
- •Texte – contexte
- •Voilà ce qu’en dit Roland Barthes de façon très poétique :
- •Dénotation – connotation
- •Il va sans dire que les mots ogre et bouc émissaire, en combinaison avec la première personne du singulier, perdent leur sème d’appréciation négative et présagent un démenti ironique.
- •Automne – été
- •Ici les rôles des saisons changent : l’automne est associé à la mort, à la tombe, alors que l’été s’épanouit dans toute sa splendeur.
- •Hiver – printemps
- •Ils feront beaucoup de choses avec le soleil
- •Cohésion
- •Vient de la ville.
- •Voyons maintenant comment ce construit la cohésion de la poésie :
- •Modalité du texte
- •Intégration et finalité du texte
- •Le sens implicite
- •Répétitions
- •Il ne faut pas oublier non plus que toute la poésie médiévale (avant tout, celle des troubadours et des trouvères) était chantée et avait un accompagnement musical.
- •Mots-clés ou dominantes
- •Il y a dans la poésie française toute une série de mots qu’on pourrait appeler des ‘dominantes universelles’ parce qu’elles se rencontrent chez de nombreux auteurs.
- •La dominante ‘vent’ dans la poésie de Paul Eluard
Vient de la ville.
Qu’as-tu fait, ô toi que voilà,
Pleurant sans cesse,
Dis, qu’as-tu fait, toi que voilà
De ta jeunesse ?
Dans « Mes prisons » Verlaine décrit ainsi son séjour en prison : « Par- dessus le mur de devant, ma fenêtre (j’avais une fenêtre, un vraie, munie de longs et rapprochés barreaux) au fond de la si triste cour où s’abattait, si j’ose ainsi parler, mon mortel ennui, je voyais, c’était en août, se balancer la cime aux feuilles voluptueusement frémissantes, d’un square ou d’un boulevard voisin. En même temps, m’arrivaient les rumeurs lointaines adoucies de la fête. (Bruxelles est la ville la plus bonhommement rigoleuse que je sache.) et je fis, à ce propos, ces vers. »32.
La connaissance des circonstances dans lesquelles cette poésie a été écrite est très importante pour sa bonne compréhension.
Voyons maintenant comment ce construit la cohésion de la poésie :
Liens lexicaux :
Répétition proprement dite : a) des mots significatifs : le ciel; par-dessus le toit ; qu’on voit ; mon Dieu ; qu’est tu fait toi que voilà.
b) des mots-outils : intensificateurs si ; synonymes : calme, tranquille, paisible.
Liens grammaticaux :
article indéfini – adjectif possessif : un arbre – sa palme ; un oiseau – sa plainte ;
pronom personnel – adjectif possessif : toi – ta jeunesse.
Liens associatifs :
Mots marquant les bruits doux : cloche – tinte – oiseau – chante sa plainte – paisible rumeur – pleurant sans cesse.
L’ensemble de ces éléments contribue à créer cette émotion profonde, ce ton lyrique qui sont typiques pour Paul Verlaine.
La cohésion d’un texte poétique de petites dimensions est souvent assurée par la métaphore filée. Ce procédé peut intégrer le texte en englobant d’autres tropes : comparaisons, métonymies, épithètes, antithèses, etc., qui deviennent aléatoires et suivent la logique de la métaphore filée :
Dans les manèges du mensonge
Le cheval rouge de ton sourire
Tourne
Et je suis là debout planté
Avec le triste fouet de la réalité
Et je n’ai rien à dire
Ton sourire est aussi vrai
Que mes quatre vérités
(Jacques Prévert)
La métaphore du manège avec des chevaux « engloutit » la comparaison finale, l’antithèse : mensonge – vérités, ainsi que les épithètes métaphoriques : cheval rouge, triste fouet.
Les formes associatives de la cohésion sont très fréquentes dans le roman moderne (Kafka, Joyce, Faulkner, Proust, Sarraute...). La méthode des ‘associations libres’ qui fait parler l’inconscient fut pour la première fois élaborée par S. Freud. Ses thèses ont séduit les artistes considérés comme ‘marginaux’ dans les années 1920 qu’étaient les surréalistes. Artistes-peintres, tels que René Magritt ou Max Ernst, ou poètes comme André Breton ou Paul Eluard y ont trouvé une riche source d’inspiration. Les surréalistes priviligiaient aussi les éléments disparates du rêve qui font parler l’inconscient. Les surréalistes français (Prévert, Breton, Duahmel et d’autres) ont même inventé un jeu qui a reçu le nom de ‘cadavre exquis’. Basé sur une association fortuite des mots. Le Dictionnaire abrégé du surréalisme donne à ce jeu la définition suivante : « jeu qui consiste à faire composer une phrase, ou un dessin, par plusieurs personnes sans qu'aucune d'elles puisse tenir compte de la collaboration ou des collaborations précédentes. ». La première phrase composée de cette façon est restée célèbre, c’était : « Le cadavre exquis boira le vin nouveau ».
Les associations poétiques peuvent être liées avec ‘l’enveloppe physique’ des mots, avec le signifiant dont la sonorité même peut engendrer des images. C’est le cas fréquent chez les surréalistes, notamment chez Jacques Prévert qui aime répéter le même mot comme une formule magique qui attire de nouvelles visions :
... le faux soleil
le soleil blême
le soleil couché...
