Добавил:
Upload Опубликованный материал нарушает ваши авторские права? Сообщите нам.
Вуз: Предмет: Файл:

Селях, Евчик - Теория фонетики

.doc
Скачиваний:
217
Добавлен:
04.03.2016
Размер:
548.35 Кб
Скачать

А. С. СЕЛЯХ H. С. ЕВЧИК

«РОНЕТИКА

«РРАНЦУЗСКОГО

ЯЗЫКА

(ТЕОРЕТИЧЕСКИЙ КУРС)

Допущено Мишнлерешом нысшг! о и срс i него специально! о образовании Ь(_ (-Р ч K;I>UM i не учебного пособии для стул'.мпоп iun-inis п.ч и факультетон нностран!*ых я'плкон

МИНСК

"ВЫ1П )Г',Н!АИ 1IIKO 1986

ББК 81. 2Фр-9 С 29

Аи professeur Kira Kiriakovna Barychnikova,

notre Maître bien vénéré,

cordial hommage

Рецензенты: кафедра французского языка Пятигорского госпединститута иностранных языков и канд. филол. наук Скупа с Л.-А.Ю. (Вильнюсский госуниверситет им. В.Капсукаса)

4602010000 -030 M 304 (05) — 86

© Издательство "Вышэйшая школа", 1986.

AVANT-PROPOS

Cet ouvrage est destiné aux étudiants des Universités et des Ecoles Supérieures se spécialisant dans la langue française. Il correspond au programme de phonétique théorique adopté par le Ministère de l'Instruction Publique en 1979 et tient compte des connaissances pratiques de phonétique française reçues par les étudiants lors des trois premières années d'études. Il peut également être utile aux professeurs de français ainsi qu'aux jeunes chercheurs qui voudraient s'initier aux problèmes de la phonétique.

Le but principal de ce manuel est d'exposer les éléments de la théorie phonétique du français moderne afin de développer la conscience linguistique de ceux qui s'en serviront.

Compte tenu du caractère théorique de l'ouvrage nous avons cru bon d'y exposer les opinions les plus diverses en adoptant en définitive celles qui paraissent plus justifiées et perspicaces dans le développement de la science phonétique. Les théories traditionnelles sont comparées aux résultats des recherches récentes des linguistes soviétiques et étrangers (N.Chigarevskaïa, N.Katagoscina, M.Gordina, G.Faure, P.Delattre, B.Malmberg, P.Léon et autres), et plus particulièrement de celles qui ont été effectuées au Laboratoire de Phonétique expérimentale de l'Institut des Langues Etrangères de Minsk sous la direction du professeur K.Barychnikova.

K.Barychnikova a été l'un des premiers phonéticiens soviétiques qui ont démontré l'existence d'un système prosodique aussi bien structuré que le système de phonèmes. Elle a également montré le rôle primordial de la prosodie dans la structuration de l'énoncé oral. La théorie de la segmentation prosodique de la chaîne parlée, des unités prosodiques, notamment des types d'unités accentuelles, constituants immédiats de la phrase, lui appartient aussi. Elle a largement contribué a la resolution des problèmes de la phonostylistique. La pensée théorique de K.Barychnikova, développée dans les travaux de ses disciples, a servi de base a l'exposé de tous ces problèmes.

Nous avons utilisé dans la transcription les signes de l'alphabet phone'-hque international. Le matériel illustratif (exemples, traces.d'intonation, spectrogrammes, schémas mélodiques, etc.) est tiré, à quelques exceptions près, des corpus expérimentaux réunis au Laboratoire de Phonétique expérimentale de l'Institut des Langues Etrangères de Minsk.

3

Le travail sur les chapitres du manuel est reparti de la favori suivante: Séliach A.; Niveau segmentai du système phonétique (Aspect fonctionnel); Niveau prosodique du système phonétique (Système mélodique; Système temporel); Orthoepie; Aspect phonostylistique.

Evtchik N.: Introduction; Niveau segmentai du système phonétique (Aspect articulatoire; Aspect acoustique); Niveau prosodique du système phonétique (Définition de la prosodie; Unités prosodiques; Système accentue!; Rythme).

Au leurs

INTRODUCTION

Olij I'. I DE L'ETUDE PHONETIQUE

On considère généralement la phonétique comme une science assez récente. En réalité', elle est aussi jeune et aussi vieille que la linguistique: toute étude linguistique du passé lointain, toutes les considérations des anciens grammairiens contiennent des aperçus d'ordre phonétique. La phonétique ainsi comprise est donc aussi ancienne que la réflexion menée par les hommes sur leur langue.

La naissance de la phonétique en tant que science se situe environ a la moitié du XIXe siècle grâce à la combinaison de deux facteurs essentiels: d'une part^ le développement d'une linguistique scientifique, historique et comparative, d'autre part, le progrès d'une technique spéciale à l'aide de laquelle l'étude scientifique des sons de la parole fut pour la première fois rendue possible.

Ce qui fait de la phonétique une science linguistique c'est qu'elle s'occupe de l'étude des éléments sonores du langage humain. Les autres phénomènes acoustiques — sons musicaux, bruits de la nature, toutes sortes de processus physiologiques dépourvus de fonction linguistique (bâillement, ronflement, etc.) ne font pas partie de son domaine. En même temps la phonétique occupe une place particulière parmi toutes les disciplines linguistiques (morphologie, syntaxe, lexicologie, etc.) car l'objet de l'étude phonétique ne se situe qu'au niveau de l'expression parlée.

Depuis la très longue période de son existence la phonétique était considérée comme la science qui étudie les sons du langage; même etymologiquement le mot "phonétique" signifie ''science des sons1'. Bien que les sons et leur fonctionnement dans le langage attirent toujours l'attention des phonéticiens, d'autres faits phoniques dénommes prosodiques, tels que les accents , la mélodie, le rythme, les caractéristiques temporelles, font actuellement l'objet de son étude.

