Добавил:
Upload Опубликованный материал нарушает ваши авторские права? Сообщите нам.
Вуз: Предмет: Файл:
Les deux freres.doc
Скачиваний:
7
Добавлен:
23.03.2015
Размер:
562.18 Кб
Скачать

Chapitre 9

Ce fut tout pour Eddie. On ne lui demanda rien d'autre. On ne lui demanda jamais plus rien de difficile.

Cette nuit-là prit fin comme toutes les nuits, depuis la création du monde, prennent fin au lever du soleil. Il ne le vit pas se lever sur la Californie, mais, de très haut dans le ciel, au-dessus du désert de l'Arizona, dans l'avion auquel on l'avait conduit à trois heures du matin. Et comme Bob l’avait fait à Tucson, on lui avait glissé dans la poche une bouteille plate.

Il n’y toucha pas. Sidney Diamond et son compagnon devaient traverser les faubourgs de Los Angeles au moment où l'avion se posait pour la première fois.

Quelque part, Eddie se trompa d'appareil. Il se retrouva, vers deux heures de l'après-midi, dans un petit aéroport sur lequel éclatait un orage et où il dut attendre jusqu'au soir. C'est du Mississippi, le lendemain, qu'il appela Santa Clara.

- C'est toi?

Il écoutait la voix d’Alice qui cette fois ne réveillait rien en lui.

- Oui. Tout va bien là-bas?

Les mots venaient d'eux-mêmes, les mots habituels, sans qu'il ait besoin de penser.

- Oui. Et toi?

- Les enfants?

- J'ai gardé Amélia à la maison. Le docteur croit qu’elle a la rougeole. Si c'est cela, et on le saura cette nuit, Christine ne pourra pas aller à l'école non plus.

- Angelo ne t'a pas téléphoné?

- Non. Je suis passée devant le magasin ce matin. Tout paraissait en ordre. J'ai aperçu un nouveau commis.

- Je sais.

- On a téléphoné du Flamingo.J'ai répondu que tu ne tarderais pas à rentrer. J'ai bien fait?

- Oui.

- Je t'entends mal. On dirait que tu es très loin.

- Oui.

Avait-il dit oui? Ce n'est pas à la distance entre la Floride et le Mississippi qu'il pensait. D'ailleurs il ne pensait pas.

- Quand seras-tu ici?

- Je ne sais pas. Je crois qu'il y a un avion tout à l'heure.

- Tu n'as pas consulté l'horaire?

- Pas encore.

- Tu n'es pas malade?

- Non.

- Fatigué?

- Oui.

- Tu ne me caches rien?

- Je suis fatigué.

- Pourquoi ne te reposes-tu pas une bonne nuit avant de reprendre l'avion?

- Je le ferai peut-être.

Il le fit. Il n'avait obtenu qu'une petite chambre sans air conditionné, parce qu'il y avait un congrès dans la ville. Dans les couloirs, on rencontrait des gens avec des insignes, leur nom écrit sur un carton accroché au veston.

L'hôtel était bruyant, mais, comme à El Centro, il sombra dans un sommeil pénible, se réveilla deux ou trois fois.

Le matin, en s'éveillant dans une chambre inconnue, il eut soudain envie de pleurer. Jamais il n'avait été si fatigué, fatigué à en mourir. S'il s'était trouvé dans la rue, il aurait pu se coucher n'importe où, sur le trottoir, parmi les jambes des passants.

Il aurait eu besoin d'un peu de pitié, de quelqu'un qui lui dise des paroles apaisantes en lui mettant une main fraîche sur le front. Il n'y avait personne pour faire ça. Il n'y aurait jamais personne. Alice, demain ou après-demain, quand il aurait le courage de rentrer, lui conseillerait tendrement de se reposer.

Car elle était tendre. Mais elle ne le connaissait pas. Il ne lui disait rien. Elle croyait qu'il était fort, qu'il n'avait besoin de personne.

Il n'avait pas compris le sens de la visite de Gino. Il n'était pas encore sûr de le comprendre, mais il devinait confusément que son frère était venu lui faire une sorte de signe.

Pourquoi n'avait-il pas expliqué? N'avait-il pas confiance en lui?

Ses deux frères n'avaient jamais eu confiance en lui. Il aurait fallu qu'il puisse leur expliquer...

Mais comment? Expliquer quoi?

Il alla prendre une douche et se rasa.

Il dut attendre près d'une heure le complet léger qu'il avait envoyé à nettoyer. Il jeta la bouteille de whisky pleine dans sa corbeille à papiers.

Peu importait que d'autres ne comprissent pas. Sid Kubik savait qu'il avait fait ce qu'il devait faire. Quand Mike lui avait téléphoné, à minuit et demi, que tout était fini, Sid était venu en personne à l'appareil et avait prononcé textuellement:

- Dis à Eddie que c'est bien.

Mike ne l'avait pas inventé.

- Dis à Eddie que c'est bien.

Si Phil était dans la pièce, il avait sûrement son méchant sourire.

- Dis à Eddie...

Il le fit exprès de ne pas annoncer à sa femme à quelle heure il arriverait. Il prit un taxi et, du champ d'aviation, se fit d'abord conduire au magasin.

Angelo descendit à sa rencontre.

- Ça va, patron?

- Ça va, Angelo.

Les choses restaient encore sans couleur, sans goût, presque sans vie.

Peut-être cela reviendrait-il? Déjà le mot d'Angelo lui faisait du bien:

- Patron...

Il avait tant, tant travaillé, depuis la boutique de Brooklyn, pour en arriver là!

Соседние файлы в предмете [НЕСОРТИРОВАННОЕ]