L’associativité est aussi profondément liée avec le vécu de chaque personne, à commencer par son environnement, par les paysages de son pays. Par exemple, quand nous lisons ce petit poème de Paul Eluard :
Liberté ô vertige et tranquilles pieds nus
Liberté plus légère plus simple
Que le printemps sublime aux limpides pudeurs,
elle s’associe dans notre esprit avec un paysage typiquement européen, qui pourrait aussi être le nôtre. Les mots vertige et pieds nus évoquent un pré au printemps parsemé de fleurs, où marchent, pieds nus, les amoureux – et nous sommes prêts à accueillir les mots qui sont nés de ces associations et qui s’unissent naturellement : liberté et printemps. Ces mots engendrent à leur tour de multiples associations. Bien sûr, une personne grandie dans un autre environnement – un désert, des régions polaires – n’aurait pas les mêmes associations que celles pour qui une succession des saisons est dans l’ordre des choses.
Comparons à ces associations celles de Tahar Ben Jelloun, poète marocain francophone :
Etranger prends le temps d'aimer l'arbre accoude-toi à terre un cavalier t'apportera de l'eau, du pain, et des olives amères c'est le goût de la terre et des semences de la mémoire c'est l'écorce du pays et la fin de la légende ces hommes qui passent n'ont pas de terre et ces femmes usées attendent leur part d'eau. Etranger, laisse la main dans la terre pourpre ici il n'est de solitude que dans la pierre.
C’est une vision de l’homme grandi dans le désert où l’eau constitue une richesse inestimable, ses associations forment un contraste frappant avec la façon de penser de Paul Eluard. N’oublions pas que les associations du poète diffèrent toujours de celles de chacun de ses lecteurs. Voil) pourquoi un poème moderne fondé sur le principe des associations libres se rapproche encore davantage du domaine de l’art – musique, peinture.
Nous voyons donc que l’associativité dépasse le cadre des catégories temporelles, spatiales, causales, d’autres catégories logiques ou philosophiques traditionnelles. Elle ne s’adresse pas seulement à l’intellect, mais aux sentiments et à l’imagination du lecteur. Profondément ancrée sur l’inconscient, elle demande un effort particulier du décodage. Notons aussi que Freud a souvent insisté sur l’analogie entre le travail psychanalytique et l’archéologie : il s’agit dans les deux cas des choses enfouies à exhumer. On pourrait dire la même chose sur le travail de la lecture de la poésie moderne, sans oublier pour autant que le premier objectif de celui qui lit un poème est d’éprouver du plaisir et non pas de résoudre un problème mathématique.
Beaucoup de texte poétiques sont basés sur le procédés d’allusion – manière d’éveiller l’idée d’une personne ou d’une chose sans en faire expressément mention. Dans ce cas le sens latent est ‘soufflé’ au lecteur par l’auteur du texte qui s’adresse à l’érudition de celui-là en lui suggérant un thème connu qu’il développe de façon originale, qu’il introduit sous forme d’une citation indirecte.
Envisageons sous cet angle un poème de Louis Aragon :
RICHARD II QUARANTE
Ma patrie est comme une barque
Qu’abandonnèrent ses haleurs
Et je ressemble à un monarque
Plus malheureux que le malheur
Qui restait roi de ses douleurs
Vivre n’est plus un stratagème
Le vent sait mal sécher les pleurs
Il faut haїr tout ce que j’aime
Ce que je n’ai plus donnez-leur
Je reste roi de mes douleurs
Le coeur peut s’arrêter de battre
Le sang peut couler sans chaleur
Deux et deux ne fassent plus quatre
Au Pigeon-Vole des voleurs
Je reste roi de mes douleurs
Fuyez les bois et les fontaines
Taisez-vous oiseaux querelleurs
Vos chants sont mis en quarantaine
Adieu printemps du Quai-aux-Fleurs
Je reste roi de mes douleurs
Il est un temps pour la souffrance
Quand Jeanne vint à Vaucouleurs
Ah coupez en morceaux la France
Le jour avait cette pâleur
Je reste roi de mes douleurs
Pour bien comprendre le sens de ce poème, il faut, pour le moins, connaître les faits suivants : il a été écrit en 1940, au moment de l’occupation de la France par les troupes allemandes ; le pays a été divisé en deux zones :occupée et dite ‘libre’, (d’où ce vers : « Ah coupez en morceaux la France »). Richard II était le roi d’Angleterre (1367-1400) qui avait perdu le trône et dont l’histoire avait inspiré Shakespeare. Abattu, misérable, Richard ne retrouve son énergie et sa dignité qu’au moment où, entouré d’assassins, il se résout à la mort. Les mots : « Je reste roi de mes douleurs » paraphrasent ses paroles dans le drame de Shakespeare. Le poète fait aussi allusion à l’histoire de la célèbre héroїne française Jeanne d’Arc : c’est à Vaucouleurs que Jeanne se rendit pour demander au gouverneur du roi de la conduire auprès du roi Charles VII qu’elle persuada de lui confier l’armée française, ce qui fut le début de la libération de la France dont la plus grande partie fut à cette époque occupée par les troupes anglaises. Sans connaître ces allusions historiques et littéraires, le titre du poème pourra paraître absurde et son sens entier ne sera pas compris de façon adéquate.