
Фран.яз биологический сбор / Фран.яз / Triplet_GestionLittorale
.pdfreaux hivernant sur les côtes anglaises est nettement supérieur à celui trouvé sur les prés-salés de la mer des Wadden car les buissons halophiles de Soude ligneuse Suaeda vera n’existent pas dans la mer des Wadden, alors qu’elles attirent beaucoup d’espèces généralistes (Brown & Atkinson, 1996) : une vingtaine à l’est de l’Angleterre et jusqu’à 22 espèces, au sud du Pays de Galles mais où cinq espèces seulement ont une fréquence supérieure à 80 % : Alouette des champs, Pinson des arbres (surtout lors des périodes de froid), ces deux espèces comptant chacun pour près de 50 % des oiseaux présents, Pipit farlouse, Bruant des roseaux, et Pipit maritime (Kaletja-Summers, 1997).
En France, en baie du Mont-Saint-Michel, la composition de l’avifaune hivernante s’apparente à celle des côtes anglaises. Les maraissalés sont exploités par des bandes d’oiseaux regroupant une dizaine voire une centaine d’individus notamment en Alouette des champs, Pipits maritimes et farlouses ou encore en Linottes mélodieuses mais également par des individus isolés. Le peuplement est composé de neuf espèces d’oiseaux et se trouve dominé par l’Alouette des champs et le Pipit farlouse avec respectivement 50 % et 31 % des effectifs totaux ; le Pipit maritime, le Pipit spioncelle Anthus spinoletta étant occasionnel sur le schorre (Beaufils, 2001), et la Linotte mélodieuse représentent un peu moins de 10 %, le Bruant des roseaux et la Cisticole des joncs moins de 1 % et trois espèces, Bergeronnette grise, Bruant proyer, Bruant des neiges moins de 0,2 % du peuplement (Eybert et al., 2006). L’Alouette hausse-col et le Bruant lapon, qui atteignent ici leur limite méridionale en hiver, sont observés également, en petits effectifs, variables selon les hivers, dans la baie du Mont-Saint-Michel.
En Espagne, au nord-ouest, les prés-salés composés de joncs maritimes Juncus maritimus et d’Obione abritent une avifaune de passereaux fortement diversifiée car ces prés sont insérés dans une lagune bordée par de nombreux écotones (Souza & Martinez-Lago, 2009) : la communauté composée de 18 espèces de passereaux (dont neuf accidentelles) est dominée par les Pipits farlouse et maritime, la Cisticole des joncs et la Linotte mélodieuse.
En conclusion, les deux espèces les mieux représentées sur les côtes de la mer du Nord et du sud de la Baltique sont la Linotte à bec jaune et l’Alouette des champs (Doody, 2008), mais cette dernière fait une large place aux Pipits farlouse et maritime, plus au sud, sur la côte espagnole.
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Influence de la végétation
Une analyse canonique des correspondances (figure 2) faite entre les espèces d’oiseaux hivernant en baie du Mont-Saint-Michel et quatre variables de recouvrement végétal (Obione, Salicorne-Salicornia spp., Puccinellie maritime et Chiendent maritime) illustre les associations entre les espèces d’oiseaux hivernants et les variables retenues (Eybert et al., 2006). Les quatre facteurs de recouvrement végétal sont significatifs pour expliquer la distribution spatiale des oiseaux. Ils peuvent être classés selon un ordre d’importance décroissante : recouvrement en Obione, Salicorne, Puccinellie maritime et Chiendent maritime. La présence de la Puccinellie maritime et de la Salicorne, typiques des zones de haut marais salé, de faible hauteur de végétation, pénétrées par des chenaux maritimes et où s’exerce une forte pression de pâturage explique le côté positif de l’axe 1 tandis que l’Obione caractéristique des zones de bas et moyen marais salés peu pâturées se place négativement sur l’axe 1. La présence du Chiendent maritime, qui est positivement corrélée à la hauteur de végétation, et, négativement, avec le pâturage ovin, contribue à l’axe 2.
