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L'Ultime Secret.doc
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19.08.2019
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Il manipule quelques boutons.

— Ensuite je déclencherai le système de détection à l'autre bout de l'île. Ainsi, ils perdront du temps à vous chercher dans la mauvaise direction. Enfin je vais débrancher tous les détecteurs du coin. Vous n'aurez qu'à rejoindre la côte sud. Jetez-vous à l'eau et, après, il ne vous restera plus qu'à nager jusqu'à l'île Saint-Honorat. Les moines cisterciens de l'abbaye vous aideront à rentrer à Cannes. C'est faisable. Partez par le toit, c'est plus sûr.

Pierrot téléphone, règle un écran, manipule un clavier et fait un geste signifiant que la voie est libre. Lucrèce l'observe avec inquiétude. Le malade appuie enfin sur une manette et une échelle électrique automatique descend. Ariane et Lucrèce grimpent aux barreaux.

89.

La souris monta à l'échelle.

Là se trouvait la zone la plus difficile: des lames de rasoir. Pour avancer, Freud était obligée de se blesser mais elle sem­blait insensible à la douleur. Elle était attirée par la lumière de la manette. Elle glissa et tomba. Remonta. Dérapa à nouveau.

90.

Ariane et Lucrèce rampent sur le toit du bâtiment des paranoïaques et s'écorchent aux tessons de bouteilles posés là pour raison de sécurité. Les deux filles sautent alors dans un bos­quet et courent vers la côte sud.

Elles escaladent des rochers et se retrouvent au sommet d'une falaise en à-pic.

— Qu'est-ce qu'on fait maintenant? demande Ariane avec inquiétude.

— Il faut sauter dans la mer, annonce Lucrèce. De ce côté cela me semble plus facile, nous éviterons aisément les rochers. Mais il faut nous lancer bien en avant pour éviter les petits récifs qui affleurent et qui risquent de nous blesser.

Les deux filles se penchent et contemplent, vingt mètres plus bas, la mer qui vient s'écraser avec fracas contre la den­telle de pierre.

— J'ai le vertige. Je n'arriverai jamais à sauter.

— J'ai le vertige aussi, si ça peut vous rassurer. C'est tout dans la tête. Ne regardez pas en bas et sautez sans réfléchir.

Ariane et Lucrèce s'apprêtent à sauter mais soudain un haut-parleur ordonne, de l'intérieur d'un nain de jardin proche:

— Ariane, reviens! Si tu ne rentres pas immédiatement tu n'auras jamais accès à l'Ultime Secret!

La jeune femme est piquée au vif.

— C'est quoi l'Ultime Secret? demande Lucrèce.

— C'est la Récompense Absolue, répond l'autre avec anxiété.

— Reviens, Ariane, et ramène «l'invitée».

Ariane semble bouleversée.

— La Récompense Absolue... Peux-tu être plus explicite?

— Il y a quelque chose qui s'appelle l'Ultime Secret et qu'on dit être la plus belle chose du monde. C'est plus fort que tout. Plus fort que toutes les motivations, plus fort que toutes les ambitions, plus fort que toutes les drogues. C'est le nirvana. C'est l'expérience qui transcende tout.

Ariane parle comme si elle n'était plus maîtresse d'elle-même. Dans son esprit tout est de plus en plus confus. Elle considère différemment sa compagne.

Autour d'elles des malades surgissent pour les attraper. A leur tête il y a les paranoïaques et surtout Pierrot.

Comprenant qu'il s'est fait berner par la journaliste, il lui en veut d'autant plus.

—Empare-toi d'elle, Ariane! Si tu veux un jour avoir accès a l'Ultime Secret, arrête-la! crie-t-il dans le haut-parleur.

Un tic déforme la bouche d'Ariane.

Lucrèce a un élan pour se jeter dans la mer, mais Ariane la retient par le poignet.

La journaliste tire mais la prise de la cyclothymique est solide.

— Lâche-moi, Ariane!

L'autre lui répond d'une voix bizarre:

— Aujourd'hui j'ai lu mon horoscope dans le journal. Il était écrit: «Ne laissez pas tomber vos amis.»

Les fous et les infirmiers se rapprochent de plus en plus.

Lucrèce n'a plus le choix. Elle mord de toutes ses dents le bras d'Ariane qui lâche prise.

Enfin libre, elle subit la loi de l'attraction terrestre qui l'attire très rapidement vers le bas. Elle ferme les yeux, entend l'air siffler autour de ses oreilles.

91.

Freud dérapa, glissa et tomba dans l'eau.

92.

Ariane se penche pour distinguer ce qui se passe en bas. Elle se mord la lèvre inférieure.

— J'aurais peut-être pas dû la laisser tomber, j'aurais pas dû..., soupire-t-elle.

— Te tourmente pas, elle va remonter.

Les malades et les infirmiers attendent mais Lucrèce ne réapparaît pas.

— A cette hauteur, elle s'est sûrement empalée sur une pointe rocheuse, c'est pour cela que rien ne remonte à la surface, estime un aide-soignant.

Ariane grimace.

— J'aurais pas dû, j'aurais pas dû...

Tous se penchent, guettent la surface des flots mais ceux-ci sont trop secoués par les vagues pour qu'on distingue par transparence un corps enfoncé dans les rochers. Pierrot ne manifeste aucun signe de pitié.