Donc, la définition traditionnelle de la phonétique en tant que science qui étudie les sons du langage ne convient plus à l'immense champ de la phonétique actuelle. Cela étant, la phonétique peut e t r e désignée comme la science qui étudie le fonctionnement de tous les éléments constituant l'expression sonore: les sons, leurs combi-n a i s о n s et modifications, aussi bien que d i f f é" -rents facteurs prosodiques contribuant à la f о r-™ at io n de la parole.

ASPECTS DE LA PHONETIQUE

Tout acte de parole représente un processus complexe constitue' de plusieurs étapes:

— étape linguistique, qui se déclenche chez le locuteur par le choix des unités linguistiques, en particulier par le choix des moyens phoniques constituant les mots et les phrases;

— e tape de l'articulation, qui,grace aux mouvements des organes vocaux,donne naissance aux unités linguistiques choisies par le locuteur;

— é tape de la transmission de l'onde sonore (transmission acoustique), qui a pour source l'activite'des organes phonateurs, notamment des cordes vocales;

— étape del'auditionoude 1 a p e г с e p t i о n qui se déroule chez l'auditeur grâce à l'activité des mécanismes de perception;

— e'tape linguistique , qui conclut le circuit de la parole et se manifeste chez l'auditeur par la distinction des unités linguistiques émises par le locuteur.

La phonétique a par conséquent plusieurs aspects, reflétant différentes e'tapes de la communication orale:

1.Aspect de la production des unit es phonique s qui étudie le fonctionnement des organes phonateurs et articu-latoires du locuteur, c'est-à-dire le cote'physiologique de la parole, autrement il est désigné sous le nom de l'aspect physiologique ou celui de l'articulation.

2. Aspect de la transmission des ondes sonores, aspect acoustique qui étudie les structures acoustiques des unités phonétiques, issues des mouvements d'articulation. La structure acoustique des éléments sonores est formée par les modifications de la fréquence de ton, de l'énergie et de la durée,

3. Aspect auditif qui s'occupe de la perception par l'auditeur des ondes sonores produites au cours du message. C'est l'aspect de la phone'tique auquel on accorde aujourd'hui une importance particulière, car les études en phone'tique perceptive ont révélé le rôle indéniable de l'oreille dans la formation de la parole intelligible.

4. Aspect linguistique ou fonctionnel qui a pour but la définition du nombre et des relations mutuelles des unités phoniques ainsi que l'étude de leurs fonctions dans le langage. Ces unités fonctionnelles sont connues sous les termes de "phonème" et de "pro-sodèmes".

Les trois premiers aspects de la phonétique sont lies entre eux et leurs relations constituent l'objet de la substance de l'expression sonore, tandis que l'aspect linguistique prévoit l'étude de la forme de l'expression.

PHONÉTIQUE ET PHONOLOGIE

L'e'tude de la forme de l'expression sonore est appelée p h о n о 1 o-a i e. Certains linguistes préfèrent le terme "phonématique" ou parlent tout simplement de la phonétique fonctionnelle [82, p. 103, 111] .

Deux tendances reposent sur les divergences de conception concernant la théorie phonologique: celle qui considère la phonologie comme une science à part et celle qui la considère comme une branche de la phonétique.

Les phonologues (école de Prague formée par N.Troubetzkoy) se basant sur l'opposition saussurienne de la parole et de la langue, opposent aussi ces deux sciences: phonétique et phonologie. Cette idée de séparation nette de la phonétique et de la phonologie est empruntée, ainsi que le terme "phonème", au fondateur de la théorie du phonème B. de Courtenay.

Il est néanmoins évident que la phonétique et la phonologie ne sont pas deux sciences autonomes et indépendantes. "Ce fut une grave erreur de la part de l'école de Prague que de vouloir établir une séparation stricte entre la phonétique — science naturelle qui se sert de moyens instrumentaux — et la phonologie —sciencelinguistique" [82, p. 110] . Il vaut mieux parler de l'interdépendance de la phonétique et de la phonologie utilisant pourtant des méthodes d'analyse différentes. L'étude des faits physiologiques, acoustiques et perceptifs de la parole doit être poursuivie parallèlement à l'étude du système dès unités phonétiques et de leurs fonctions. La description de tout phénomène phonique (son, accent, mélodie, etc.) s'effectue alors sur deux plans: phonétique et phonologique. Les deux genres d'étude sont interdépendants, car la forme et la substance se conditionnent mutuellement. Par conséquent la majorité des linguistes estiment qu'il vaut mieux grouper ensemble ces deux disciplines (phonétique et phonologie) sous la dénomination générale traditionnelle de phonétique.

On distingue généralement deux niveaux d'analyse phonétique: segmentai et prosodique. Tout niveau est pre'-senté par ses propres unités qui diffèrent par leurs fonctions et les rapports mutuels. Le niveau segmentai est présenté par les sons dans leurs différentes combinaisons et modifications, le niveau prosodique — par les éléments phoniques qui affectent les syllabes, les unités accentuelles de hiérarchie différente et les phrases.

Chacun des niveaux, segmentai et prosodique, a u n s о u s-n i -veau phonologique .Le sous-niveau phonologique qui correspond au niveau segmentai est dénommé généralement phonémique °u phonématique, il prévoit l'étude de l'inventaire des unités minimales de la langue, des phonèmes, dans leurs oppositions et leur distribution. Le sous-niveau phonologique du niveau prosodique re-

présente par les unités significatives, prosodèmes, est dénomme' p г о -sodématiqu e. Les prosodèmes s'opposent par les structures de traits prosodiques pertinents. Par exemple, les structures prosodiques de la phrase interrogative peuvent être associées au prosodème d'interrogation et celles de la phrase affirmative — au prosodème d'affirmation.

