Maigret

son enquête, qu’il l’avait fait exprès de lui montrer la machine à photostater. C’était un avertissement. Cela signifiait en quelque sorte :

— Avis aux intéressés !

Tous ceux qui avaient quelque chose à craindre de la publication du rapport, qu’il s’agisse d’Arthur Nicoud, toujours à Bruxelles, d’hommes politiques ou de qui que ce fût, tous savaient désormais que Mascoulin n’avait qu’un geste à faire pour les déshonorer et ruiner leur carrière.

Il y eut un long silence, dans le salon, et Maigret n’était pas tellement fier de lui.

— Dans quelques mois, quand tout cela sera oublié, je démissionnerai et retournerai à La Roche-sur-Yon, murmura Point en fixant le tapis.

—C’est promis ? s’écria sa femme.

—C’est juré.

Elle parvenait à se réjouir sans arrière-pensée, parce que, pour elle, son mari comptait plus que tout au monde.

—Je peux téléphoner à Alain ? demandait Anne-Marie.

—À cette heure-ci ?

—Tu ne penses pas que cela vaut la peine de le réveiller ?

—Si tu crois…

Elle non plus ne devait pas se rendre tout à fait compte.

— Vous boirez bien quelque chose ? murmura Point en lançant un coup d’œil comme timide à Maigret.

Leurs regards se croisèrent. Une fois encore, le commissaire eut l’impression d’avoir en face de lui quelqu’un qui lui ressemblait comme un frère. Tous les deux avaient le même regard lourd et triste, la même voussure des épaules.

Le verre d’alcool n’était qu’un prétexte à s’asseoir un moment, l’un devant l’autre. La jeune fille téléphonait.

—Oui… Tout est fini… Il ne faut pas encore en parler… On doit laisser à papa le soin de leur faire la surprise, à la tribune…

Qu’est-ce que les deux hommes auraient pu se dire ?

—À votre santé !

—À la vôtre, monsieur le ministre.

Mme Point avait quitté la pièce. Anne-Marie ne tarda pas à aller la re-