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L'Ultime Secret.doc
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Il découvrit également sur le site qu'un Américain du nom de Wallace Cunningham, souffrant des mêmes symptômes que lui, avait reçu un traitement nouveau.

Dès 1998, les neurologues Philip Kennedy et l'informati­cienne Mélodie Moore de l'université Emory avaient implanté dans son cortex des électrodes capables d'enregistrer les signaux électriques du cerveau et de les transformer en ondes radio elles-mêmes convertibles en langage informati­que. Ainsi, rien qu'en pensant, Wallace Cunningham diri­geait un ordinateur et communiquait avec le monde entier.

A sa grande surprise, Martin constata que, grâce à ses implants cérébraux, la frappe de l'Américain était fluide et qu'il écrivait pratiquement à la vitesse de la parole.

Le LIS français et le LIS américain dialoguèrent en anglais.

Mais dès qu'il lui signala qu'il était atteint de la même maladie que lui, Wallace Cunningham lui répondit qu'il ne voulait plus poursuivre cette conversation. En fait, il recon­nut qu'il ne souhaitait plus parler qu'à des bien-portants. Il considérait que là résidait l'avantage d'Internet: on n'y était plus jugé sur son apparence. Il souhaitait surtout ne pas créer un village virtuel d'handicapés. «D'ailleurs, votre pseudo­nyme, le Légume, est révélateur. Il montre l'image que vous avez de vous-même. Moi je me fais appeler Superman!...»

Jean-Louis Martin ne trouva rien à répondre. Il réalisa soudainement qu'il n'existait pas que les prisons physiques mais aussi les prisons des préjugés. Au moins, Cunningham lui avait fait prendre conscience de ses limites.

Il en parla avec Fincher. Son œil preste se mit à courir sur l'écran pour désigner les lettres de l'alphabet qui allaient lui servir à composer des mots.

«J'ai l'impression que notre pensée n'est jamais libre», écrivit-il.

— Qu'entendez-vous par là? demanda le neuropsychiatre.

«Je ne suis pas libre. Je m'autodévalue. Nous fonctionnons avec un système de préjugés. Nous entretenons des idées pré­conçues sur le réel et nous nous débrouillons pour que le réel confirme ces idées. J'avais commencé à en parler dans mon livre mais je ne suis pas allé assez loin.»

— Allez-y maintenant, ça m'intéresse.

Patiemment, Fincher attendait que Martin développe sa pensée. Les phrases étaient longues à venir.

«L'école, nos parents, notre entourage nous forgent des grilles de lecture préconçues du monde. Nous regardons tout à travers ces prismes déformants. Résultat: personne ne voit ce qui se passe vraiment. Nous ne voyons que ce que nous avons envie de voir au préalable. Nous réécrivons sans cesse le monde pour qu'il confirme nos préjugés. L'observateur modifie ce qu'il observe.» La remarque amusa le neuropsy­chiatre qui l'observa différemment.

«Pour moi, être malade est une défaite. Pour moi, être handicapé est une honte. Quand je communique avec les autres, je leur demande inconsciemment de me le rappeler. Je ne peux pas m'en empêcher.»

Le savant était impressionné par l'efficacité de Jean-Louis Martin. Il tapait maintenant presque aussi vite qu'une secré­taire. Il était à peine en dessous de la vitesse d'élocution nor­male. La fonction crée l'organe. Le temps passé à écrire ses livres ne lui avait pas donné la gloire littéraire mais lui avait apporté une vivacité étonnante.

— En prendre conscience, c'est déjà commencer à se libérer de ses préjugés, répondit-il.

«En fait, nous ne laissons pas le réel exister. Nous arrivons avec des croyances et, si le réel les contredit, nous nous débrouillons pour le comprendre de travers. Par exemple, si je suis persuadé que les gens vont me repousser parce qu'ils s'apercevront que je suis handicapé et qu'ils ne me repoussent pas, je me mettrai à interpréter de travers la moindre de leur allusion pour pouvoir dire: «Vous voyez, ils me repoussent parce que je suis handicapé.»

— C'est le principe de la paranoïa. La peur fabrique le danger.

Samuel Fincher essuya la bave qui coulait derechef.

«C'est pire que ça. Nous agressons le réel. Nous inventons en permanence une réalité confortable rien que pour nous, et si cette réalité ne s'accorde pas à celle des autres nous nions celle des autres!»

L'œil de Jean-Louis Martin exprimait la colère ou bien l'enthousiasme, nul n'aurait pu trancher. «Je crois que nous sommes tous fous, docteur. Car nous déformons le réel et nous sommes incapables de l'accepter tel qu'il est. Les gens qui paraissent les plus sympathiques aux autres sont ceux qui sont les plus aptes à dissimuler leur perception du réel pour donner l'impression qu'ils acceptent celle des autres. Si nous révélions tous ce que nous pensons vraiment nous ne ferions que nous disputer.»

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