BRANCHES DE LA PHONÉTIQUE

Comme toutes les sciences la phonétique est forcement multidiscip-linaire. Elle comporte plusieurs branches:

— phonétique historique, étude de l'évolution du système phonique d'une langue à travers les âges;

— phonétique gène'raie, étude des conditions générales de la formation et du fonctionnement des éléments phoniques du langage indépendamment des langues concrètes;

— phonétique compare'e, étude des correspondances phonétiques dans différentes langues, qui permet d'établir leurs traits communs ainsi que leurs caractéristiques particulières;

— phonétique descriptive, étude des particularite's phonétiques d'une langue donnée;

— orthoe'pie, phonétique normative qui étudie les normes de la prononciation correcte d'une communauté linguistique à une époque donnée;

— phonostylistique, étude du fonctionnement des moyens phonétiques dans différents types et genres d'énoncés oraux.

MÉTHODES D'ANALYSE PHONÉTIQUE

Dans ses recherches le phonéticien utilise plusieurs méthodes qui servent a l'examen des phénomènes phoniques du langage.

L'appareil le plus important d'un phonéticien est l'oreille qui restera son instrument le plus précieux malgré toutes les inventions techniques de notre époque. L'emploi d'appareils ne sera jamais autre chose qu'un procède pour ve'rifier et compléter le témoignage de l'oreille. La conscience linguistique des individus parlant leur langue maternelle rend des renseignements beaucoup plu^s importants que ceux reçus par d'autres sources d'analyse. Selon L.V.Scerba la me'thode auditive (ou s u b j e с t i v e) est la seule méthode sûre en phonétique.

En même temps le linguiste porte un grand intérêt à ce qui se passe sur le plan physiologique et physique, autrement dit sur le plan de la substance de l'expression sonore. La substance est analysée par la méthode dite objective c'est-à-dire à l'aide d'instruments de recherche électro-acoustiques. Cette méthode nous renseigne sur le ca-

ractère objectif des phénomènes qui, normalement, ne sont perçus par l'oreille que de façon subjective.

Il existe plusieurs formes d'analyse par la méthode objective. L a méthode d'analyse intonographique permet d'étudier des composants acoustiques de l'onde sonore tels que la fréquence du ton fondamental, l'intensité sonore et sa durée (fig. 1).

Fig. 1. Tracé acoustique de la phrase. C'e st bien naturel il mesemble.

De's'gnations des paramètres acoustiques: durée des syllabes - 240, 280, 230, 280, 270, 220, 770;

intensité - 7, 6, 4, 10, 15, 25, 6, 5: fréquence du ton - 196, 176, 156, 270, 320, 400, 200, 180

L'analyse électro-acoustique moderne offre également la possibilité de présenter le son sous forme d'un spectre (fig. 2). Sur le spectre on voit distinctement les zones des formants qui constituent un son et déterminent son timbre particulier. Par la me'thode spectro-graphique on peut e'tudier l'influence mutuelle des consonnes et des voyelles en contact.

Il existe encore la méthode de segmentation dont l'application permet de délimiter des segments nécessaires de la chaîne parlée et même du son.

Une des méthodes objectives utilisées fréquemment dans les recherches phonétiques actuelles est celle de la synthèse qui consiste à vérifier les résultats d'analyse acoustique. La synthèse prouve d'une part que le démembrement d'un entier en composants n'est pas mécanique parce que chaque élément exerce une influence sur cet entier et en dépend. D'autre part, la synthèse contribue à la définition du rôle et de l'influence réciproque des paramètres acoustiques dans la formation des structures acoustiques significatives.

En somme les recherches instrumentales avec l'emploi des méthodes

9

de synthèse et d'analyse doivent conduire à la description phonétique et phonologique des systèmes prosodiques des langues.

Donc, il est évident que la phone'tique expérimentale de nos jours possède de nombreux appareils techniques destinés a faire l'analyse objective. Toutefois le choix scrupuleux du mate'riel à analyser et sa ve'-rification par application de la méthode auditive (subjective) effectuée par des informateurs et des spécialistes reste essentiel. Seul l'emploi de cette méthode donne le droit d'envisager comme objectives les donnés acoustiques reçues au cours de la recherche.

j a b u t

F i g. 2. Spectrogramme de la phrase Que j'aboutisse. Les rayures verticales

correspondent aux ouvertures de la glotte. Comparez [b] et [t] , [3] et [s] , les

structures de [a], de [i] et de [u] .

La méthode qui a exercé une influence considérable sur l'utilisation moderne de l'analyse et de la synthèse est la méthode statistique. La mathématisation des sciences philologiques a permis de transformer le processus occasionnel de la parole humaine en processus conforme à l'analyse scientifique.

Un autre groupe de méthodes, les méthodes s о m a -tiques, permet d'étudier de plus près la manière de formation des sons et la participation de différents organes d'articulation dans la phonation.

Parmi les méthodes employées pour déterminer les diverses phases d'articulation, la méthode kymographiqueaété pendant longtemps la plus importante.Grâce au cylindre enregistreur il est possible d'inscrire les différents mouvements articulatoires — de la langue, des lèvres, du voile du palais, de la respiration sur un papier noirci et d'obtenir ainsi une courbe qu'on peut analyser facilement.

10

11

La méthode kymographique est compléte'e par la palatogra-p h i e. Les palatogrammes sont obtenus à l'aide d'un palais artificiel place' dans la bouche du sujet examine'. Après l'articulation on éloigne le palais artificiel et on peut de'terminer imme'diatement les parties qui ont été touchées par la langue. On détermine ainsi le lieu d'articulation du son et le degré de relèvement de la langue dans la bouche. Pourtant les articulations labiales et nasales ne s'y voient pas. On a commencé récemment à remplacer le palais artificiel par un procédé photographique. On colore le palais, et au moment de l'articulation du son en question, on photographie le palais directement, ce qui permet de fixer une articulation plus normale et naturelle.