La végétation influence donc très significativement la diversité et la densité des passereaux (figure 3). Des trois types d’habitat, la zone à Obione et celle à Chiendent maritime abritent respectivement l’avifaune hivernante la plus riche et la plus pauvre en nombre et en espèces (test de Tuckey, P< 0,01). L’intérêt de l’habitat à Puccinellie maritime, alors qu’il est, en reproduction, très limité pour l’avifaune, augmente en hiver avec l’arrivée de bandes importantes d’oiseaux en alimentation (Alouette des champs et Linotte mélodieuse). En effet, cet habitat présente souvent des dépressions humides colonisées par des Salicornes qui, comme toutes les plantes pionnières, produisent une grande quantité de graines (Dierschke, 2002), d’autant plus accessibles que la faible hauteur de végétation favorise leur exploitation par les passereaux granivores (Moorecroft et al., 2002 in Dierschke & Bairlein, 2004). Ces graines ont une composition chimique très énergétique qui les fait sélectionner par beaucoup de passereaux granivores (Dierschke, 2002). À l’inverse, l’habitat à Chiendent maritime représente un milieu plus fermé où les graines de chiendent, peu énergétiques (Dierschke 2002), plus grosses et plus lourdes, sont piégées au sol et donc moins accessibles pour les oiseaux.
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Axe 2 |
0,3 |
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Bruant proyer !1,0
Valeurs propres
0,2
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Cisticole des joncs
Bruant des roseaux Bergeronnette grise
Pipit farlouse
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Alouette des champs |
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Bruant des |
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F=30,0!;!P=0,002!pour!le!premier!axe! |
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F=10,9 ; P=0,002 pour tous les axes |
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Figure 2 : plan F1 x F2 de l’analyse canonique des correspondances entre le peuplement d’oiseaux hivernant et les principales espèces végétales des marais salés de la baie du Mont-Saint-Michel (d’après Eybert et al., 2006)
Les deux premiers axes de l’analyse canonique des correspondances comptent pour 27,8 % de la variabilité (21,3 et 6,5 % respectivement). Les espèces non soulignées sont mises en variables supplémentaires.
La position des oiseaux dans le graphique (figure 2) montre que le Pipit maritime tend à exploiter le plus bas du moyen marais en se liant à l’Obione, que le Pipit farlouse a une position plus centrale, entre le moyen et le haut marais, et dépend à la fois de l’Obione, qu’il exploite en bandes relativement importantes, et du Chiendent maritime où il est observé en petits effectifs. La Linotte mélodieuse se place également entre deux paramètres de végétation, car elle s’alimente dans les zones rases à Puccinellie maritime et surtout sur les Salicornes. L’Alouette des champs est dans la position la plus centrale car elle exploite, en hiver, souvent en grandes bandes, l’ensemble des habitats des marais salés de la baie du Mont-Saint-Michel. Les autres espèces, même si elles sont en variables supplémentaires, se placent vers le Chiendent maritime en ce qui concerne la Cisticole des joncs et le Bruant des
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roseaux, donc vers le haut marais et vers la Salicorne pour le Bruant des neiges.
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Diversité |
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Puccinellie maritime |
Chiendent maritime |
Obione |
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Figure 3 : comparaison des peuplements de passereaux dans trois habitats de la baie du Mont-Saint-Michel : moyennes et écarts-type des densités relatives (en nombre de contacts par point d’écoute) et des diversités (en nombre d’espèces) (d’après Eybert et al., 2006)
Les caractéristiques qui viennent d’être décrites en baie du Mont- Saint-Michel, se retrouvent plus ou moins sur certains prés-salés européens. Sur la côte ouest de la Grande-Bretagne (Kaletja-Summers, 1997), le bas marais avec ses plantes pionnières (Suaeda maritima, Aster tripolium, Spartina anglica) sont très exploitées par l’Alouette des champs et le Pipit farlouse. De même, sur la côte est de la Grande-Bretagne (Brown & Atkinson, 1996), l’Alouette des champs et la Linotte mélodieuse sont liées à cet habitat (Salicornia maritima) tandis que le Bruant des roseaux sélectionne uniquement les buissons de Soude ligneuse dans le haut marais ; le Pipit farlouse est la seule espèce à sélectionner l’habitat à Obione comme sur le schorre de la baie du Mont-Saint-Michel. Pour Brown & Atkinson (1996), l’Obione, trop dense, représente un habitat fermé non exploitable pour des espèces strictement granivores mais intéressantes pour des espèces qui prélèvent des invertébrés comme le Pipit farlouse ou le Pipit maritime. Cette distribution diffère de celle observée dans les marais salés de la mer de Wadden où l’Alouette des champs et les Pipits farlouse et maritime se rencontrent préférentiellement dans des zones non pâturées à végétation plus haute où ils pro-
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fitent de la présence de fossés (Dierschke & Bairlein, 2004). Les zones de bas marais sont exploitées par la Linotte à bec jaune, l’Alouette hausse-col et le Bruant des neiges qui prospectent le long de la ligne de marée où s’accumulent une très grande quantité de matériel végétal et de graines, phénomène qui constitue une spécificité de la mer des Wadden (Dierschke, 2002). Sur les côtes de la Corogne, en Espagne, le Pipit farlouse exploite les prairies à Obione et d’autres habitats du marais moyen, de même que le groupe des Pipits maritime-spioncelle qui profite des nombreux chenaux de cet habitat. La Cisticole des joncs est, quant à elle, presque exclusivement liée aux groupements végétaux de joncs (Souza & Martinez-Lago 2009).
