Добавил:
Upload Опубликованный материал нарушает ваши авторские права? Сообщите нам.
Вуз: Предмет: Файл:
grammaire_pratique_du_fran_231_ais_vraie.rtf
Скачиваний:
1
Добавлен:
01.05.2025
Размер:
4.72 Mб
Скачать

L'ecole buissonnière

Nous avions onze ans. Après le déjeuner, comme nous retournions à l'école, Gilardin me dit:

– Si on n'y allait pas?

Nous partîmes si vite et avec un tel enthousiasme que ce ne fut que beaucoup plus tard que nous nous aperçûmes que nous aurions dû acheter un sou de cigarettes.

Nous nous rendîmes immédiatement à l'endroit où nos parents nous défendaient d'aller: c'était la rivière. A la vérité, on n'y courait aucun danger. La rivière, pendant l'hiver, n'était ni large, ni profonde, et l'été, elle était réduite à un simple filet d'eau.

Nous fîmes les choses en grand. Comme nous posions nos souliers pour nous laver les pieds, il nous vint à l'esprit qu'il vaudrait mieux se comporter vis-à-vis de la rivière comme si elle était un fleuve important, et nous nous déshabillâmes tout à fait. L'eau nous montait seulement à la cheville, mais nous profitâmes de ce que nous étions tout nus pour nous rouler dedans. Nous aurions bien voulu qu'il se produisît en cet instant une inondation. Aucun doute n'ébranlait notre confiance : nous étions certains que nous aurions su nager.

Quand nous fûmes lassés d'être nus, nous nous rhabillâmes. Un admirable après-midi commença. Nous ne voulions pas suivre les routes, là où marche tout le monde, nous allions à travers les prés. Le plus souvent, marcher ne nous suffisait pas, nous courions. Si nous nous arrêtions, c'était pour nous prouver à nous-mêmes que nous aurions pu, si nous l'avions voulu, rester immobiles.

Nous découvrîmes tant de choses, nous marchâmes si longtemps que nous finîmes par nous arrêter n'importe où, derrière une haie. Nous aurions dû être heureux dans un après-midi de liberté dont nous étions les maîtres. Nous aurions dû pouvoir goûter le plaisir d'être vivants dans cette nature que l'on appelle la bonne nature. Et ce fut alors que nous fîmes une grande découverte. Nous n'étions pas joyeux comme nous aurions dû l'être. L'ennui nous prit. Gilardin me demanda :

– Quelle leçon avions-nous pour aujourd'hui? Nous avions une leçon de géographie. J'eus envie de la réciter à Gilardîn. Quand nous eûmes récité celle-ci, nous en récitâmes d'autres. Un même sentiment finît par nous faire quitter le lieu où nous étions.

Si nous retournions à l'école? Nous en prîmes le chemin. Nous n'osâmes pas entrer, mais par bonheur, le derrière de l'école donnait sur un hangar. C'était l'été, les fenêtres étaient ouvertes. Quand nous fûmes auprès du mur, nous pouvions entendre tout ce qui se disait dans la classe.

Que n'aurions-nous pas donné pour être à nos places! Et de tout ce qui était dit, rien ne fut perdu pour nous. A quatre heures, quand nos camarades sortirent de l'école, dissimulés derrière un mur, nous les vîmes défiler. Quelle belle journée ils avaient dû passer!

D'après Ch-L. P h i l i p p e, L'école buissonnière

LE SUBJONCTIF