La palatographie est complétée ou remplacée en phonétique moderne par la méthode radiographique qui permet d'étudier la position de tous les organes de la parole à un moment donne' de l'articulation ainsi que les mouvements de ces organes pendant la prononciation des phrases entières. Si ces films sont combinés avec un enregistrement sonore, on peut en même temps procéder à l'écoute des sons produits et observer d'une façon simultanée les mouvements exécutés par les organes d'articulation. C'est là une des inventions les plus précieuses de la phonétique moderne.

Pour étudier l'activité de tel ou tel organe de prononciation on emploie la méthode e'iectromyographique qui permet de mesurer l'activité musculaire à l'aide des courants biologiques.

Les méthodes d'analyse phonétique sont résumées par le schéma donné à la page 11.

Comme on voit sur le schéma c'est la méthode de l'interprétation linguistique qui finit toute analyse. En employant les méthodes de recherches scientifiques et techniques, le phonéticien ne doit pas oublier que ce qu'il a avant tout à décrire ce sont les unités linguistiques. C'est la me'thode de l'interprétation linguistique qui a pour but de constater l'importance linguistique des résultats de l'analyse (subjective et objective) ou de la synthèse.

PHONETIQUE ET AUTRES SCIENCES

La phone'tique est intimement liée aux autres branches de la linguistique, la morphologie, la syntaxe, la lexicologie, etc. Le système phonétique fait partie intégrante du système linguistique général et ne se laisse pas isoler de l'aspect grammatical ou sémantique en vertu de la thèse saussurienne de la solidarité entre le signifiant et le signifié. Pourtant la phonétique occupe une place particulière parmi les autres disciplines linguistiques car les éléments phoniques jouent le rôle primordial dans le processus de la

12

communication orale. Ils dirigent la construction de la phrase parlée et donnent à l'élocution une remarquable compréhensibilité. C'est notamment la structure prosodique qui donne à l'auditeur d'un énoncé la première orientation sur la voie à suivre pour trouver le sens. La phonétique, tout particulièrement la prosodie, est "au centre tant de la structure que du mécanisme de la langue" [84, p. 2031 •

Les rapports de la phonétique aux sciences non-linguistiques peuvent être révélés par l'analyse de son utilisation pratique dans différents domaines de l'activité humaine. Avant tout elle sert de base pour la méthodologie d'e nseignement de la lecture et del'écriture. L'enseignement rationel de l'art de lire et d'écrire n'est possible qu'avec la compréhension nette des différences et des rapports compliqués entre ces deux formes de la langue. Les besoins de l'audio-visuel, de l'enseignement de la diction exigent de la phonétique la recherche des normes orthophoniques et orthoépiques de prononciation. De même l'importance pratique de la phonétique est évidente par la nécessité de la création de l'écriture des peuples ne possédant pas d'alphabet ainsi que par le besoin de perfectionnement de l'orthographe des langues anciennes.

La phonétique est d'une grande importance pour la correction de tous les phénomènes pathologiques de la prononciation. Il faut connaître à fond le travail articulatoire de la langue, des lèvres, du voile du palais, etc. pour pouvoir corriger les fautes de prononciation de toute sorte que l'on rencontre chez'un grand nombre de personnes — enfants et adultes — dans la langue maternelle. Il existe même un aspect de phonétique — la phoniâtrie — qui s'occupe de tous les phénomènes pathologiques de la prononciation que ceux-ci soient de caractère articulatoire ou qu'ils s'expliquent par des troubles centraux (phénomènes d'aphasie) ou par une audition imparfaite.

La phonétique est d'une grande importance pour l'e nseignement des langues étrangères. La méthode phonétique a été introduite dans l'enseignement des langues étrangères en Union Soviétique par le professeur L.Scerba dans les années vingt. D'après L.Scerba le sens de la méthode phonétique consiste en l'assimilation consciente de la prononciation, basée sur la comparaison des systèmes phonétiques des langues étrangère et maternelle. Apprendre une langue étrangère signifie acquérir tout un nouveau système d'habitudes articulatoires et rythmico-intonatives. Le professeur de langue ne pourra jamais apprendre à ses élèves la prononciation parfaite d'une nouvelle langue sans une connaissance profonde de la phonétique des deux langues en question.

L'enseignement des sourds-muets et des durs d'oreille représente un domaine où la phonétique, en connexion avec l'audiologie, est d'une grande importance. Pour apprendre les articulations nécessaires une péris

sonne atteinte de surdite' est obligée de se servir de la seule sensation musculaire des phonèmes. Elle est privée de contrôle du travail articu-latoire par l'oreille comme le fait une personne à audition normale. Donc le professeur apprenant à parler à des personnes sourdes doit connaître à fond l'aspect physiologique de la phonétique.

La phone'tique est d'une importance beaucoup plus considérable que les autres sciences linguistiques pour la solution des problèmes purement techniques. Les ingénieurs sont obligés de connaître l'acoustique des sons pour pouvoir rendre toutes leurs vibrations caractéris-tiques par les appareils tels que microphone, téléphone, phonographe, haut-parleur.

La naissance d'une science nouvelle qui est la cybernétique a posé comme tâche spéciale l'élaboration de différents problèmes concernant la commande des machines par la parole. On doit élaborer ces problèmes en tenant compte des caractéristiques spécifiques de chaque langue qui sont révélées avant tout dans les particularités de son système phonologique, nombre d'unités phonçtiques discrètes, type d'oppositions phonologiques, conformités phonétiques, etc. C'est ainsi que la phonétique est devenue une science utile, dans un domaine de plus, domaine tout à fait nouveau, qui n'avait jusqu'ici aucun rapport avec la linguistique.