Effets des usages
Les schorres européens dits « naturels » dont la valeur « conservatoire » et fonctionnelle est largement reconnue (Lefeuvre et al., 2000) sont couramment soumis à des usages humains soit, si on prend l’exemple de la France, pour fournir du fourrage comme en baie de l’Aiguillon, soit pour servir de zones de pâturage comme en baie du Mont-Saint-Michel. La gestion par pâturage ou par la fauche sont les deux modes de gestion les plus fréquemment évoqués pour maintenir l’état de conservation des prés-salés.
Ainsi l’abandon du pâturage joue un rôle majeur dans l’extension des prairies à Obione souvent remplacée ultérieurement par le Chiendent maritime (Doody, 2008). Cette plante envahissante amène à une perte de biodiversité végétale (Bakker et al., 2002) et à une diminution de la richesse en invertébrés (Georges et al., 2006) mais peut avoir des effets positifs sur certaines espèces de passereaux (Geslin et al., 2006). La fauche est ainsi utilisée pour diminuer les effets de cette invasion et, d’une manière générale, pour conserver les stades de moyen marais.
Le pâturage
Le pâturage se pratique actuellement en Grande-Bretagne et dans diverses parties de la mer des Wadden avec des pressions plus ou moins fortes (Doody, 2008). Les variations de pression de pâturage et ses effets sur la présence des oiseaux ont le plus souvent été étudiés chez les limicoles (Cadbury et al., 1987 in Doody, 2008) lors de leurs phases de reproduction, d’alimentation ou de repos, chez les anatidés en hivernage (Schricke, 2004 ; Stock & Hofeditz, 2003 in Doody, 2008) mais les études ont moins concerné les passereaux, mise à part l’étude sur les passereaux hivernants sur les schorres de la mer des Wadden (Dierschke & Bairlein 2004).
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Le pâturage ovin (le plus fréquent) ou bovin change fondamentalement la végétation du schorre et donc le fonctionnement écologique de ce système. Il a pour effet de réduire la hauteur de végétation, la diversité des plantes et celles des invertébrés associés (Bouchard et al., 2003) et de favoriser certaines plantes comme la Salicorne ou la Puccinellie maritime remplacée par la Fétuque rouge Festuca rubra dans la zone de moyen marais mais a un effet négatif sur l’Obione ; un pâturage léger pourrait limiter l’extension du Chiendent maritime (Doody, 2008).
Les passereaux hivernant sur les prés-salés de la mer des Wadden (Dierschke & Bairlein, 2004) montrent que les zones surpâturées sont préférées par l’Alouette hausse-col, la Linotte à bec jaune en hiver tandis que l’Alouette des champs, les Pipits farlouse et maritime, les Bruants des roseaux ou lapon choisissent essentiellement les zones non pâturées et que le Bruant des neiges se répartit également sur les deux zones. Cette exploitation des zones pâturées se fait par des espèces dont le régime alimentaire est fortement orienté vers les graines de Salicorne et de Soude maritime que le pâturage a favorisées (Dierschke, 2002). Par contre, le surpâturage provoque une diminution de la production de graines par plante et une raréfaction des plantes qui produisent des graines énergétiquement riches comme les Atriplex sp., ce qui pourrait expliquer que les autres passereaux granivores préfèrent exploiter les zones non pâturées (Dierschke & Bairlein, 2004). Le pâturage favoriserait ainsi, en hiver, les espèces qui exploitent habituellement le bas marais tandis qu’il défavoriserait les espèces exploitant le moyen et haut marais.
