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L'Ultime Secret.doc
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19.08.2019
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Isidore et Jérôme cherchent ensemble à se les remémorer, sans vraiment y parvenir.

— La luxure et la gourmandise, ensuite je me souviens plus. C'est tellement anti-épicurien de s'en souvenir, n'est-ce pas?

Le pugilat bat son plein. Les hommes en noir renversent les gâteaux à la crème.

— Pourquoi faut-il que tout ce qui est agréable dans la vie se retrouve soit illégal, soit immoral, fasse grossir ou entraîne l'agression des grincheux? soupire Lucrèce.

— Ça serait peut-être trop facile autrement, n'est-ce pas? suggère Jérôme Bergerac.

— Des militaires contre l'hypnose, des étudiants réaction­naires contre le plaisir, et si votre Deus Irae était pour quel­que chose dans la mort de Fincher? Après tout, il était le porte-drapeau de la victoire des épicuriens. Voilà des gens qui avaient une motivation pour agir contre lui. Je vais leur demander...

— Allez-y, je vous regarde, l'encourage Isidore, se calant sur sa chaise comme devant un spectacle.

La journaliste scientifique fonce dans la mêlée. Isidore ponctionne quelques mignardises dans l'assiette de Bergerac.

— Ce n'est pas la première fois que cela arrive, annonce le milliardaire oisif. Je me demande parfois si cette agitation n'est pas organisée par Micha, histoire de mettre un peu de piquant dans la soirée et de rendre les épicuriens plus conscients de la cause, n'est-ce pas?

— C'est le cas? demande le journaliste, la bouche pleine.

— Non. Ceux-là sont de vrais militants de la Ligue de vertu.

— Ils ont l'air déterminés.

— Le propre des gens malheureux est de ne pas supporter que d'autres s'amusent. Ils voudraient que tout le monde soit comme eux. La souffrance est plus facile à partager que le plaisir...

Isidore et Bergerac trinquent alors que Lucrèce virevolte dans la mêlée avec ses deux doigts en fourche qui fouettent et frappent. A cause de ses chaussures à talons hauts elle évite les grands mouvements de jambes et de pieds, se contentant de coups de genoux.

— Elle se bat rudement bien, dites donc, commente le milliardaire.

— Elle a appris à l'orphelinat. D'ailleurs elle appelle son art martial: l'orphelinat kwan-do.

— C'est quand même une frêle jeune fille. Je vais l'aider, annonce Bergerac.

— Je reste ici pour veiller sur les sacs à main, plaisante Isidore. Désolé, mais j'ai aussi ma religion et c'est la non-violence.

Lucrèce, déchaînée, s'approche de Deus Irae et l'attire en un combat singulier. Elle le maîtrise facilement.

— Qui t'envoie? Parle!

— Je suis le chien de berger venu pour mordre les mollets des brebis égarées, répète Deus Irae.

Autour d'eux c'est la pagaille.

Lucrèce Nemrod ne se rend pas compte que quelqu'un s'approche d'elle. Avant qu'elle ait pu réagir, un mouchoir enveloppe son nez et sa bouche. Elle aspire des vapeurs de chloroforme. La substance volatile pénètre ses narines, entre dans son sang et monte très vite au cerveau. Elle se sent tout à coup exténuée, quelqu'un la soulève et l'emporte, profitant de la confusion générale.

Elle rêve qu'elle se fait kidnapper par un prince charmant.

49.

Samuel Fincher et Jean-Louis Martin étaient en train de devenir les meilleurs amis du monde. Samuel Fincher s'expri­mait par la voix. Jean-Louis Martin lui répondait de sa pensée branchée sur l'appareillage informatique.

Ils conversèrent et Fincher constata que Martin devenait de plus en plus érudit en sciences, en psychiatrie en particulier. Ce fut Martin qui lui conseilla de décorer les salles en fonction des pathologies.

«Ils voient en permanence du blanc, cela les renvoie à leur vide intérieur. Pourquoi ne pas les entourer des images de beauté produites par des peintres soi-disant "malades" qui ont sublimé leur maladie pour la transformer en art? Moi par exemple je me sens dans l'onde du peintre Salvador Dali», pensécrivit le malade du LIS.

Jean-Louis Martin se connecta sur le Net, chercha un site de banques de données d'images et fit apparaître un tableau de Dali sur son écran d'ordinateur.

