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L'Ultime Secret.doc
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19.08.2019
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Ils contemplèrent le plan comme s'il s'agissait d'une for­mule magique.

— C'est dans le corps calleux! Le corps calleux est le cer­veau le plus ancien. C'est le premier organisme du système nerveux, et il enregistre toutes les expériences de la naissance à deux ans. Après, des couches de cerveau s'ajoutent et se plaquent dessus. Chaque couche apporte un niveau de complexité, mais le plus important est caché au plus profond de nous... Tu avais raison, Jean-Louis.

Samuel Fincher avait effectué durant sa période d'études de petites opérations chirurgicales. Il sélectionna donc une souris, une capucine à tête noire et corps blanc, une espèce très débrouillarde utilisée normalement pour les numéros de cirque. Il fixa avec des lanières de caoutchouc la souris sur un support de liège, les pattes en croix.

Le neuropsychiatre lui rasa le haut du crâne puis prit quel­ques mesures avec une règle millimétrée et les inscrivit au feutre sur sa peau. Il anesthésia la souris afin que l'opération ne la traumatise pas et ne change pas les données. Il installa ensuite une caméra vidéo pour que le malade du LIS suive à distance le déroulement de l'expérience.

Il prit une scie circulaire osseuse et découpa finement le haut de la calotte crânienne de l'animal, comme s'il s'agissait du sommet d'un œuf coque. Le cerveau palpitant apparut sous l'éclairage des lampes. Lobotomie.

— Tu m'entends, Jean-Louis?

«Oui, je t'entends, Samuel», s'inscrivit sur l'écran fixé au-dessus de la caméra.

— Tu vois?

«Oui. Je dois t'avouer que je ne suis pas habitué à voir ça et je trouve cela un peu répugnant. Mais je pense que je suis de toute façon incapable de vomir.»

Samuel Fincher s'était accoutumé à parler à cette caméra avec écran comme s'il s'agissait de son ami en chair et en os.

— Maintenant tu fais partie de notre confrérie, cher col­lègue.

L'objectif zooma sur la souris.

«Tu es sûr que tu ne vas pas la tuer?» s'inscrivit sur l'écran,

Le docteur Fincher vérifia les données médicales.

— Le pouls est bon et toutes les fonctions vitales semblent correctes.

«J'ai le trac.»

La souris capucine avait une allure un peu étrange, avec son cerveau à l'aîr.

— C'est toi qui as eu l'idée, Jean-Louis.

«De toute façon, l'enjeu est suffisamment important pour que nous tentions le coup...»

Samuel Fincher approcha alors ses instruments du cerveau à vif.

Jean-Louis Martin suivait avec avidité le déroulement de l'événement.

Cela lui rappelait une autre expérience neurologique qu'il avait observée sur le Net, effectuée sur des souris par l'équipe du professeur Weissman de l'Université de Stanford. Ils avaient greffé dans leurs cerveaux des neurones provenant de cellules souches d'embryons humains. Les neurones humains, plus dynamiques du fait de leur jeunesse, avaient envahi les zones occupées par les neurones de souris, si bien que ces souris avaient proprement été dotées d'une cervelle humaine que les savants comptaient ponctionner pour aider les mala­des atteints de la maladie d'Alzheimer ou de Parkinson.

Le malade du LIS essaya d'imaginer une souris avec un cerveau humain. Certes elle avait été nantie d'une réserve de cellules nerveuses fraîches, mais c'était quand même un être avec le potentiel d'une pensée humaine.

Il eut soudain un vertige, la science-fiction était dépassée par la réalité. A l'aube du troisième millénaire, tout devenait vraiment possible; donner un cerveau humain à des souris ou toucher à l'Ultime Secret.

Le monde est en train de changer, une simple idée surgissant d'un imaginaire peut se révéler plus terrible qu'une bombe atomique. Il n'y a plus de morale, il n'y a que des expériences. Et qui osera évoquer le statut des souris au «cerveau humanisé»?

Il observe la souris en croix et cela lui rappelle l'œuvre de Salvador Dali: Le Christ observé par son père.

Nous sommes tout-puissants. Il va nous falloir davantage de conscience pour mesurer la portée de nos actes. Sommes-nous prêts?

Samuel Fincher est lui tellement concentré sur ses gestes qu'il ne se pose aucune question. Il a comme seul souci de réussir l'opération et que la souris se réveille indemne.

64.

Après avoir bâti son lieu de vie idéal, Lucrèce dresse l'in­ventaire de ses ex pour choisir le compagnon idéal. Mais ils avaient tous de bonnes raisons d'être devenus des ex. Elle change de registre et passe en revue ses acteurs préférés.

Non, ils seront narcissiques et exigeront que je les admire.

Elle décide de changer ses critères de sélection.

Il faudrait qu'il me fasse rire. Oui, un homme d'esprit. C'est bien.

Alors elle imagina l'homme sonnant à la porte d'entrée de son château avec un bouquet de fleurs et une bouteille de Champagne. Elle lui faisait visiter son antre et commentait les lieux, avec des précisions sur des œuvres d'art célèbres qu'elle faisait surgir à volonté sur les murs de rocaille. Son bien-aimé allumait ensuite sans difficulté un feu dans la cheminée, déclenchait une musique douce, et versait son Champagne dans des coupes de cristal de Bohême.