Comme on a pu voir dans cette brève analyse, la phonétique a recours de plus en plus aux méthodes et aux instruments des sciences exactes ce qui a pu faire croire qu'elle se détachait de la linguistique. Il faudrait sans doute en dire autant des autres disciplines linguistiques qui ont recours à l'informatique, à la théorie des ensembles ou à la statistique. Pourtant on voit que la linguistique n'a pas cessé de s'occuper des langues.

La phonétique actuelle s'attache donc à définir non seulement tous les paramètres physiques de l'onde sonore mis en jeu dans les faits de parole, mais aussi ce que sont ces paramètres une fois perçus et interprétés en tant que signifiant et signifié.

La phonétique articulatoire n'est pas exclusivement une branche de l'anatomie et de la mécanique, mais elle est vraiment linguistique en ce qu'elle recherche, à l'aide de la neurologie et des modèles électriques et cybernétiques, le processus d'organisation et de réalisation du programme mental ; la phonétique étudie le langage envisagé aussi bien du côté de la production que de celui de la perception. C'est par là que la phonétique se situe au coeur des études lin-quistiques (A.Santerre). Quelles que soient les sciences qui lui servent de moyens d'approche, son objet et le point de vue sous lequel elle le considère sont toujours ceux de la linguistique.

14

NIVEAU SEGMENT AL DU SYSTÈME PHONÉTIQUE

ASPECT ARTICULATOIRE PHONATION ET ARTICULATION. APPAREIL PHONATOIRE

L'homme n'a pas à proprement parler d'organes de la parole. Les organes qu'on a l'habitude d'appeler ainsi ont des fonctions purement biologiques (de respiration, de consommation de nourriture, etc.) et avaient été adaptés secondairement à la fonction communicative. Quand nous parlons, il se produit dans notre organisme tout un enchaînement de mouvements. Considérons les trois étapes physiologiques indispensables à toute production vocale.

La respiration. La respiration est le point de départ de toutes les articulations utilisées dans la parole. A cette étape le courant d'air qui s'échappe du réservoir constitué par les poumons, les bronches et la trachée intervient grâce à l'action complexe des muscles intercostaux. Les muscles respiratoires forment avec le diaphragme l'organe actif de respiration.

La phonation. L'air expiré traverse l'étroit passage appelé larynx, une espèce de boîte cartilagineuse qui forme la partie supérieure de la trachée. C'est le larynx qui crée l'énergie sonore utilisée dans la parole (fig. 3).

F i g. 3. Le larynx vu de derrière:

a) la trachée; b) le chaton du crico'ide,

c) arythe'noide; d) thyroide; e) e'piglotte.

Il est composé de quatre cartilages:

— le crico'ide, qui sous forme de bague constitue la base de

l'organe;

— le thyroïde ouvert en haut et en arrière, attaché au crico'ide à l'aide de deux cornes; c'est ce qu'on appelle la "pomme d'Adam";

— deux cartilages arythéno'ides, de petites pyramides placées sur le chaton du cricolde. Ils sont mobiles et se présentent sous la forme d'un triangle.

L'élément principal du larynx sont les cordes vocales, deux lèvres placées symétriquement à droite et à gauche de la ligne médiane, constituée par un muscle élastique thyroarythénoïdien. L'espace

15

triangulaire circonscrit par les deux cordes vocales est dénommée glotte (fi". 4).

F i g. 4. Coupe transversale du larynx: 1—thyroïde, 2—arytheno'ide, 3— cordes vocales.

C'est au niveau de la glotte que se trouve la première possibilité de différenciation du courant d'air et, par là, du son e'mis. Lorsque les cordes vocales vibrent, le son e'mis est une voyelle ou une consonne sonore.

La production d'un son en l'absence de vibration des cordes vocales définit l'existence d'un son sourd. Il s'agit le plus souvent d'une consonne sourde. Dans la parole chuchotée les cordes vocales se trouvent suffisamment resserées pour que le passage de l'air provoque un bruit de friction, mais pas suffisamment fermées pour entrer en vibration.

La vibration des cordes vocales détermine la hauteur du ton appelée "fre'quence de ton fonda m entai" au niveau acoustique. La fréquence de ton fondamental des sons de la parole varie entre 100 et 400 Hz (100 et 400 vibrations par seconde des cordes vocales), selon qu'il s'agit d'une voix d'homme, de femme ou d'enfant.

L'articulation. L'air expiré passé par le larynx et les cordes vocales arrive à la glotte (ou pharynx) et aux cavités supraglotti-ques,buccale et nasale. Ces cavités jouent un rôle de résonateurs où se produisent la plupart des sons utilisés dans la parole; ce sont surtout ces cavite's qui, en modifiant le courant d'air et le ton laryngien, permettent les variations de l'onde sonore et conditionnent le mécanisme même de la parole.

La bouche, ou cavité buccale, est fermée vers l'avant par les lèvres, sur les côtés par les joues. Les lèvres et les joues qui sont mobiles, permettent à la mâchoire inférieure de s'abaisser et de se relever, ouvrant plus ou moins la bouche. La cavité buccale est remplie en grande partie par la langue, organe très mobile, formée de 17 muscles. La langue dont le niveau d'éîévation maximal permet de délimiter vers l'avant la cavité buccale et vers l'arrière la cavité pharyngée est l'organe le plus actif dans la production des sons. Il faut distinguer au point de vue des possibilités articulatoires entre la pointe et le dos de la langue et donc entre les articulations apicales et dorsales. Le plafond de

16

la bouche connaît les régions suivantes: les dents (articulations dentales), les alvéoles (articulations alvéolaires), le palais (articulations palatales, divisées en prépalatales, médiopalâtales et postpalatales). La voûte palatine limite la cavité buccale vers le haut. On distingue le palais dur, osseux qui se prolonge en arrière par le palais mou et le voile du palais (articulations vélaires), se terminant par la luette ou l'uvule (articulations uvulaires).

