
- •Table des Matières
- •INTRODUCTION
- •1.2 Les multiples visages de la biodiversité
- •1.2.2 La biodiversité en tant que ressource alimentaire
- •1.2.3 La biodiversité marchande
- •1.2.4 Les biotechnologies
- •1.2.5 La biodiversité à protéger
- •1.2.6 La biodiversité dont on ne veut pas
- •1.2.7 Biodiversité et société
- •2.1 La classification du vivant et ses principes
- •2.1.4 Écosystèmes
- •2.4 Mesurer la diversité biologique
- •2.5 La distribution géographique de la diversité biologique
- •2.5.1 La diversité taxinomique des milieux aquatiques
- •2.5.2 Les gradients dans la répartition spatiale
- •2.5.4 Une organisation écologique: les biomes
- •2.5.5 Une organisation taxinomique: les régions biogéographiques
- •3.1.2 Le génome
- •3.2.1 Les mécanismes de la spéciation
- •3.2.2 Modes de spéciation
- •3.2.3 Gradualisme et/ou équilibres ponctués
- •3.3 Les extinctions
- •3.5 Quelques grandes étapes dans la diversification du monde vivant
- •3.5.1 Les grandes lignées évolutives et leurs relations
- •3.5.2 Des unicellulaires aux pluricellulaires
- •3.5.4 De la mer à la terre: un passage réussi
- •3.5.5 La longue histoire des vertébrés
- •4.1 Paléoenvironnements et diversité biologique
- •4.1.1 Les systèmes terrestres nord européens
- •4.1.2 Les forêts tropicales humides
- •4.1.3 Les systèmes aquatiques continentaux
- •4.2.1 Le mythe du bon sauvage
- •4.3 Dynamique de la diversité biologique et pressions anthropiques
- •4.3.1 La pression démographique
- •4.3.2 Utilisation des terres et transformation des paysages
- •4.3.4 La surexploitation
- •4.3.6 Les non-dits
- •4.4 Changement climatique
- •5.1 La diversité biologique: un système dynamique
- •5.2 Fonctions des espèces dans les écosystèmes
- •5.2.2 Les organismes ingénieurs
- •5.2.3 Groupes fonctionnels: complémentarité et redondance
- •5.2.4 Le cas des espèces rares
- •5.4 Les relations de voisinage entre espèces
- •5.4.1 La compétition
- •5.4.2 Les relations de coopération: commensalisme et symbiose
- •5.4.3 Le parasitisme
- •5.5 Chaînes et réseaux trophiques
- •5.5.3 Théorie des cascades trophiques
- •5.8 Rôle de la diversité biologique dans les cycles biogéochimiques
- •5.8.2 Minéralisation de la matière organique
- •5.8.3 Stockage à long terme des éléments minéraux
- •5.8.4 Recyclage et transport des éléments nutritifs par les consommateurs
- •5.9 Rôle des communautés biologiques
- •5.9.3 Rôle des communautés des sols
- •6.1.2 Le cas du paludisme
- •6.2 Les pathologies émergentes
- •6.3 Activités humaines, diversité biologique, et santé humaine
- •6.3.1 Les échanges intercontinentaux
- •6.3.2 Les nouvelles technologies liées au mode de vie
- •6.3.4 Les allergies
- •6.4.1 Résistance aux antibiotiques
- •6.4.2 Résistance aux pesticides
- •6.5.1 Les pharmacopées traditionnelles
- •6.5.2 Diversité biologique et industrie pharmaceutique
- •6.5.3 Biotechnologies
- •6.6 Maladies et changements climatiques
- •7.1 La domestication de la Nature: une longue histoire
- •7.4 La révolution biotechnologique et les OGM
- •7.4.1 La transgénèse
- •7.4.2 Les applications dans le domaine agricole
- •7.4.3 Comment prévenir les risques liés aux OGM?
