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L'Ultime Secret.doc
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19.08.2019
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Il se rappelait que, avant lui, Léonard de Vinci, Rabelais ou Diderot avaient eu pour ambition de connaître toutes les sciences de leur époque. Jean-Louis Martin se découvrait la même ambition.

La science, plus que toutes les autres formes d'expression de l'intelligence humaine, était en renouvellement permanent et connaissait une évolution exponentielle, tel un train emballé n'arrêtant jamais d'accélérer. Plus personne ne pou­vait le rattraper. Et Jean-Louis Martin avait le privilège d'avoir le temps de suivre tous les épisodes de ses progrès.

Evidemment, il se passionnait plus particulièrement pour tout ce qui avait trait au cerveau et au système nerveux.

Dès lors, son choix fixé, il voulut comprendre les méca­nismes profonds de la pensée. Quand il entendait un scienti­fique expliquer ses recherches, il se posait toujours la même question: «Qu'est-ce qui se passe vraiment dans son propre cerveau? Qu'est-ce qui le pousse à agir?»

37.

Qu'est-ce qui nous pousse à agir?

Acte II

TEMPÊTE SOUS UN CRÂNE

38.

Le vent.

Le mistral souffle dans les oliviers et pousse une neige jaune de flocons de mimosas. Semblables à des punching-balls, les cyprès se courbent puis reviennent narguer les bourrasques. Le ciel bleu marine est parcouru de nuages zébrés de tramées grises et violettes. Le soleil décide de se cacher définitivement derrière la mer alors que la Guzzi se gare devant une majestueuse villa du Cap-d’Antibes. A travers la grille d'entrée on peut distinguer la demeure. Conçue à la façon d'un vaisseau, cette maison tout en marbre noir est décorée de colonnes corinthiennes et de cariatides d'albâtre. Dans le parc, ceint d'un haut mur, quelques statues grecques semblant sorties d'une épave sous-marine surveillent les allées et venues. Sur la sonnette qui jouxte la grille s'inscrivent sobrement les deux noms: Fincher-Andersen.

Lucrèce Nemrod appuie sur la touche. Aucune réponse. Elle insiste plusieurs fois.

— Ma mère me disait toujours: «Un, s'informer. Deux, réfléchir. Trois, agir.» Commençons par examiner les lieux, annonce Isidore Katzenberg.

Ils font le tour de la propriété. Ils ne découvrent aucun passage, mais aperçoivent dans un angle un muret plus bas.

Lucrèce grimpe dessus. Une fois en haut, elle aide son comparse, qui se hisse avec beaucoup plus de difficultés.

Ils traversent le parc sans encombre. Aucune alarme ne se déclenche. Aucun chien ne se précipite à leurs basques. Les statues ne bronchent pas mais semblent les regarder.

Lucrèce toque en vain à la porte, puis revient sur ses pas, exhibe un rossignol et commence à travailler la serrure. Laquelle finit par céder. Les deux journalistes avancent prudemment, allument leur lampe-torche et en balayent l'entrée.

— Ma mère me disait de me comporter ainsi parce que je faisais souvent le contraire. D'abord j'agissais. D'où une catastrophe. Puis je réfléchissais: comment la cacher? Puis je m'informais des possibilités de la réparer.

Lucrèce récupère alors de justesse en plein vol une statuette de porcelaine que son compagnon a bousculée par mégarde. Ils éclairent le couloir, qui mène à un petit salon. Des tableaux sont pendus aux murs, tous signés du même artiste.

— Dites donc, il aimait bien Salvador Dali, notre neuropsychiatre.

— Moi aussi j'aime bien Dali, dit Isidore, c'est un génie.

L'appartement de Fincher est immense. Ils traversent le salon aperçu aux actualités télévisées, le jour de son décès. Ils découvrent une armoire à vins contenant des bouteilles d’une valeur inestimable. Une cave à cigares. Une vitrine pleine de cendriers piochés dans les palaces du monde entier.

— Vins précieux, cigares, grands hôtels, votre saint laïque et sa copine savaient vivre! remarque Lucrèce.

Ils passent dans une autre pièce. Celle-ci est consacrée aux jeux. Il y a encore des copies de tableaux de Dali mais, cette fois, il s'agit de tableaux centrés sur le thème des illusions optiques. Leur titre et leur année de création sont gravés des­sous sur des plaques de cuivre: Le Grand Paranoïaque, une huile sur toile de 1936 où, si l'on regarde bien, un visage étrange apparaît progressivement parmi la foule; L'énigme sans fin, une huile sur toile de 1938 où un chien et un cheval figurent au milieu d'un lac; Le Visage de Mae West, utilisé comme appartement surréaliste, une gouache de 1935. Sur des étagères, toutes sortes de casse-tête chinois, et de jeux d'esprit. A côté, la bibliothèque. A gauche: des rayonnages consa­crés aux grands explorateurs. Livres illustrés, video discs, sculptures. A droite: un coin voué à la Grèce antique. Le centre est entièrement réservé aux livres sur le thème d'Ulysse. Des analyses symboliques de L'Odyssée, l’Ulysse de James Joyce, une carte représentant le trajet probable du marin grec.