Le palais dur est immobile et plus ou moins muscle'. Le palais mou est doué de mobilité. Pendant la phonation, il est tantôt relevé, tantôt abaissé, selon qu'on prononce un son oral ou nasal.

Le nez est un résonateur qui n'intervient que pour l'articulation de certains sons. On distingue l'arrière-nez ou pharynx nasal et les fosses ou cavités nasales.

Les lèvres jouent aussi un rôle important dans l'articulation des voyelles et des consonnes. Lorsqu'elles sont projetées, elles délimitent une cavité supplémentaire, la cavité labiale.

Les articulations exécutées à l'aide des lèvres sont appelées labiales, et plus spécialement bilabiales, si les deux lèvres sont en jeu, labio-dentales si la lèvre inférieure s'appuie contre les incisives supérieures. C'est en se servant de combinaisons de ces termes qu'on arrive à définir assez exactement la plupart des types articulatoires utilisés dans la parole: apico-dentales, dorso-palatales, dorso-vélaires etc., ou le premier terme indique l'organe articulant, le deuxième le lieu d'articulation.

Il faut noter que la production vocale est facilitée ou entravée par le moindre mouvement de n'importe quel organe de l'appareil phonatoire, et les éléments du mécanisme vocal formant un système inséparable et homogène ne peuvent être considérés isolément que pour une raison didactique.

CLASSEMENT ARTICULATOIRE DES SONS

Si la colonne d'air, porteuse de vibrations glottales, ne rencontre aucun obstacle dans sa progression, le son produit est une voyelle. Au contraire, si la colonne d'air est contrariée dans sa progression par la présence d'un obstacle, le son produit est une consonne.

Consonnes. L'existence d'un obstacle, l'action jouée par les cordes vocales et par le voile du palais permettent de définir les consonnes françaises avec quatre traits articulatoires: la nature de l'obstacle, le lieu de l'obstacle, l'action des cordes vocales, l'action du voile du palais.

l.La nature del'obstacle. Toutes les consonnes se divisent en bruits et en sonantes. Les consonnes-bruits sont celles ou le bruit domine: [p, b, t, d, k, g, f, v, s, z, ; , j ] ; les consonnes-so-nantes sont telles autres où le bruit s'ajoute au ton musical, et c'est le 2 Зак.5357 17

ton musical qui domine: [1, r, m, n,/г, j, 4, w]. A leur tour, les consonnes-bruits constituent deux classes de sons: a) bruits par excellence ou consonnes sourdes [p, t, k, f, s, J ] etb) bruits accompagnés de ton musical ou с о n s о n n e s s о n о r e s [b, d, g, v, z, j ] (tabl. 1).

Т a b 1 e a u 1

Classification des consonnes d'après la nature de l'obstacle (mode d'articulation)

Со n son nés-bruits

constrictives (continues)

sourdes sonores sourdes sonores

s S { z 5 V P t k b d g

Consonnes-sonantes

constrictives

occlusives

m, n,7z

Lorsque la progression de l'air est momentanément stoppée par l'existence d'une occlusion, le son obtenu est appelé occlusif ou m о m e n t a n é: [p, t, k, b, d, g] .

Lorsque la progression de l'air est simplement contrariée par la nécessite' de s'écouler dans un canal étroit, l'air peut entrer en turbu-lance et produire un bruit de friction. On parlera dans ce cas de consonnes constrictives, fricatives ou continues: [f, v,s, z, 5 ,J ]•

Certaines consonnes semblent présenter à la fois l'occlusion, caractéristique des occlusives, et l'écoulement continu de l'air, caractéristique des constrictives. Il s'agit de la latérale [1], qui combine une occlusion centrale, obtenue par l'application de la langue contre la partie alvéolaire ou post-alve'olaire du palais, et un écoulement continu de l'air de part et d'autre de cet obstacle central. Il s'agit également des vibrantes, comme le [r] qui, par une série de battements, combine occlusion et écoulement de l'air.

2. L e lieu de Го b s t a с 1 e. Le lieu où se situe l'obstacle, le point d'articulation, est également un trait important pour la classification des consonnes.

Si l'obstacle se situe au niveau des lèvres, la consonne est dite 1 a-b i al e ou b i 1 a b i a 1 e: [p, b, m, w,ц ] (tabl. 2).

Tableau 2

Classification des consonnes d'après le lieu de P obstacle (le point d'articulation)

Consonnes

labiales (bilabiales) labio-den-tales pre'palatales (alvéolaires) palatales post-palatales (vélaires) uvulaires

apicales pre'dor-sales dorsales

p b t d k g

m n r-

f v s z

1

w u j

53 r

18

Si l'obstacle est constitué par les dents supérieures et la lèvre inférieure, la consonne est 1 a b i o-d e n t a 1 e : [ f, v] .

Si la pointe de la langue (apex) entre en contact avec les dents, les alvéoles ou la région post-alvéolaire, nous avons les alvéolaires ou les p r é p a 1 a t a 1 e s [t, d, n, s, z, j , л , 1] qui peuvent être classées de la façon suivante: apicales [t, d, n, 1, 5 , j ] et prédorsales [s,z] (cf. [lOl.p.49] ).

Si le dos de langue entre en contact avec le palais dur ou mou nous avons les dorsales [ji, j, k, g, r] . Le contact de la langue avec le palais dur détermine les p a 1 a t a 1 e s (71, j] . Si le dos de la langue entre en contact avec le palais mou dans la partie ante'rieure, nous avons des post-palatales ou vélaires [k, g]. Lorsque le contact a lieu dans la partie postérieure du palais mou, nous avons des u v u -1 a ir e s, comme le [r] français (le r non roulé ou grasseyé ).

3. L'a ction des cordes vocale s. Lorsque les cordes vocales vibrent lors de la prononciation d'une consonne, celle-ci est s о -nore: [b, d, g, v, z, g ].

Lorsque les cordes vocales ne vibrent pas, lors de l'écoulement de l'air, la consonne ainsi produite est sourde: [p, t, k, f, s,J ] .