- •7.5.2 La Convention sur la diversité biologique
- •7.5.3 Les catalogues
- •7.6 Brevets sur le vivant: un débat ouvert
- •8.1 Notions de biens et services fournis par les écosystèmes
- •8.2.2 Biens économiques et biens gratuits
- •8.2.3 Appropriation et/ou libre accès à la diversité biologique
- •8.4 Les usages de la diversité biologique
- •8.4.1 Usages alimentaires des ressources vivantes
- •8.4.3 Le bois
- •8.4.4 Les perspectives industrielles des biotechnologies
- •8.4.6 Écotourisme
- •9.2 Approches de la conservation
- •9.2.1 Conservation in situ et ex situ
- •9.3 Les aires protégées
- •9.3.5 Des réserves pour protéger les ressources marines
- •9.4 Une utilisation durable de la diversité biologique
- •9.4.1 Le développement durable
- •9.4.2 Les savoirs traditionnels
- •9.5 La conservation ex situ
- •9.5.1 Les jardins botaniques
- •9.5.2 Les parcs zoologiques
- •9.6 La biologie de la conservation
- •9.6.1 Fragmentation des habitats
- •9.6.3 Écologie de la restauration
- •9.7.1 Santé et/ou intégrité des écosystèmes
- •9.7.2 Les indicateurs biotiques
- •9.8.2 Cyclones et tempêtes
- •9.9 Les conventions internationales
- •9.10.1 Les inventaires patrimoniaux
- •9.10.2 Les protections réglementaires des sites naturels
- •9.10.3 Droit du paysage
- •9.10.4 La maîtrise foncière
- •EN GUISE DE CONCLUSION
- •INDEX
228 |
9 • La conservation de la diversité biologique |
|
|
étroite avec la science vétérinaire et sa recherche. Le rapport avec les amateurs et le public en général est très fort, soutenu par un élan de sympathie considérable, et par un commerce des animaux actif mais difficile à encadrer.
Dans le cas des espèces aquatiques, la dépendance vis-à-vis du milieu est particulièrement contraignante. Depuis très longtemps des aquariums et des stations marines ont été construits pour les êtres marins. Ces institutions ont une forte tradition d’association avec le public. Leurs missions portent sur l’information, l’éducation, la conservation et la recherche. Curieusement et en dépit de leur coût, elles sont mieux réparties que les jardins botaniques ou zoologiques à travers la planète et représentent assez bien la diversité des écosystèmes marins. Leurs financements viennent souvent de leur intégration dans des réseaux gouvernementaux et régionaux de gestion des ressources halieutiques ou de recherche fondamentale et appliquée.
9.6LA BIOLOGIE DE LA CONSERVATION
La biologie de la conservation est née à la fin des années 1970. Elle a pour objectifs d’évaluer l’impact des actions de l’homme sur les espèces, les communautés et les écosystèmes, et de faire des propositions concrètes pour lutter contre la dégradation des écosystèmes. Alors que la protection de la Nature a recours essentiellement aux moyens réglementaires pour soustraire les espaces et les espèces aux actions de l’homme, la biologie de la conservation utilise des concepts et théories empruntés à l’écologie, ou qu’elle contribue à développer, pour mettre en œuvre des actions concrètes et proposer des méthodologies appropriées pour la conservation de la Nature. Comme d’autres disciplines de «crise», à l’articulation de la science et de la gestion, alliant théorie et pratique, la biologie de la conservation donne la priorité à l’action. Elle travaille dans l’urgence puisque des espèces et des habitats menacés risquent de disparaître rapidement en l’absence de mesures efficaces.
Si dans un premier temps la biologie de la conservation s’est focalisée sur les espèces phares ou charismatiques, il est devenu rapidement évident que les questions posées par la conservation des habitats, de l’échelle locale à l’échelle planétaire, devenaient au moins aussi importantes que les connaissances portant sur la biologie des espèces. La restauration et la réhabilitation d’habitats, la réintroduction d’espèces joueront des rôles de plus en plus importants dans la reconstitution de la diversité biologique. Cela demande à la fois des approches ex situ et in situ dont les méthodes font de rapides progrès.

9.6 La biologie de la conservation |
229 |
|
|
Biologie de la conservation
viabilité des populations |
viabilité des processus |
Approche |
|
Approche |
|
Approche |
«espèce- |
|
«habitat- |
|
«écosystème- |
population» |
|
espace» |
|
paysage» |
Systématique, |
|
Biogéographie, |
|
Écologie des |
|
|
|||
Éthologie, |
|
Écologie |
|
écosystèmes, |
Génétique |
|
des communautés, |
|
Écologie des |
des populations |
|
|
||
|
Phytoscoiologie |
|
paysages, |
|
|
|
|
||
|
|
|
|
Relations homme- |
|
|
|
|
nature |
Figure 9.2 Les trois principales approches en biologie de la conservation (d’après Barnaud, 1998).