En période de reproduction, en baie du Mont-Saint-Michel, les milliers de moutons qui pâturent intensivement les herbus provoquent une transformation des zones à Obione en une pelouse rase à Puccinellie maritime. Les zones à Obione fournissent un habitat optimal pour des communautés de crustacés détritivores tels que Orchestia gammarella dont la biomasse est importante et pour des araignées diurnes (Laffaille et al., 2005 ; Pétillon et al., 2005). Ce changement entraine la diminution de la faune détritivore qui sert de proies pour de jeunes poissons (à 80 % [Laffaille et al., 2005]), des limicoles et à certaines espèces de passereaux telle que l’Alouette des champs comme cela a été observé dans les pièges d’interception d’arthropodes (Pétillon, 2005).
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L’augmentation de la pression de pâturage ovin diminue significativement la densité relative (test de Tukey, P< 0,001 entre chaque stade) et la diversité du peuplement de passereaux (test de Tukey, P< 0,001 entre chaque stade) (Eybert et al.,. 2006) (figure 4).
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Absence de |
Pâturage ovin |
Pâturage ovin |
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pâturage |
< 50% |
> 50% |
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Figure 4 : pression de pâturage sur le peuplement de passereaux de la baie du Mont- Saint-Michel : moyennes et écarts-type des densités relatives (en nombre de contacts par point d’écoute) et des diversités (en nombre d’espèces)
Les relevés d’avifaune ont été regroupés selon trois classes de pression de pâturage ovin : « absence de pâturage », « inférieur à 50 % » et « supérieur à 50 % » opposées au pâturage bovin (d’après Eybert et al., 2006).
Le pâturage par les bovins provoque une diminution significative, comparable à celle observée dans le cas d’un pâturage ovin moyen (test de Tukey, P>0,05). En revanche, il n’influence pas significativement la diversité spécifique mais la localisation particulière des bovins, sur un pré-salé bordé de chenaux et d’une zone à Chiendent maritime, peut biaiser ces résultats, car elle confère à cette zone pâturée une attractivité importante pour de nombreux couples d’oiseaux en alimentation. De plus, le pâturage par les
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bovins, en déchirant les plantes plus haut que les ovins, et en ayant une portance plus grande, crée une hétérogénéité végétale et topographique plus importante dans les prés-salés favorable à l’exploitation par les passereaux. Les bovins se sont révélés plus utiles dans la restauration de certains préssalés de la mer des Wadden après l’abandon de pâturage, car, en pâturant près des digues, ils limitent le Chiendent maritime et créent de meilleures conditions pour l’installation de zones pionnières (Doody 2008).
Le rôle du pâturage intensif est donc controversé car, si, d’un côté, il permet, en hiver, l’accueil de bandes de passereaux granivores avec l’augmentation du stock de graines de plantes pionnières, il tend, de l’autre, à faire disparaître les zones à Obione du marais moyen très favorables à la nidification de certaines espèces comme l’Alouette des champs. Une faible pression de pâturage, n’a pas le même effet dépressif qu’un surpâturage ; elle permet une augmentation de la densité et la diversification de l’avifaune et a souvent été utilisée dans les prés-salés abandonnés par les éleveurs et dans certains prés-salés du nord ouest de l’Europe (Doody 2008) ; un pâturage modéré, capable de garantir une végétation à Obione, des espèces moins fréquentes comme la lavande de mer (Limonium sp.) et une biodiversité optimale, s’établit entre 5-6 ovins (entre avril et octobre) (Beeftink, 1977 in Doody, 2008) ou 1-1,5 jeunes bovins à l’hectare toute l’année (Kleyer et al., 2003 in Doody, 2008). Ces chiffres représentent, à peu près, la moitié de ceux pratiqués en surpâturage. Une diminution de la charge en ovins (2 moutons ou 0,3 bovins à l’hectare), sur six mois de l’année, garantit un pâturage léger (Beeftink, 1977 in Doody, 2008). Le pâturage modéré peut également être respecté en associant des zones non pâturées et des zones légèrement pâturées représentant chacune 50 % de la surface de prés-salés (Andresen et al., 1990 in Doody, 2008)..