4. L'a ction du voile du palais. Si le voile du palais (le palais mou) est relâché et abaissé, l'air, porteur des vibrations glottales, s'écoulera à la fois par la cavité buccale et par les fosses nasales. La consonne obtenue est une consonne nasale [m, n].

19

Dans le cas contraire, si le voile du palais est tendu et soulevé, la consonne sera appelée orale car tout l'air s'écoulera par le conduit buccal: [p, g, 1] , etc.

Voyelles. Les voyelles se caractérisent par quatre traits articulatoires: la profondeur d'articulation, l'aperture, l'action des lèvres, l'action du voile du palais.

l.La profondeur d'à rticulation. Lorsque la langue se masse dans la partie ante'rieure de la cavité buccale, la voyelle produite est dite antérieure: [i, y, e], etc. sont des voyelles antérieures. Lorsque la langue se masse dans la partie postérieure de la cavité buccale, la voyelle est dite postérieure, comme par exemple [u, o, a] (tabl. 3).

e а u Classification articulatoire des voyelles françaises

V о у elles

Degré1 s d'aperture Antérieures

rion-arromlies arrondies non-arrondies

orales nasales orales nasales orales nasales orales

1 i y u

2 e 0 о 3

3 £ 1 œ (a) oe 0

4 a a A.

2. L'a p e r t u r e. Du fait de la mobilité de la langue, son degré d'élévation, par rapport au palais, peut varier. C'est ainsi qu'on distingue quatre degrés d'aperture: 1 — les voyelles fermées comme [i], 2 — les voyelles mi-fermées comme [e], 3 — les voyelles mi-ouvertes comme [e ], 4 — les voyelles ouvertes comme [a] .

3. L'a с t i о n des 1 è v r e s. Si les lèvres sont projetées en avant, elles forment une cavité supplémentaire. Les voyelles articulées avec projection labiale comme [y, u, o] sont appelées arrondies. Les autres, comme [ i, e] produites par rétraction des lèvres, sont appelées n о n-a r r о n d i e s.

4.L'action du voile du palais. Lorsque le voile du palais ferme l'accès aux fosses nasales, la voyelle produite sera, comme [i, y, o] . une voyelle orale. Dans le cas contraire, l'air s'écoulant à la fois par les cavités nasale et buccale, la voyelle obtenue sera nasale: |2], [3], [&], [œ].

20

HABITUDES ARTICULATOIRES DU FRANÇAIS

Les habitudes articulatoires du français moderne ont certains traits particuliers qui opposent le français à plusieurs autres langues. P.Delattre a cru possible de les ramener à trois modes: mode tendu, mode antérieur, mode croissant.

Le mode tendu. La tension musculaire est constante dans l'articulation du français. Elle est sans cesse maintenue, sans augmentation ou diminution brusque. P.Fouché est en droit d'écrire que nulle part, la différence entre les sons tendus et les sons relâchés n'est aussi faible qu'en français. Mais ce travail intense des muscles ne se laisse pas voir; il est tout intérieur et le Français ne trahit aucunement son effort.

Le mode tendu veut dire que:

— Le français n'a pas de diphtongues, car le timbre des voyelles ne

change pas au cours de l'émission. Il suffit de comparer le [o ] français

qui est homogène du début de la phonation jusqu'à sa fin, au son [ o] du

russe légèrement diphtongue commençant par un élément bref pareil au

[u] - [u0] .

— Le français n'a non plus de consonnes affriquées. La tension musculaire les a éliminées de la langue de même que les diphtongues au cours de la deuxième moitié du Moyen Age.

— Le rythme de la chaîne parlée française est produit par l'égalité' des syllabes qui se succèdent. Pour faire ressortir la syllabe accentue'e finale ce n'est pas à un excès de force (intensité) que le Français fait appel, mais à un excès de durée. Pour allonger ainsi la dernière syllabe indépendamment de l'intensité, il faut avoir une tension musculaire remarquable.

— Les syllabes françaises ont une intonation relativement plate. Le ton sur lequel la voyelle est prononcée se maintient sans grand changement jusqu'au bout, les modifications de tons se trouvent entre les voyelles plutôt que pendant les voyelles.

Le mode antérieur. L'articulation française a un caractère antérieur clair. La plupart des voyelles et des consonnes du français moderne sont articulées dans la partie antérieure de la bouche. Le français possède 9 voyelles et 17 consonnes formées dans la partie antérieure de la cavité buccale. Il n'y a que 6 voyelles et 3 consonnes qui soient formées à l'arrière de la bouche. La résonance antérieure du français est due encore à la fréquence d'utilisation des sons antérieurs. D'après les données de A.Valdman, confirmées par N.Chigarevskai'a, la fréquence des sons ante'-rieurs est deux fois plus élevée (67,5%) que celle des sons postérieurs (32,6%) [55, p. 56].

Le mode antérieur peut s'observer dans les mouvements de la langue, dans ceux des lèvres ou dans les deux à la fois. Par exemple, dans la série

2l

i

[y, 0 , œ] : il plut, il pleut, il pleure — le caractère antérieur des voyelles est doublement assure, par la position de la langue, aussi bien que par celle des lèvres. D'autre part, le français anticipe la position d'une voyelle en articulant la consonne précédente. Ainsi toute consonne qui est suivie d'une voyelle arrondie s'articule elle-même avec les lèvres arrondies.

Le mode croissant. Le terme "croissant" signifie que les sons, les syllabes et les unités accentuelles se réalisent gënéralement avec une énergie physiologique qui commence doucement et s'accroît progressivement: c'est le phénomène de l'attaque douce. La partie dominante de la syllabe se fait donc dans un mouvement ouvrant progressif. Après l'ouverture buccale prolongée de la voyelle, le mouvement fermant qui suit est vif, il appartient plutôt à la transition syllabique, entre voyelle et consonne, qu'à la voyelle même.

