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ПрофОбщение10семестр / Entretient_avec_Anthony_Lodge.doc
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Entretien avec Anthony Lodge, professeur de linguistique

«L’anglais que nous parlons est un anglais absolument inondé de mots français»

Invasion du français par les mots d’origine anglaise, pluralité des langues: le français est-il menacé? Interrogé sur le dernier livre de Claude Hagège Combat pour le français: Au nom de la diversité des langues et des cultures (Paris, Odile Jacob: 2006), Anthony Lodge réagit à la question du devenir du français à l’heure de la mondialisation et donne d’outre-manche son point de vue sur l’hégémonie de l’anglais.

Eminent Professeur de linguistique à l’Université de St Andrews en Ecosse, ses livres Le français, histoire d'un dialecte devenu langue (Paris, Fayard: 1997) traduit de l’anglais, et A Sociolinguistic History of Parisian French (Cambridge, Cambridge University Press: 2004) ont remporté un vif succès en France comme en Grande-Bretagne.

Michaël Abecassis: Monsieur le Professeur Lodge, vous vous êtes souvent expliqué sur le côté conservateur de certains puristes de la langue française. D’abord, s’agit-il de quelque chose de bien ‘français’ que de vouloir préserver la langue française?

Professor A. Lodge: Je pense que, parmi les grands pays, les Français affichent en effet un attachement plus fort à leur langue nationale, mais on ne peut pas dire que les Français soient plus attachés à leur langue que les Gallois ou les Basques à la leur. Ce qui est surprenant quand même c'est qu'un grand pays de 60 millions d'habitants (plus les Francophones) montre un attachement qu'on associe normalement à des petits pays ou à des langues minoritaires, des langues menacées, alors que le français n'est pas du tout menacé. Le français-phare continuera à être parlé par des millions de locuteurs pendant des milliers d'années.

Je pense en historien et je crois qu'il faut remonter au XVIIIe siècle pour voir les débuts de cet attachement des Français à leur langue. Au XVIIIe siècle, c'est le moment où les nations d'Europe ont pris conscience d'elles-mêmes, que la notion d'état-nation s'est constituée dans les mentalités européennes; à ce moment-là, on a commencé partout à identifier langue et nation et on a eu l'idée qu'une nation doit avoir sa langue et qu'une nation ne doit avoir qu'une seule langue. C'est une idéologie parce que l'on peut imaginer des nations multilingues, mais en Europe, et surtout en France, les gens ont pris l'habitude de penser qu'une nation multilingue n'est pas possible et qu'à une nation doit correspondre une langue et une seule. C'est ce qu'on a vu au moment de la Révolution: le grand slogan 'langue une, République une' a été proclamé et tout le monde a accepté cette notion. Avant la Révolution, l'état féodal était un assemblage de provinces et de régions, chacune ayant sa culture, sa langue, même ses systèmes de justice qui étaient particuliers à la province; la France de l'Ancien Régime était donc une confédération de provinces qui était unie seulement par sa fidélité au roi.

Une fois qu'on a aboli la monarchie, une fois qu'on a décapité le roi, on a, dans un sens, décapité la nation, parce qu'il n'y avait plus de symboles réunissant tout le monde, et la Révolution a cherché tout de suite à remplacer le symbole qu'incarnait le roi par d'autres symboles, en particulier la langue. Ce qui faisait l'identité de la nouvelle République c'est le fait que tous les citoyens parlaient français. Mais ce n'était pas vrai. L'Abbé Grégoire a fait une enquête par correspondance dans toutes les provinces de la nouvelle République et il a trouvé, qu'en fait, peu de citoyens parlaient français, d'où cette politique d'assimilation linguistique qu'ont menée tous les gouvernements pour obliger les citoyens, les Basques, les Occitans, les Bretons etc. à parler français, pour que l'idéologie 'langue une, nation une' devienne une réalité; depuis la Révolution, cette identité 'langue et nation' est tellement ancrée dans les esprits que les Français ont maintenant un peu de mal à ne pas penser que déclin de la langue française égal déclin de la France, puisque France et français sont conçus comme étant la même chose.

Je crois que c'est pour des raisons historiques que les Français ont un attachement particulier pour leur langue, attachement qu'on ne trouve pas chez les Espagnols, chez les Italiens, chez les Allemands, encore moins chez les Anglais; mais pour les Français il est vrai que cela joue un rôle essentiel.

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