«Vous vous rappelez notre discussion sur nos préjugés qui fabriquent le réel? C'est le talent de Dali. Il a énormément travaillé sur les illusions d'optique. Il nous montre que notre cerveau ne cesse de tout interpréter et nous empêche de voir. Regardez ce tableau. Cherchez Voltaire dans le décor», sug­géra-t-il.

Samuel Fincher examina l'image sans y réussir. Jean-Louis Martin lui désigna le visage de l'écrivain qui apparaissait en trompe l'œil sur la gauche de la peinture.

«Docteur, faites peindre les murs de motifs inspirés de ces tableaux!»

— Par qui?

«Par vos pensionnaires. Les obsessionnels par exemple. Animés par leur perfectionnisme, ils ne se fatigueront pas et y mettront tout leur cœur. Je suis sûr que cela leur fera plaisir de décorer l'endroit où ils vivent.»

Samuel Fincher accepta l'expérience et le résultat fut au-dessus de tout ce qu'il espérait. Les malades restaient des heu­res à observer, interpréter, tenter de comprendre l'œuvre de Dali.

Je dois reconnaître que vous avez des idées intéressantes, admit le praticien.

«Ce n'est pas moi, c'est l'étude du cerveau qui me l'a enseigné. Pourquoi ne pas valoriser la différence? Utilisons leur folie comme un avantage et non comme un inconvé­nient.»

Jean-Louis Martin lui expliqua que Victor Hugo, Charles Baudelaire, Vincent Van Gogh, Théodore Roosevelt, Wins­ton Churchill, Tolstoï, Balzac ou Tchaïkovski avaient tous été traités pour psychose maniaco-dépressive, une maladie qui se caractérise par des phases de grand abattement suivies de phases d'excitation. Or on a découvert qu'en période de crise, les psychomaniaques fabriquent une dose anormale de noradrénaline, et que la production de ce neuromédiateur permet des communications beaucoup plus rapides expliquant leur créativité.

«Vous croyez que je suis fou, docteur?»

— Non. Vous êtes juste un «passionné». Et vos passions m'intéressent.

Jean-Louis Martin fit alors part à son neuropsychiatre de ses deux plus grandes passions: la peinture de Salvador Dali, et les échecs. En bougeant son œil, Jean-Louis Martin fit apparaître l'image d'un tableau de Dali.

«Regardez ce tableau, Le Christ de saint Jean de la Croix. Dali a eu l'idée de représenter le Christ vu de haut, en contre-plongée. En fait, du point de vue de Dieu. Personne n'y avait pensé avant lui...»

Il fut encore plus éloquent en parlant du jeu d'échecs. Les échecs étaient selon lui un moyen pour l'homme de se rappe­ler qu'il était probablement lui-même une pièce dans un jeu géant dont il ignorait les règles.

«Les échecs poussent à la spiritualité, car ils nous font comprendre qu'il existe une lutte entre deux énergies, les blancs et les noirs, qui symbolisent le bien et le mal, le positif et le négatif. Ils nous font comprendre que nous avons tous un rôle et des capacités différentes, pion, fou, dame ou cheval, mais que, selon l'endroit où l'on se trouve, nous pouvons tous, même les simples pions, provoquer le mat final.»

Le docteur Fincher n'avait jamais jusque-là porté d'intérêt aux échecs. Peut-être parce que personne ne l'y avait vraiment initié, il considérait ce jeu comme une perte de temps, un dérivatif pour petits garçons aimant la guerre. La manière dont Jean-Louis Martin lui en parla le fascina.

«Vous devriez jouer aux échecs. C'est le jeu des dieux...»

— Vous êtes déiste?

«Bien sûr. Pas vous?»

— Pour moi, Dieu est issu du rêve des hommes.

«Je suis moins cartésien que vous, Fincher. Au bout de la science on retrouve l'irrationnel. Je crois que Dieu est l'hypo­thèse indispensable pour expliquer tout ce qui existe. Je ne le définis naturellement pas comme un vieil homme barbu géant assis sur le soleil, mais plutôt comme la dimension qui nous dépasse.»

— Croyez-vous que des pièces d'échecs puissent créer les joueurs qui les manipulent?

«Qui sait? Je crois que Dieu est en chacun de nous. Dans nos têtes. C'est le trésor caché. Vous savez, ce que j'aimerais, docteur, c'est trouver l'endroit précis où nous avons placé Dieu dans notre cerveau. Peut-être même découvrir la for­mule chimique du dieu rêvé qui siège dans nos esprits. Selon moi, il est ici.»

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