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Raymond Queneau - Zazie dans le métro.doc
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16.09.2019
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Il fit ensuite appel à la foule s'amassant:

— Ah! les jitrouas, rgardez-moi cqu'elle avait voulu mfaucher.

Et il agitait le pacson au-dessus de sa tête.

  • Une paire de bloudjinnzes, qu'il gueulait. Une paire de bloudjinnzes qu'elle a voulumfaucher, la mouflette.

  • Si c'est pas malheureux, commente une ména­gère.

  • De la mauvaise graine, dit une autre.

  • Saloperie, dit une troisième, on lui a donc jamais appris à cette petite que la propriété, c'était sacré?

Le type continuait à houspiller la môme.

— Hein, et si je t'emmenais au commissariat? Hein? Au commissariat de police? Tu irais en prison. En prison. Et tu passerais devant le tri­bunal pour mineurs. Avec la maison de redresse­ment comme conclusion. Car tu serais condamnée. Condamnée au massimum.

Une dame de la haute société qui passait d'aven­ture dans le coin en direction des bibelots rares daigna s'arrêter. Elle s'enquit auprès de la popu­lace de la cause de l'algarade et, lorsque, non sans peine, elle eut compris, elle voulut faire appel aux sentiments d'humanité qui pouvaient peut-être exister chez ce singulier individu, dont le melon, les noires bacchantes et les verres fumés ne semblaient pas étonner les populations.

  • Meussieu, lui dit-elle, ayez pitié de cette enfant. Elle n'est pas responsable de la mauvaise éducation que, peut-être, elle reçut. La faim sans doute l'a poussée à commettre cette vilaine action, mais il ne faut pas trop, je dis bien «trop», lui en vouloir. N'avez-vous jamais eu faim (silence), meussieu?

  • Moi, madame, répondit le type avec amertume (au cinéma on fait pas mieux, se disait Zazie), moi? avoir eu faim? Mais je suis un enfant de l'Assis­tance, madame...

La foule se fit frémir d'un murmure de compas­sion. Le type, profitant de l'effet produit, la fend, cette foule, et entraîne Zazie, en déclamant dans le genre tragique: on verra bien ce qu'ils disent, tes parents.

Puis il se tut un peu plus loin. Ils marchèrent quelques instants en silence et, tout à coup, le type dit:

— Tiens, j'ai oublié mon pébroque au bistro.

Il s'adressait à lui-même et à mi-voix encore, mais Zazie ne fut pas longue à tirer des conclusions de cette remarque. C'était pas un satyre qui se donnait l'apparence d'un faux flic, mais un vrai flic qui se donnait l'apparence d'un faux satyre qui se donne l'apparence d'un vrai flic. La preuve, c'est qu'il avait oublié son pébroque. Ce raisonnement lui paraissant incontestable, Zazie se demanda si ce ne serait pas une astuce savoureuse de confronter le tonton avec un flic, un vrai. Aussi, quand le type eut déclaré que c'était pas tout ça, où c'est qu'elle habitait, elle lui donna sans hésitation son adresse. L'astuce était effectivement savoureuse: lorsque Gabriel, après avoir ouvert la porte et s'être écrié Zazie, s'entendit annoncer gaîment «tonton, via un flic qui veut tparler», s'appuyant contre le mur, il verdit. II est vrai que ce pouvait être l'éclai­rage, il faisait si sombre dans cette entrée, cepen­dant le type prit l'air de rien remarquer, Gabriel lui dit comme ça entrez donc d'une voix déséqui­librée.

Ils entrèrent donc dans la salle à manger et Mar­celine se jeta sur Zazie en manifestant la plus grande joie de retrouver cette enfant. Gabriel lui dit: offre donc quelque chose au meussieu, mais l'autre leur signifia qu'il ne voulait rien ingurgiter, c'était pas comme Gabriel qui demanda qu'on lui apportât le litre de grenadine.

De sa propre initiative, le type s'était assis, cependant que Gabriel se versait une bonne dose de sirop qu'il agrémentait d'un peu d'eau fraîche.

— Vous ne voulez vraiment pas boire quelque chose?

— (geste).

Gabriel s'envoya le réconfortant, posa le verre sur la table et attendit, l'œil fixe, mais le type n'avait pas l'air de vouloir causer, Zazie et Marce­line, debout, les guettaient.

Ça aurait pu durer longtemps.

Finalement, Gabriel trouva quelque chose pour amorcer la conversation.

  • Alors, qu'il dit comme ça Gabriel, alors comme ça vous êtes flic?

  • Jamais de la vie, s'écria l'autre d'un ton cor­dial, je ne suis qu'un pauvre marchand forain.

  • Le crois pas, dit Zazie, c'est un pauvre flic.

  • Faudrait s'entendre, dit Gabriel mollement.

  • La petite plaisante, dit le type avec une bonhomie constante. Je suis connu sous le nom de Pedro-surplus et vous pouvez me voir aux Puces les samedi, dimanche et lundi, distribuant aux popu­lations les menus objets que l'armée amerloquaine laissa traîner derrière elle lors de la libération du territoire.

  • Et vous les distribuez gratuitement? Demanda Gabriel légèrement intéressé.

  • Vous voulez rire, dit le type. Je les échange contre de la menue monnaie (silence). Sauf dans le cas présent.

  • Qu'est-ce que vous voulez dire? demanda Gabriel.

  • Je veux dire simplement que la petite (geste) m'a fauché une paire de bloudjinnzes.

  • Si c'est que ça, dit Gabriel, elle va vous les rendre.

  • Le salaud, dit Zazie, il me les a repris.

  • Alors, dit Gabriel au type, de quoi vous vous plaignez?

  • Je me plains, c'est tout.

  • I sont à moi, les bloudjinnzes, dit Zazîe. C'est lui qui mles a fauchés. Oui. Et, en plus de ça, c'est un flic. Méfie-toi, tonton Gabriel.

Gabriel, pas rassuré, se versa un nouveau verre de grenadine.

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