- •III. - Colonies
- •Simone Weil (1909-1943) Écrits historiques et politiques
- •2. Deuxième partie : Politique
- •1960, 413 Pages
- •I. Guerre et paix
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- •II. Front populaire
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I. Guerre et paix
3
Encore quelques mots sur le boycottage (fragment)
(Fin 1933 ? Début 1934 ?)
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La question du boycottage économique de l'Allemagne hitlérienne a soulevé et soulève bien des discussions entre camarades qui sont tous d'égale bonne foi. Les uns sont poussés par le désir de lutter contre l'odieuse terreur hitlérienne ; les autres retenus par la crainte d'éveiller les passions nationales. Les deux Internationales réformistes, politique et syndicale, ont pris pour le boycottage des résolutions non appliquées encore ; des secrétaires d'organisations confédérées se sont élevés contre ces décisions. Le plus clair de l'affaire est que voici bientôt un an écoulé sans qu'il y ait eu le moindre geste de solidarité internationale contre les immondes tortures que l'on inflige à la fleur du mouvement ouvrier d'Allemagne. Cette constatation serre le cœur. Il me semble que, de part et d'autre, le problème de l'action antifasciste a été mal posé.
Il faut faire, en faveur de nos camarades allemands, une action dont les masses populaires d'Allemagne aient connaissance. Car une des bases psychologiques du national-socialisme est l'amer sentiment d'isolement où se sont trouvées les masses laborieuses d'Allemagne accablées par le double poids de la crise et du « diktat » de Versailles. De cet isolement nous sommes pleinement responsables, nous tous qui en France nous disons internationalistes et ne savons l'être que du bout des lèvres. Le seul moyen efficace pour nous de lutter contre Hitler est de montrer aux ouvriers allemands que leurs camarades français sont prêts à faire des efforts et des sacrifices pour eux. D'autre part il ne faut à aucun prix attiser les passions nationalistes, et cela parce que de ce fait l'action antifasciste deviendrait non seulement dangereuse par rapport à la France, mais encore vaine par rapport à l'Allemagne ; le peuple allemand croirait les ouvriers français dressés non pas contre le despotisme, mais contre la nation allemande, et cela de concert avec leur propre bourgeoisie et l'impérialisme de leur propre pays. Peut-être pourrions-nous négliger ce risque si nous avions, nous tous qui prenons part au mouvement ouvrier français, su montrer avant l'avènement de Hitler que nous n'étions solidaires ni de l'impérialisme français ni du « système de Versailles ». Ce n'est, hélas ! point le cas, et nous ne pourrons jamais nous le pardonner. Mais toujours est-il que nous devons à présent tenir compte des difficultés suscitées par notre propre lâcheté de naguère.
La solution se trouve dans une action purement ouvrière. Il y a des actions pour lesquelles le prolétariat a avantage à se joindre à la petite bourgeoisie libérale ; ce fut le cas par exemple lors de l'Affaire Dreyfus. Mais ce n'est jamais le cas lorsque le nationalisme peut entrer en jeu ; car les petits bourgeois sont toujours prompts à se révéler comme des chauvins enragés, et rien ne peut jamais être plus dangereux pour le prolétariat que les passions nationales, qui toujours aboutissent à une sorte d'union sacrée, et font le jeu de l'État bourgeois. Les ouvriers allemands doivent être secourus par les ouvriers français, et par eux seuls. Ils ne peuvent rien avoir de commun avec la petite bourgeoisie française, qui a toujours été le pilier le plus solide du système de Versailles, et porte par suite une lourde part de responsabilité dans la victoire du national-socialisme. On dira que c'est là une question de pur sentiment ; mais précisément la répercussion d'une action anti-hitlérienne venue de France sur la classe ouvrière allemande serait d'ordre principalement sentimental, et n'en serait pas moins importante pour cela.
À vrai dire une union des classes dans une action menée contre Hitler serait beaucoup moins à craindre aujourd'hui qu'il y a quelques mois...
Simone Weil : Écrits historiques et politiques.
Deuxième partie : Politique