Les conséquences du mode croissant sont nombreuses:

— De là résulte l'absence d'assourdissement des sonores finales: "base" est différent de "basse".

— Il faut attribuer au mode croissant le phe'nomène connu sous le nom de "détente des consonnes finales". D'une part, l'ouverture buccale pour la voyelle de la syllabe finale se prolonge, d'autre part, la consonne finale se prononce presque comme si elle commençait une nouvelle syllabe : la bouche se rouvre légèrement et un embryon de voyelle se fait entendre: plage — [plaja ].

— La syllabation française est ouverte: la consonne se rattache à la voyelle qui suit plutôt qu'à celle qui précède. La transcription syllabique d'une ph-ase française telle que "Elle imite un autre accent" serait donc [ *, - li — mi — tœ — no — tra — ksêL].

En définitive, comparons les habitudes articulatoires du français avec celles du russe.

Le français Toute articulation française est caractérisée par une tendance antérieure.

Les consonnes se palatalisent le'-gèrement dans un entourage palatal.

Le système phonétique français est dominé par l'articulation labiale. La langue connaît une série complète de voyelles anté"-rieures arrondies. La labialisation quand elle a lieu, est très forte et

Le russe

Le russe, au contraire, est caractérisé par une tendance à reculer les articulations dans la bouche. Les consonnes se palatalisent fortement dans un entourage palatal.

La labialisation est très faible et comporte seulement une projection faible des lèvres.

piend la forme d'un véritable arrondissement des lèvres et non pas d'une certaine projection.

L'articulation est tendue et énergique.

Les voyelles ont un timbre précis et ne montrent aucune tendance à la diphtongaison.

L'accent est faible, les syllabes inaccentuées sont presque aussi nettement articulées que les syllabes accentuées.

La nasalisation des voyelles est très forte et oppose d'une façon nette les voyelles nasales aux voyelles orales.

L'articulation est relativement relâchée.

Le timbre des voyelles change au cours de leur réalisation.

L'accent est fort. Les syllabes inaccentuées sont faiblement articulées de sorte que leur vocalisme se réduit à une voyelle neutre.

Il n'y a pas de voyelles nasales.

ASPECT ACOUSTIQUE

Le son consiste en ondes qui se propagent dans l'air à une vitesse d'environ 340 m/s. L'onde sonore est créée à son tour par un mouvement répété qu'on appelle vibration. La vibration peut être: simple ou composée, périodique ou non-périodique.

La vibration simple comporte un seul mouvement vibratoire répété

(fie. 5).

22

F i g. 5. Vibration simple de l'onde sonore.

La figure 5 représente la courbe sinusoidale d'une vibration complète. Sur l'axe du temps (a — t) il faut distinguer:

— D u r é e: la distance (a — e) sur la ligne horizontale entre le de-but et la fin de la vibration.

~Amplitude: la hauteur de la courbe (b — c).

— Période ou cycle: le mouvement du corps vibrant du point

23

de repos (a) jusqu'à une extrémité (b) et puis en passant par le point de repos, à l'autre extrémité' (d), et son retour au point de repos (e).

— Fréquence: le nombre de périodes par unité' de temps (par seconde).

C'est à l'amplitude qu'est due l'intensité sonore. Plus la pousse'e d'air est forte, plus grande est l'amplitude des vibrations. "On appelle intensité physique l'e'nergie sonore qui passe, en une unité' de temps, à travers 1 cm^ placé perpendiculairement à la direction du movement de la vibration" [83, p. 9] . Les différences d'intensité'acoustique sont calculées en décibels.

La fréquence est responsable des distinctions de hauteur musicale: plus la fréquence est grande plus le ton est haut et inversement. Pour mesurer la hauteur du son on emploie une unité appelée "Hertz" (Hz) équivalent à une période par seconde (p/s).

La prédominance des fréquences hautes donne un ton aigu, tandis que la prédominance des fréquences basses crée un ton grave. Ainsi, le phonème français [i] comporte 2500 Hz, alors que le phonème [a] n'en a que 1300.

La plupart des sons que nous réalisons et percevons ne sont pourtant pas des vibrations simples, mais complexes. Quand un corps vibre, il se forme un ton fondamental. Comme chacune des parties du corps vibre également et à une vitesse différente de celle des vibrations du .corps entier, il en résulte plusieurs fréquences différentes qui sont superposées au ton fondamental et constituent ses harmoniques (fig. 6). Le nombre et la variété des harmoniques d'un son constituent sa caractéristique acoustique, appelée le timbre.

Л A Л /Ч /Л А -А_/ \ /Ц /Ч f\ J

Ч/ цуЧу ч Г \ Г

V \л/ \У W Лл/

F i g. 6. Courbe sonore composée du fondamental et des harmoniques.

Le ton laryngien est modifié dans les cavités supraglottiques ce qui crée les différents timbres vocaliques de la parole. Le timbre vocalique est réalisé essentiellement par le renforcement dans les résonateurs, des zones de fréquences,les unes plus hautes, les autres plus basses. Ces zones de concentration maximale de l'énergie sont nommés formants. Ce sont surtout deux premiers formants qui font ensemble la caractéristique du timbre particulier de chaque type vocalique: le formant bas (F^), celui du pharynx, et le formant haut (F2), celui de la bouche.

Il est à noter qu'aucun état acoustique n'est parfaitement stable. La combinaison des sons dans la chaîne sonore implique des influences

24

réciproques des uns sur les autres ce qui provoque l'existence des phases transitoires dans leurs spectres. Au fur et à mesure que le passage d'air se ferme ou s'ouvre, la résonance change et les formants changent de direction, montent ou descendent selon les cas (fig. 7). Les phases transitoires parfois peuvent suffire à elles seules a l'identification des sons dans les spectrogrammes.