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1. En Tunisie, les médias s'émancipent

En Tunisie, plus que dans les autres pays du Maghreb, le verrouillage de l'information était total. Clientélisme et népotisme obligent, la plupart des médias privés appartiennent à des proches de l'ancien régime.

Raoudha Tahar a longtemps été la Claire Chazal de la première chaîne de télévision publique tunisienne. Elle connaît tous les rouages d'un «système » qu'elle qualifie sans hésitation de «pourri ». Chaque jour, raconte Raoudha, «nous devions consacrer la moitié environ du JT de 20 heures aux activités officielles du président et de son épouse Leila. À vrai dire, ces trois dernières années, ce timing avait un peu changé : Monsieur n'avait droit qu'à dix minutes contre quinze minutes pour Madame.»

Impitoyable cahier des charges imposé à la quasi-totalité des médias tunisiens jusqu'au 14 janvier dernier, c'est-à-dire jusqu'à la fuite du «tyran». Zine el-Abidine Ben Ali a laissé derrière lui un champ de ruines médiatiques et à l'approche d'une échéance cruciale - l'élection, le 24 juillet, d'une Assemblée constituante qui décidera de l'avenir de la Tunisie -, les journalistes ont basculé de l'euphorie au désarroi. Faute de traditions démocratiques, ce scrutin représentera un défi sans précédent pour la petite Tunisie devenue un laboratoire du monde arabe.

Raoudha ne se fait pas prier pour reconnaître que, jusqu'à ce 14 janvier fatidique, les journalistes «faisaient tout sauf du journalisme et que la grande majorité d'entre eux s'étaient engagés corps et âme dans la machine de propagande». Sa consœur Lilia Mezni ne mâche pas non plus ses mots pour déplorer que «ceux qui s'entre-tuaient jadis pour obtenir les faveurs du président et de Madame sont aujourd'hui leurs plus farouches détracteurs».

Ex-rédacteur en chef de La Presse, le plus grand quotidien francophone du pays, Foued Allani n'est pas du genre à retourner sa veste. Il en a payé le prix. Le 17 janvier, un comité de salut public élu par la rédaction lui a symboliquement coupé la tête. Depuis, Foued a fait son mea culpa - «Nous étions les acteurs d'une pièce de théâtre» - et préfère penser qu'au fond, les journalistes étaient des victimes. «Ben Ali nous méprisait. Il avait poussé le cynisme jusqu'à se faire décerner la Plume d'or par notre Association.» Foued dirige à présent le service international de La Presse. Un placard doré. Il estime que maintenant, «on parle trop, on dit n'importe quoi ». Il rêve aussi de critiquer tout haut «le diktat de la révolution», mais laisse entendre qu'on le lui interdit et que de toute façon, il n'a plus «le cœur à écrire».

Complices bon gré mal gré de l'ancien régime, les journalistes tunisiens se livrent à une véritable catharsis, explique le politologue Larbi Chouikha. «La parole s'est libérée» et du même coup «nous sommes passés de pas d'infos à trop d'infos et de la langue de bois à la critique tous azimuts». Larbi codirige l'Autorité publique de réglementation des médias, une toute nouvelle instance destinée à réformer le secteur, gravement sinistré, de l'information et de la communication. Les dégâts sont considérables. En Tunisie, plus que dans les autres pays du Maghreb, le verrouillage était total. Internet et les réseaux sociaux représentaient le seul espace d'expression. Le pays compterait 3,6 millions d'internautes. Sur 10 millions d'habitants, c'est beaucoup. La «révolution du jasmin» est née sur Facebook et à l'approche du scrutin, télévisions et presse écrite ambitionnent de prendre le relais.