— Ulysse, encore Ulysse, vous croyez que cette obsession pourrait constituer un indice?

— Peut-être, mais nous aurions alors trop de suspects: le Cyclope, les Lestrygons, Calypso, Circé, les sirènes...

— ... sans parler de Pénélope.

Ils gravissent l'escalier et débouchent dans une quatrième pièce tendue celle-ci de velours rouge, avec au centre un lit rond à baldaquin recouvert de draps chiffonnés et de dizaines de coussins. Il y a un miroir au-dessus du lit.

— C'est la chambre à coucher?

Ils entrent avec précaution.

Lucrèce ouvre un placard et découvre plusieurs ensembles de lingerie coquine ainsi que, dans des tiroirs, une collection d’objets destinés à des fantasmes sexuels compliqués.

— La septième motivation avait l'air de beaucoup les préoccuper, plaisante Lucrèce en tripotant un gadget articulé dont elle ne comprend pas bien l'usage.

Elle se penche ensuite sur des chaussures à talons stylets.

— Ça m'irait?

— Un rien vous habille, Lucrèce.

Elle fait la moue.

— Non, je suis trop petite.

— Vous faites des complexes.

— Sur ma taille oui.

Isidore s'empare d'un album de photos. Lucrèce vient les regarder par-dessus son épaule.

— La Thénardier voulait des photos d'Andersen toute nue chuchote-t-elle, là elle est carrément en corset ou en tenue latex. On n'a qu'à ramener ça. En couverture, ça pourrait faire un tabac.

— Ce serait du vol, Lucrèce.

— Et alors? J'étais cambrioleuse avant d'être journaliste.

— Moi j'étais policier avant d'être journaliste. Je ne vous laisserai pas les emporter.

Ils remarquent des clichés d'une fête avec toujours les mêmes personnes et, au-dessus, un sigle: CIEL.

— Le CIEL? Vous en avez déjà entendu parler?

— Ce doit être une association locale. Voyez plus loin l'appellation en clair: Club International des Epicuriens et Libertins.

Isidore poursuit son examen. Sur plusieurs photos, Natacha Andersen et Samuel Fincher posent à l'occasion de festi­vités du CIEL.

— Ça paraît un truc de sexe, un club échangiste ou quelque chose comme ça. Ah, décidément la septième motivation est puissante.

— Et vous, Lucrèce, qu'est-ce qui vous motive? demande à brûle-pourpoint Isidore.

Elle ne répond pas.

Une sonnerie stridente les fait sursauter. Un téléphone. Les deux journalistes ne bougent pas. A côté d'eux, un autre bruit. Comme des draps qu'on remue. Ils n'avaient pas remarqué que, sous le tas de draps et de coussins empilés sur le lit, il y avait un corps.

Natacha Andersen se réveille. Eux se précipitent derrière la porte. Le top model maugrée et presse deux coussins contre sa tête pour ne plus entendre la sonnerie. Le téléphone conti­nue cependant de retentir. La jeune femme se résigne à se lever.

— Dormir. J'aimerais tant dormir. Tout oublier. Ne plus avoir de mémoire. Dormir. On ne peut pas me laisser dor­mir! Bon sang!

Elle enfile un peignoir de soie et se dirige en traînant les pîeds vers le téléphone. Elle ôte les boules Quiès de ses oreil­les et serre le combiné contre sa joue. Le temps qu'elle décroche, la sonnerie s’est arrêtée.

— Un, s'informer. Deux, réfléchir. Trois, agir, disiez-vous? On ne s'est pas assez informés, chuchote Lucrèce.

— Elle a dû avaler des tranquillisants pour récupérer. Regardez, il y a tout un assortiment de tubes sur la table de chevet.

Les journalistes se réfugient dans la penderie. Natacha Andersen passe devant eux en bougonnant, et se considère dans le miroir.

— Miroir, mon bon miroir, dis-moi si je suis toujours la plus belle?

Elle éclate d'un rire nerveux et se dirige vers la salle de bains. Elle ouvre les robinets de la baignoire, déverse du gel moussant, puis empile ses cheveux en chignon sur sa tête. Elle se déshabille et aventure un orteil dans l'eau pour en vérifier la température. Trop chaude. Elle grimace et augmente le débit d'eau froide. En attendant, elle prend des poses devant le miroir.

Natacha Andersen, nue, effectue quelques torsions avec son corps comme pour en éprouver la souplesse, puis elle se penche vers la glace et se masse le visage. Enfin elle examine ses fesses pour vérifier qu'elle n'a toujours pas de cellulite, remonte un peu ses seins en imaginant l'effet qu'ils feront avec son nouveau soutien-gorge.

— Je pensais que votre motivation principale était de résoudre les énigmes, murmure Lucrèce.

— Une motivation n'en empêche pas une autre.

Là-bas, Natacha Andersen se baisse encore pour tester l'eau du bain et, trouvant la température à son goût, elle s'y allonge. Elle saisit sur une tablette un grand couteau aiguisé. Isidore est sur le point d'intervenir. Mais la jeune femme ne se sert de son arme que pour découper des tranches fines de concombre qu'elle dépose négligemment sur ses joues et ses yeux.

— Filons, dit Lucrèce.

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