Pauses et situation de communication

L'organisation temporelle de l'énoncé et du discours est largement influencée par la situation de communication, c'est à dire par le cadre où se déroule l'acte de communication, par l'objectif auquel il répond, par les caractéristiques physiques, psychologiques et sociales du locuteur et de l'auditeur (ou du public), et par les relations qui lient les participants (Hymes, 1972). La pause qui est un élément fondamental de l'organisation temporelle subit l'effet des différentes variables situationnelles. Elle peut donc avoir une fonction stylistique et apporter des informations précieuses sur la situation de communicatio

Si certaines des pauses ont une fonction syntaxique prédominante, d'autres ont une fonction illocutoire indiscutable. Ces pauses à. fonction illocutoire peuvent être localisées à l'intérieur d'un syntagme, elles sont alors inattendues et donnent au mot qu'elles précèdent son poids sémantique maximum. Elles peuvent être en frontière de syntagme et avoir une durée très longues (aux environs de 2000 ms) : elles attirent alors l'attention sur le syntagme et l'argument à venir. Une utilisation spécifique des pauses semble donc une caractéristique de messages publics à fonction impressive, et va souvent de pair avec des écarts mélodiques élevés.

Incontestablement, les variables temporelles sont l'une des caractéristiques des différents types de parole. Elles permettent de distinguer les messages produits en public des messages produits en privé, de définir l'objectif du message (informer, persuader...) et d'évaluer le statut social et la distance physique qui sépare les participants. Elles répondent également aux stratégies propres au locuteur et peuvent être utilisées pour symboliser une distance sociale. Associées à des phénomènes d'hésitation, les pauses silencieuses peuvent être produites pour donner une impression de proximité. En revanche des pauses longues distribuées aux frontières de syntagmes et associées à une vitesse d'élocution lente, peuvent dans certains types de messages publics tels que les discours présidentiels refléter la place du politicien dans la hiérarchie sociale. Plus élevé est le statut de l'orateur, plus longues et plus fréquentes sont les pauses : le silence devient alors symbole de pouvoir (Duez, 1994).

Les pauses silencieuses peuvent aussi mettre en évidence la personnalité et le caractère du locuteur. Par exemple, Murray (1971) et Rochester (1973) observent une proportion plus basse de pauses chez les personnes très anxieuses que chez les personnes peu anxieuses. Siegman (1978) trouve des pauses plus longues chez les personnes anxieuses. Siegman et Pope (1965) relèvent des

pauses silencieuses plus rares et plus brèves chez les personnes extraverties que chez les personnes introverties. Les pauses peuvent refléter différents niveaux d'information : activités cognitives différentes, états émotionnels et physiques passagers (Winkworth, et al. 1995), facteurs psychosociaux et différences interculturelles (Scherer, 1979).