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
L’ingénierie écologique
«L’ingénierie écologique se définit comme la conception, la mise en œuvre et le suivi de la composante écologique d’un projet d’aménagement et/ou de gestion […] en accord avec l’évolution des connaissances et des méthodes en écologie». La mise en œuvre de l’ingénierie écologique s’appuie à la fois sur des concepts théoriques de l’écologie et sur un ensemble de techniques d’ingénierie qui permettent la restauration des systèmes. Par exemple, le réaménagement des carrières en eau (gravières) pour leur mise en valeur écologique, peut être réalisé par la création de zones en pente douce et la diversification des berges (pentes variées).
9.6.1 Fragmentation des habitats
L’un des thèmes favoris de la biologie de la conservation concerne la fragmentation des habitats naturels par les activités humaines et ses conséquences sur la biodiversité. Selon la théorie des équilibres dynamiques de la biogéographie insulaire, le nombre d’espèces présentes dans un écosystème est fonction de la surface de l’écosystème: la réduction des surfaces favorise en principe l’extinction de certaines
230 |
9 • La conservation de la diversité biologique |
|
|
espèces. Les biologistes de la conservation sont ainsi sollicités pour répondre à des questions relatives à la taille et la forme des réserves naturelles:
•Quelle est la taille minimale d’une réserve pour protéger telle ou telle espèce?
•Est-il préférable de créer une seule réserve de grande taille ou plusieurs petites réserves?
•Combien d’individus d’une espèce menacée est-il nécessaire de protéger dans une réserve pour éviter l’extinction?
•Lorsque plusieurs réserves sont créées, doivent-elles être proches l’une de l’autre, ou éloignées? Doivent-elles être isolées ou reliées par des corridors?
Ces questions sont l’occasion de mettre à l’épreuve certaines théories écologiques. Ainsi, mettant en avant la théorie des équilibres dynamiques en milieu insulaire, certains scientifiques estiment que des réserves de grande taille offrent une plus grande diversité d’habitats et abritent une plus grande variété d’espèces que les réserves de petite taille. En outre les populations de chaque espèce sont plus grandes, et les effets de lisière sont moins importants sur des grandes surfaces que sur des petites.
D’autres scientifiques estiment au contraire que plusieurs petites réserves permettent de protéger une diversité d’habitats plus importante que dans une grande réserve, pour une superficie totale équivalente, ainsi qu’une plus grande variété d’espèces rares. Ils mettent également en avant que plusieurs petites réserves minimisent les risques d’une catastrophe telle que le feu, une épidémie ou l’introduction d’espèces, qui peuvent détruire des populations entières dans une réserve.
9.6.2 Réintroductions d’espèces
La conservation ex situ apparaît non pas seulement comme une alternative, mais comme une démarche complémentaire de la conservation in situ. Ce sont des réservoirs d’individus pour la réinstallation ou le renforcement de populations sauvages d’espèces menacées. En effet, dans certaines situations, la dégradation de l’habitat est telle qu’on ne peut maintenir in situ des populations viables. L’alternative est simple: ou on laisse disparaître à jamais les espèces concernées, ou l’on tente des opérations de sauvetage en vue de préserver temporairement ex situ les populations menacées avec comme objectif de les réintroduire dans leur milieu d’origine si les menaces qui pèsent sur les espèces et les habitats disparaissent. Dans certains cas, l’habitat est détruit et on

9.6 La biologie de la conservation |
231 |
|
|
envisage alors de réintroduire l’espèce dans des habitats similaires à ceux dont elle est originaire: c’est la translocation.
