Добавил:
Upload Опубликованный материал нарушает ваши авторские права? Сообщите нам.
Вуз: Предмет: Файл:
stylistique.doc
Скачиваний:
95
Добавлен:
23.11.2018
Размер:
975.36 Кб
Скачать

Injures et expressivité

La forme de l’injure est déterminée par sa fonction et ses conditions d'emploi.

Elle constitue, on l'a vu, un langage de la valeur (négative et péjorative). Elle exprime moins une idée qu'un sentiment. C'est pourquoi son champ sémantique est si vaste et si vague : les cons, c'est pratiquement tout le monde et merde exprime à peu près n'importe quoi, y compris, à la limite, une certaine admiration. C'est que le sentiment exprimé est désigné non seulement par le sens du mot, mais plus encore par le ton violent, hésitant, impératif, etc. sur lequel il est prononcé. Ton qui, par ailleurs, peut s'accompagner de gestes: poing menaçant, sourcil méprisant, moue dégoûtée.

Etroitement lié à cette expressivité vocale et corporelle est le fait que linjure et le juron s'adressent directement à un interlocuteur.

Dire du mal de quelqu'un, à la troisième personne : Durand est un salaud, etc., c'est le calomnier, le diffamer, le vilipender. L'injurier, en revanche, c'est s'adresser à lui, à la seconde personne : tu es un salaud, ou au vocatif : salaud! Même si l'interlocuteur est absent, c'est à lui qu'on s'adresse en pensée : le salaud! (s'il était là qu'est-ce que je lui passerais). L'enfant qui écrit : merde sur un mur, ne manque pas d'ajouter : « pour celui qui le lira ». L'injure est un acte de parole, une parole qui est un acte par lequel le locuteur « affronte » physiquement son adversaire. Elle ne se contente pas de « dire quelque chose à propos de quelqu'un » ; la voix qui conspue (c'est-à-dire « crache ») fuse comme un crachat et s'accompagne souvent d'un crachat symbolique. Crier merde à un importun est un acte de la même nature que le mouvement d'impatience qui lui claque la porte au nez.

Parallèlement à ce qui est « dit », une autre information passe à travers la manière de « dire » :là voix du locuteur, sa mimique, sa relation avec l'allocutaire, le temps, le lieu, les circonstances, etc. A ce niveau, les variations de la voix, le ton jouent un rôle décisif.

On peut dire : « Pierre est en retard » d'un ton excédé, anxieux, indulgent, amusé, etc. ; et même « deux et deux font; quatre » d'un ton catégorique, pédant, ironique, etc. Les communications qui engagent notre affectivité (nos sentiments, nos désirs) sont particulièrement tributaires du ton, car ces variations de la voix ont précisément pour fonction d'exprimer nos émotions. Elles constituent, d'autre part, un code particulier, distinct du code prédicatif et qui doit avoir ses règles, encore que nous les connaissions mal. La diction des acteurs et les mille et une manières de dire « to be or not to be » ou « Bonjour Monsieur » peuvent donner une idée de ce code vocal (sans parler du code gestuel qui l'accompagne le plus souvent).

Pour autant qu'on puisse parler d'une grammaire locutive, ses principaux tours sont :

le vocatif : chérie !, imbécile !, Mon Dieu!, etc. ;

l'impératif : viens, fous le camp,lta ferme, etc.;

le mot-phrase : admirable, épatant, pas folle, etc. ;

l'interjection : Ah!, Oh!, Pouah!, etc.

Ces formes comportent un contenu sémantique en même temps qu'un profil prosodique qui a exprime les sentiments éprouvés à l'égard de la chose ou de la situation « désignée ».

La grammaire locutive; ainsi définie, constitue le langage de la valeur. A la limite le sens peut être entièrement évacué et l'interjection n'est plus qu'un simple support de l'émotion : Oh!, Pouah! expriment la « surprise », le « dégoût » du locuteur en face de ce qu'il voit ou de ce qu'on lui dit. Il ne ( « dit » rien, il « fait » : Oh! ou Pouah !

Ce style locutif, évidemment, n'est possible qu'au sein de la communication concrète; il implique nécessairement la présence physique, in situ, des interlocuteurs. On comprend le rôle qu'il joue dans linjure et le juron ; sous forme de vocatif-impératif dans le premier cas; dans le second, sous forme de mot-phrase et d'interjection. Une prosodie de l'injure nous dirait comment les variations de la voix expriment: l'impatience, l'énervement, l'exaspération, la lassitude, le mépris, le dégoût, la repugnance, l'aversion, la haine, etc.

Un autre caractère de l'affectivité en général — et de l'affectivité populaire en particulier — est l'intensité: L’affirmation, la négation, l'ordre s'y expriment emphatiquement. D'où un certain nombre de formes intensives, de procédés de mise en relief fréquents dans l'injure.

L'hyperbole: les salauds, les cons sont les rois, voire les empereurs des salauds ; prééminence qui s'exprime dans un certain nombre de locutions stéréotypées: si les cons volaient, tu serais chef d'escadrille, etc.

Des épithètes traditionnelles du type: sacré, franc, foutu, beau...(quel beau salaud expriment cette « perfection » et cet « achèvement » de la qualité : ces qualificatifs ont donc pour fonction de maximaliser l'injure.

Un autre procédé d'intensification est la redondance, soit par répétition : Nom de Dieu, dé Nom de Dieu, de Nom de Dieu..., soit par expansion un con, un sale con, un foutu sale con, un foutu sale con pourri, un foutu sale con pourri de merde, ou par accumulation salaud, fumier, pourri, con c'est le « chapelet d'injures ».

La mise en relief peut se faire aussi par dérivation à partir de suffixes populaires à valeur itérative, fréquentative, augmentative, diminutive, etc., générateurs de connotations péjoratives.

Le con est un conard, conaud, conasson, conosov.

Merde devient merdaille, merdasse, merdouille,

merdre.

Les adjectifs grand et petit appartiennent à ce système dans lequel la « petitesse » connote la « faiblesse », la « mesquinerie », 1' « insignifiance » et la grandeur la « pesanteur », la brutalité », la bêtise », etc.

Toutes ces formes se combinent avec le ton pour exprimer l'intensité du sentiment éprouvé dont la nature est précisée par les différents thèmes sémantiques de la « grossièreté » au sein d'un système qui repose sur trois images élémentaires : la sexualité, la défécation, la puanteur de la pourriture.

Questions :

Quelle est le sens du mot injure?

Par quoi est déterminée la forme de l’injure?

Comment pourrait- on classer les injures?

Comment est la relation sujet-objet dans l’acte d’injure?

Quels sentiments produit l’intonation de l’injure?

Соседние файлы в предмете [НЕСОРТИРОВАННОЕ]