65.

La souris se réveilla deux heures plus tard.

— Je crois que nous avons réussi.

L'opération achevée, le neuropsychiatre replaça à la manière d'un couvercle la calotte crânienne, l'agglomérant avec une nouvelle glu chirurgicale qui permettait de recoller les os.

Une prise électrique sortait à présent du sommet du crâne du rongeur, lui donnant l'allure d'un musicien cyberpunk.

Tous ses sens semblaient parfaitement fonctionner. Elle était capable de courir, ses yeux suivaient les objets qui pas­saient devant elle. Elle savait se défendre contre l'attaque d'un stylo avec ses pattes. Comme, à bien y regarder, des poils blancs sur sa tête noire formaient une barbe évocatrice, Samuel Fincher et Jean-Louis Martin décidèrent de la bapti­ser «Freud».

Il ne restait plus qu'à tester le levier. Le neuropsychiatre brancha un fil électrique sur la prise et il envoya une faible décharge. Après un instant d'immobilisation surprise, Freud parut nerveuse. Elle agita sa patte droite fébrilement.

«Elle souffre?»

— Je ne sais pas. Elle a l'air plutôt étonnée par cette sen­sation.

«Comment savoir si elle aime ou si elle n'aime pas?»

Le plus simple était encore de lui confier le levier. Samuel Fincher en disposa un face aux pattes du rongeur et relia les fils à la pile électrique. Freud vint le renifler avec méfiance, mais n'y toucha pas. Alors l'humain, avec deux doigts, activa le levier pour lui en montrer l'effet.

La souris se figea, comme électrocutée. Elle avait compris.

«Ça lui a fait mal?»

Dès que les deux doigts humains lui laissèrent le champ libre, elle empoigna à pleines pattes le levier et le descendit. Elle obtint ainsi une décharge. Elle releva l'appareil et s'en administra aussitôt une seconde. Puis une troisième.

— On dirait qu'elle aime, commenta le neuropsychiatre.

La souris n'arrêtait plus de descendre et de relever le levier avec frénésie. On aurait dit qu'elle pompait l'eau d'un puits pour en faire remonter un élixir qu'elle seule percevait.

66.

Petite musique douce. Il lui masse les épaules. Il la caresse. Puis elle l'invite à poursuivre leurs ébats dans sa chambre.

67.

Samuel Fincher introduisit Freud dans une cage à deux sorties. D'un côté, le levier qui stimule l'Ultime Secret. De l'autre, une femelle en chaleur.

68.

Ils sont sur le lit.

Lucrèce sent ses doigts timides effleurer son épiderme. Penser sentir ou sentir vraiment stimule exactement les mêmes zones dans son cerveau. Ensuite son invité la désha­bille très lentement, dévoilant ses dessous en dentelle bleu marine.

69.

Elle montra ses fesses rendues écarlates par le désir. Ses glandes sudoripares lâchèrent un cocktail de phéromones sexuelles aux relents opiacés.

Freud renifla en direction de la femelle, il la regarda. Celle-ci se dandinait et couinait, conviant ce jeune mâle à des ébats prometteurs.

70.

Très lentement, il saupoudre son corps de petits baisers en lui murmurant des « je t'aime » dans le pavillon de l'oreille.

71.

Freud regardait la femelle souris qui adoptait maintenant des positions suggestives. Il agita ses oreilles rondes et son museau proéminent capable de déceler les phéromones. Les moustaches frémirent.

Je ne sais pas ce que c'est mais c'est intéressant, se dit Freud.

Il repéra au fond de l'autre passage le levier.

Quant à ça, ça a l'air encore plus intéressant.

72.

Alors qu'elle est nue, son invité soulève la couette et ils s'y blottissent tous deux comme sous une hutte. Ses caresses se concentrent sur ses zones érogènes, ni trop vite ni trop lente­ment. Elle l'embrasse goulûment, le déshabille rapidement et se serre fort contre son corps. Elle sent sa chair palpiter contre la sienne.

73.

Freud n'hésita pas une fraction de seconde et fonça vers le levier. La femelle, furieuse, lui lança des invectives en langage souris. Mais Freud n'en eut cure. Pour lui, rien n'égalait l'in­térêt qu'il portait au levier.

74.

Elle observe son invité et le juge un peu niais. Elle réfléchit.

Mmmhh... Non, ce genre de gentil toutou, ça me lassera vite.

Aussitôt il disparaît.

Alors qu'est-ce qu'il me faut? Un réalisateur de cinéma. Quelqu'un qui invente des mises en scène pour me surprendre. J'aurais l'impression d'être dans un film ou dans un roman dont je serais l'héroïne.

Elle fait apparaître un metteur en scène qui aussitôt instaure un décor, des lumières, des costumes. Les dialogues deviennent plus subtils, les gestes sont chorégraphiés. A nou­veau des amants nus sur son lit. Quelques bougies, de l'en­cens, la musique souligne chaque événement. Avec les miroirs que le metteur en scène dispose instantanément, Lucrèce pro­fite de plusieurs angles de vue sur elle-même et son parte­naire.

Bof. Il finira par me lasser aussi.

Soudain elle constate que les hommes ne sont décidément pas à sa hauteur.

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