une nuance de timbre différente constituant les voyelles labiali-sées [u, o, d, a].