La fauche du Chiendent maritime
En baie du Mont-Saint-Michel, l’étude menée sur la comparaison des peuplements de passereaux entre trois habitats, naturels recouverts par l’Obione, envahis par le Chiendent maritime et après la fauche montre l’influence significative de l’usage de la fauche sur la densité totale relative (F2,88 = 12,727, P < 0,001) (figure 5) et la diversité spécifique (F2,88 = 5,543, P = 0,005) (Eybert et al., 2006 ; Geslin et al., soumis). Dans la mesure où la présence du Chiendent maritime favorise les peuplements de passereaux et la plupart des espèces, à part l’Alouette des champs, la fauche entraine, par rapport au milieu envahi, une diminution significative de la diversité spécifique et de la densité totale relative qui atteint même une valeur inférieure à
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celle du milieu naturel. Les densités des cinq espèces terrestres les mieux représentées accusent des variations significatives entre les trois habitats. L’Alouette des champs, négativement influencée par la présence du Chiendent maritime, remonte ses effectifs après la fauche mais sans atteindre les densités observées dans l’habitat naturel. La densité du Pipit farlouse, qui est la même dans les habitats naturels et fauchés, diminue après la fauche. La fauche, pour des espèces dont le milieu optimal est le Chiendent maritime, maintient la densité de la Caille des blés, diminue celle de la Cisticole des joncs qui retrouve des valeurs comparables à celles de l’habitat naturel et affecte très fortement celle du Bruant des roseaux qui atteint des valeurs inférieures au milieu naturel.
La comparaison de la disponibilité des proies dans les habitats envahis et fauchés permet de comprendre, en partie, la raison des variations observées sur certaines espèces d’oiseaux (Pétillon, 2005 ; Geslin et al., soumis). En effet, l’envahissement des marais salés par le Chiendent maritime provoque une augmentation de la hauteur de la végétation et de l’arthropofaune associée à la végétation tandis qu’elle entraine une diminution de la faune du sol (en particulier celle des amphipodes) qui reste cependant en nombre non négligeable. Mais, en zone fauchée, la diminution est plus spectaculaire et les amphipodes deviennent quasi-absents. Cette disparition des arthropodes serait probablement provoquée par un changement de structure de litière trop épaisse et d’un export de matière organique (sous forme de balles) qui tend à diminuer de manière générale l’ensemble des arthropodes associés à sa décomposition. Cette baisse des arthropodes au sol peut globalement expliquer la diminution des espèces d’oiseaux qui prélèvent leurs proies au sol comme l’Alouette des champs ou le Pipit farlouse. Dans les habitats envahis, les diptères et globalement les arthropodes de la végétation augmentent leurs effectifs. Cette augmentation peut être favorable à des espèces se nourrissant à terre et dans la strate herbacée comme le Bruant des roseaux ou la Cisticole des joncs. Dans les zones fauchées, la densité des tiges de graminées est bien supérieure à celle des zones envahies (en moyenne deux fois plus forte que dans des zones à Chiendent). Mais si cette densité élevée provoque une forte augmentation de ces groupes d’arthropodes, en effectifs totaux, elle n’entraine pas, pour autant, d’augmentation chez ces espèces d’oiseaux qui rencontrent peut-être un problème d’accessibilité aux proies ce qui expliquerait leur diminution dans les zones gérées. Quant à la Caille des blés, dont le statut est déclaré « menacé » (BirdLife International, 2004), les effets de la fauche peuvent également paraître négatifs car elle se nourrit d’arthropodes terrestres en reproduction
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et nourrit ses jeunes avec des amphipodes (pour plus de 50 %) durant leur première semaine (Combreau et al., 1990). La fauche entraîne donc la disparition d’un item alimentaire principal qui peut potentiellement amener à des changements de zones d’alimentation et/ou à une réduction de la survie des jeunes Cailles, au moins durant leurs premiers jours.
L’usage de ces deux modes de gestion, contradictoires dans leurs effets sur les passereaux, s’avère très utile dans le contrôle d’espèces végétales envahissantes et dans le cas précis de prés-salés désertés par les agriculteurs depuis plusieurs années, comme en mer des Wadden. Ils induisent une augmentation de la diversité mais une mosaïque d’habitats doit être conservée pour ne pas induire de dominance d’espèces végétales et conserver des habitats spécifiques à certaines espèces de passereaux, pour certaines menacées, et très sélectives dans le choix de leurs habitats de reproduction (par exemple, la Gorgebleue dans les prés-salés de la baie de l’Aiguillon). La gestion de la biodiversité doit donc s’effectuer à partir de choix collectifs permettant, de façonner l’organisation spatiale des divers habitats constitutifs des schorres et la conservation de la biodiversité.
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