— Bien fait, dit-il. Elle s'apprêtait à tout révéler dans la presse.

Ariane persiste à croire à la survie de sa compagne d'éva­sion. Elle continue à scruter la surface de la mer tandis que les autres malades se retirent les uns après les autres pour reprendre leur activité.

— Allez, viens, lui dit Pierrot.

Ariane hésite, puis le suit.

93.

«Ça sait nager, les souris? »

La souris suffoqua, se débattit. Elle s'enfonçait dans l'eau à force de s'agiter de manière inefficace.

Samuel Fincher et Jean-Louis Martin hésitaient à interve­nir: c'aurait été fausser l'expérience.

94.

La surface des flots est déserte. Le ressac des vagues contre les rochers affleurants ne cesse pas. Un morceau d'étoffe pourpre taché de sang s'échoue sur la plage.

95.

Freud finit par remonter. La souris vit le levier au loin, se calma, trouva une méthode pour nager. Elle arriva dans une zone où elle fut obligée de s'engouffrer dans un tunnel sous l'eau pour continuer en avant. Freud, qui, il y a encore quel­ques minutes à peine, n'avait encore jamais vu d'eau et igno­rait qu'elle pouvait même nager, fonça en apnée et s'engagea dans le tunnel.

98.

Ariane, par acquit de conscience, revient sur la falaise d'où a chu la journaliste. Elle aperçoit l'étoffe ensanglantée.

Elle reste immobile à fixer la surface de l'eau. Des crabes en dessous filent comme pour rejoindre un festin.

Tout ce qui peut aller mal va mal. Quoi que je fasse je me trompe. Il n'y a que dans les films que les gens finissent par rejaillir des eaux.

La Méditerranée s'agite et son remous devient assourdis­sant. Ariane fixe encore la surface mais soudain un épais brouillard marin poussé par les vents envahit tout. L'air devient opaque. De son promontoire, Ariane ne voit même plus la surface de l'eau recouverte d'un gris cotonneux. Elle respire, soupire, hésite à plonger elle aussi, mais la sonnerie annonçant que le petit déjeuner va être servi dans le réfectoire la retient.

97.

Freud nagea souplement dans le tunnel transparent aquati­que. Elle s'aida de sa longue queue rosé pour se propulser dans cet élément finalement moins hostile qu'elle ne le préju­geait. La seule gêne était qu'elle ne pouvait plus utiliser ses récepteurs olfactifs et que, du coup, elle se sentait handicapée de son sens principal.

Mais à travers l'eau elle ne perdait pas de vue l'objectif: le levier enchanté qui la narguait au loin.

98.

Un nez affleure la surface. Lucrèce, cachée dans un creux protégé par les rochers, respire en ne laissant dépasser que ses narines.

Dans ces moments-là, se dit-elle, j'aimerais avoir un nez plus long pour faire périscope.

Ses longs cheveux roux affleurent autour d'elle comme des algues. A travers l'eau, elle distingue Ariane qui s'en va.

Ah, toi, je t'en ficherais, des horoscopes! Quoique se faire balancer par une balance... finalement j'aurais dû me méfier.

Profitant du brouillard qui s'abat maintenant au ras des flots comme une nappe de coton, la journaliste nage vers l'île Saint-Honorat.

Par chance, les deux îles sont suffisamment proches pour qu’on puisse franchir le bras de mer. Pierrot avait raison.

99.

La souris Freud nageait.

100.

Enfin elle touche la deuxième des îles de Lérins: l'île Saint-Honorat.

Elle sort toute ruisselante sur la plage, naïade déterminée sortant de la brume. Dans sa chute elle a été éraflée par des rochers pointus et sa cuisse gauche est marquée d'une balafre.

Une habitation se présente au-dessus des vignes et des oliviers. Elle s'achemine dans cette direction. A l'intérieur elle découvre une distillerie dont la porte est surmontée d'un écusson vert avec, en armoiries, deux feuilles de palmiers entourant une mitre d'évêque. «Abbaye de Lérins. Liqueur Lerina», est-il inscrit en caractères gothiques. Plus loin: CONGRÉGATION CISTERCIENNE DE L'IMMACULÉE CONCEPTION.

A cette heure l'endroit est vide, elle ressort et repère le vieux monastère. On dirait une mission espagnole comme on en trouve au Mexique.

Murs blancs, hauts palmiers, tuiles rouges et, surmontant le tout, la tour pointue de l'église. Il est encore tôt, et pour l'instant tout est silencieux. Elle s'aventure dans la chapelle où prient une trentaine de moines, en soutane blanche recouverte d'un plastron noir, le crâne tonsuré. Tous sont age­nouillés.

Le plus âgé aperçoit la jeune femme égarée et interrompt sa prière. Tous les moines se retournent alors d'un coup, comme mus par un commandement télépathique collectif, et la dévisagent avec stupéfaction.

— Aidez-moi. Aidez-moi, dit-elle, je dois rejoindre au plus vite le port de Cannes.

Pas de réaction.

— Je vous demande assistance.

Un moine de petite taille pose un doigt sur sa bouche pour lui intimer le silence.

Plusieurs frères l'entourent et, sans un mot, la saisissent par les coudes et la tirent hors de la chapelle. Le petit moine saisit une ardoise et une craie et inscrit:

«Nous avons fait vœu de silence et vœu de chasteté. Donc pas de bruit et pas de femme ici.»

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