
Philippok face au rubicon
Pendant ce temps, à quelques encablures, le séjour du petit Philippok touchait à sa fin. Notre petit héros vivait reclus depuis quelques jours dans la chambre que lui avait affectée le PCU. Les pas et les pas qu’il effectuait dans le 10m2 du 5ème étage, ne pouvaient lui faire oublier cette première nuit de septembre sur le sol soviétique. Il ingurgitait café sur café, cigarette sur cigarette, mais le stress ne faisait qu’augmenter. De temps en temps, il s’arrêtait de tourner en rond. Il jetait alors des coups d’œil furtifs sur les passants, les machroutkas, les automobiles, et arrêtait finalement son regard sur l’imposante cathédrale. Les images s’entrechoquaient dans son esprit brûlant, quand soudain, à travers le couloir une voix mielleuse de babouchka se fit entendre. Pas de doute, cela ne pouvait être que Genia, la babouchka préférée de Philippok. Notre petit héros lui avait offert une boite de Ferrero Rocher, car un jour après lui avoir marmonné des paroles inconnues en russe à l’entrée du foyer, elle l’avait accompagné jusque dans sa chambre, sans qu’il ne sache pourquoi. En fait la gentille babouchka était venue lui faire la vaisselle qui trainait depuis quelques jours dans le lavabo de la salle de bain. Depuis ce jour il lui était plus que redevable. A la deuxième intonation vocale, il décrocha non sans effort l’ensemble de son corps de la fenêtre et se précipita de l’autre côté de la pièce pour lui ouvrir la porte. Malgré le contre jour, Philippok pouvait apercevoir les yeux bleus de la babouchka. Cachés derrière des lunettes d’un autre âge, Genia le fixaient avec tristesse. Après quelques secondes de silence, elle l’enserra tout naturellement dans ses bras et lui glissa des mots pleins de tendresse (du moins c’est ce qu’il pensa).
Andreinik le gentil sorcier ou le retour de l’espoir
Telle une formule magique, les sonorités prononcées par l’adorable babouchka avait redonné courage au petit héros. « Positive attitude », lui cria-t-il. Il dévala les marches, salua Nina (la babouchka du hall d’entrée), décidé à franchir son Rubicon. Armé de son seul courage, Philippok observa attentivement le bâtiment du « Forum ». Le moment était propice, 17H17 heure creuse. Y aurait certainement un instant à lui accorder. Ne manquait lui plus qu’une seule chose : un dictionnaire. Heureusement pour lui le PCU était encore ouvert. Il s’y précipita et tomba nez à nez avec Natacha.
- Bonjour Madame Natacha…Euh…Dites-moi…serait-il possible…si bien sûr vous n’y voyez aucun inconvénient… de vous emprunter un dictionnaire Français-Russe ?
-Bien sûr mon petit Philippok, mais pour quelle raison ?
-Ben…euh…je voudrais commencer à percer les mystères de la langue russe…
-Vaste projet mon petit Philippok. Mais tu ne dois pas prochainement retourner dans ton usine de charbon ?
-Euh…c'est-à-dire que…
-Ecoute cela ne me regarde pas de toute manière, regarde sur l’étagère de droite tu y trouveras ton bonheur.
- Vous êtes une camarade bienveillante Madame Natacha, vous me sauvez la vie !
Sa stratégie semblait au point…enfin presque…car bien qu’armé d’un dictionnaire encore fallait-il pouvoir l’utiliser à bon escient. Gribouiller quelques phrases sur un papier ? Non cela ne serait aucunement efficace, pensa t-il. Sans même avoir le temps de retomber dans son spleen ukrainien une voix rocailleuse l’interpela. Cette voix sortait du kiosque où chaque jour notre petit héros achetait ses cigarettes. Le camarade Andreïnik, un fanatique du héros de la révolution, tenait ce petit commerce de proximité avec son épouse. Bien que ne comprenant fichtre rien à la langue russe, il semblait que ce dernier demandait à Philippok de le rejoindre. Le petit travailleur français s’avança. Le volubile personnage dont il ignorait presque tout, lui tendit inexplicablement un gobelet en plastique. Puis tout en marmonnant quelques paroles en russe, il y versa sauvagement un énigmatique liquide ambré. Andreïnik qui le fixait de ses yeux de feu, se servit à son tour. Levant son verre en direction du petit héros, il ne faisait aucun doute que le sibyllin personnage, l’invitait à trinquer avec lui. Montrant la marche à suivre, il engloutit d’un seul trait à la manière soviétique le mystérieux breuvage. N’ayant guère le choix, Philippok respira une grande bouffée d’air et versa le liquide dans ses entrailles.
- товарищ, теперь ты понимаешь меня?
- да
- давай !
Incroyable Philippok parlait le russe. Toutes les conditions étaient réunies pour pouvoir
Ils se dirigèrent vers le C.G ;