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L'Ultime Secret.doc
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19.08.2019
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II souligne chaque mot, puis la phrase tout entière.

Bon sang, se dit-elle, ils vont me laisser tomber à cause de leurs principes religieux.

—C'est de l'assistance à personne en danger. N'avez-vous pas pour devoir, comme chaque être humain, de sauver les êtres en détresse? A fortiori les femmes et les orphelins. Je suis femme et en plus orpheline! Vous avez le devoir de m'aider.

La cinquième motivation fonctionnera-t-elle? Le petit moine efface l'ardoise et note en gros caractères: «Nous avons le devoir de vivre dans la paix du Seigneur.» Lucrèce, épuisée, blessée, ruisselante, les regarde. Elle arti­cule soigneusement comme si elle s'adressait à des sourds-muets.

— Alors vous êtes pires que les autres. Vous allez m'abandonner de peur que je ne trouble votre paix! Vous savez quoi? éructe-t-elle. Je vais ajouter dans ma liste une nouvelle case. Au-dessus de 8 les stupéfiants, et de 9 la passion person­nelle, je vais mettre 10 la religion.

Les moines s'interrogent mutuellement du regard.

Ils la considèrent avec un air indulgent. Le moine qui tient l’ardoise lui propose de s'asseoir. Il va chercher une serviette-éponge et la lui tend. Elle se déshabille lentement. Deux moines échangent des coups d'œil affolés.

Voyant la blessure à sa cuisse, un moine lui tend un panse­ment qu'il dépose, après une hésitation, sur la plaie. Puis on lui propose un vêtement sec: une robe de bure. Elle l'accepte.

Un petit moine lui sert un verre de liqueur Lerina. Elle le vide d'un coup pour se redonner des forces et trouve la saveur bien agréable.

En souriant, le religieux lui dédie son regard le plus apai­sant. Il note avec sa craie:

«Pourquoi êtes-vous là, mademoiselle?»

— Je suis en fuite.

Il efface et écrit, le visage figé dans un sourire forcé: «La police?»

— Non, les gens de l'île d'en face!

«Vous êtes donc une malade de l'hôpital Sainte-Margue­rite?»

—Non, je suis journaliste au Guetteur moderne.

Le moine fixe ses grands yeux vert émeraude comme pour mieux comprendre la situation.

— Je sais que ce n'est pas facile à croire, dit-elle, mais j'en­quête sur le neuropsychiatre champion d'échecs mort d'amour dans les bras du top model danois. Je suis journaliste et je ne suis pas folle.

Comment prouver qu'on n'est pas fou? C'est impossible.

— Elle dit vrai.

Un homme qui n'est pas en tenue de moine, mais en pull et Jean, vient d'arriver. Même sans sa tenue de cuir noir, elle le reconnaît: Deus Irae, le chef des Gardiens de la vertu.

— Ah! Vous me reconnaissez? Dites-leur donc que je ne suis pas folle.

— Elle n'est pas folle.

Sans la quitter du regard il ajoute:

— C'est une amie avec laquelle j'avais rendez-vous, elle s'est juste trompée d'entrée.

Le moine prend un air dubitatif. Mais c'est un langage qu'il peut comprendre. Deus Irae sait assurément qu'il vaut mieux dire un mensonge crédible qu'une vérité compliquée.

«Vous pouvez rester ici, mais ce sera quarante euros par jour», note-t-il sur son ardoise.

— Puis-je donner un coup de téléphone? s'enhardit Lucrèce Nemrod.

— Ils n'ont pas de téléphone, répond Deus Irae.

— Comment font-ils pour avertir s'il y a un problème?

— Ils n'ont jamais de problème. Vous êtes le premier «problème» qu'ils affrontent depuis des siècles. Saint-Honorat est un lieu épargné des tourments du monde. Et puis le télé­phone est un outil pour parler, or ils ont tous fait vœu de silence.

— Logique. J'aurais dû y penser.

— Ils ne veulent pas être tentés par le brouhaha qui sévit à l'extérieur. Ils n'ont pas non plus de télévision, pas d'Internet, pas de radio, pas de femmes. La vraie tranquillité, quoi.

Deus Irae affiche un air mi-méprisant mi-réjoui:

— Cependant je crois qu'ils disposent d'un fax pour les réservations.

Le moine hoche la tête en signe d'approbation.

Deus Irae hausse les épaules comme s'il condescendait à accorder un dernier caprice à la jeune femme avant qu'elle ne devienne raisonnable.

— Ecrivez quelque chose et ils l'enverront.

Elle rédige un message à Isidore et lui signale où elle se trouve. Elle inscrit le nom et le numéro de téléphone sur un papier.

— En attendant, vous pouvez aller prendre un déjeuner au réfectoire, suggère Deus Irae en l'accompagnant vers le bâtiment.

— Et vous-même, que faites-vous là?

— Retraite. Je prends trois jours de retraite tous les mois. Pour faire le point et être au calme. Ici, c'est un lieu sacré. Je sais que nous n'avons pas les mêmes convictions mais vous pouvez me faire confiance, vous êtes en sécurité. La violence s'arrête à l'extérieur de cette enceinte.

Ils parviennent au réfectoire. Les moines ayant terminé la prière sont assis autour d'une longue table. Ils se tournent à l'arrivée de la jeune femme.

C'est elle.

Ils lui sourient gentiment.

Sans tenir compte de tous ces regards qui la suivent, elle avance, impavide. Deus Irae propose à la jeune femme une place sur un banc de chêne. Autour d'eux circulent des pichets de lait, des pots d'avoine et de miel. Lucrèce observe les visages et se demande ce qui a amené ces hommes ici.

— Ne les jugez pas trop vite, Mademoiselle, ce sont de braves gens. Oubliez leur allure un peu archaïque et ne voyez en eux que des êtres qui ont voulu quitter le jeu parce qu'il leur semblait trop épuisant. A leur manière, ils sont heureux. Et qui peut prétendre être heureux de nos jours?

— Il y a une phrase de l'Evangile qui dit «heureux les simples d'esprit» et se termine par «le royaume des cieux leur appartient».

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