Le projet de conservation d’une espèce menacée dans les parcs zoologiques se définit par ses objectifs: maintenir pendant deux siècles plus de 90% de la diversité génétique initiale, et maintenir une population de 250 à 500 individus en vue de la réintroduire dans son milieu naturel. Il existe pour plus de 300 espèces menacées des programmes d’élevage en captivité qui associent plusieurs zoos, de façon à maintenir des populations qui serviront de réservoirs génétiques pour la survie des animaux dans la Nature. Les parcs zoologiques ont ainsi bien réussi dans la conservation d’espèces telles que les bisons européens et américains, le cheval de Prejwalsky, etc.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
Il y a de nouveau des vautours en Lozère
La réintroduction des vautours fauves et des vautours moines dans les gorges du Tarn est un exemple de restauration de populations. Le vautour moine a disparu de cette région au début du XXe siècle et le vautour fauve peu après la Seconde Guerre mondiale. Classé nuisible, jugé maléfique, mais aussi trophée de chasse apprécié, ces charognards ont été massacrés pendant des siècles. Dans les années 1970, avec la création du parc national des Cévennes, le Fonds d’intervention pour les rapaces a entrepris de réintroduire les deux espèces à partir d’individus provenant des Pyrénées et de plusieurs zoos. Les premiers lâchers ont eu lieu au début des années 1980, et en 2000 près de 300 individus avaient recolonisé les Causses. On apprécie maintenant les retombées touristiques, et les bergers les utilisent comme équarrisseurs naturels.
9.6.3 Écologie de la restauration
Des ingénieurs et des spécialistes de la protection de la Nature ont tenté depuis longtemps de «réparer» les milieux dégradés. Ils l’ont fait de manière souvent empirique, avec leur expérience d’hommes de terrain, en fonction d’objectifs définis dans le cadre d’une gestion dite écologique des milieux et des espèces. De manière générale, les scientifiques ont longtemps négligé ce domaine jugé trop technique, mais certains d’entre eux ont progressivement réalisé tout l’intérêt de ces activités si on les abordait en tant que système expérimental. L’émergence de l’écologie de la restauration dans les années 1980 a donc

232 |
9 • La conservation de la diversité biologique |
|
|
pour origine l’interprétation scientifique de ces nombreuses interventions et manipulations de systèmes écologiques. Implicitement, l’écologie de la restauration véhicule l’idée qu’il est possible de conduire des expériences écologiques rigoureuses, qui permettent une démarche prédictive. En outre, les problèmes abordés par les pratiques de restauration sont une source de nouvelles questions sur le plan scientifique.
Il existe une terminologie complexe dans le domaine de l’écologie de la restauration. Donner une définition des termes utilisés qui soit reconnue par tous est un exercice périlleux. Il faut surtout savoir qu’il y a différentes formes de restauration qui s’inscrivent dans un continuum depuis la reconstruction de sites totalement dévastés comme ceux de zones minières, jusqu’à des opérations de portée limitée dans des écosystèmes peu perturbés.
–restauration (sensu stricto): c’est la transformation intentionnelle d’un milieu pour rétablir l’écosystème considéré comme indigène et historique, dans sa composition taxinomique originelle, ainsi que dans ses fonctions essentielles (production, autoreproduction) préexistantes.
–réhabilitation: lorsque la pression exercée sur un écosystème a été trop forte ou trop longue, ce dernier est incapable de revenir à son état antérieur même si l’on relâche la pression humaine. Seule une intervention humaine forte, mais limitée dans le temps, permet de replacer l’écosystème sur une trajectoire favorable au rétablissement de ses fonctions essentielles.
–réaffectation: lorsqu’un écosystème a été fortement transformé par l’homme, on peut en faire un nouvel usage sans chercher à le réhabiliter. C’est le cas lorsqu’on modifie un écosystème par une gestion visant à privilégier un élément ou une fonction particulière. Le nouvel état peut être sans relation de structure ou de fonctionnement avec l’écosystème préexistant dans le cas d’espaces mis en culture.
Pour certains, la biologie de la restauration inclut également la «création» qui consiste à créer de nouveaux habitats là où ils n’existaient pas auparavant.
Parmi les exemples d’application de la biologie de la restauration, on peut citer la récupération de sites très endommagés à la suite d’exploitations et de travaux d’aménagement (décharges, mines, pistes de ski,

9.7 L’approche préventive: le bilan de santé des écosystèmes |
233 |
|
|
gravières, chantiers, etc.). En particulier, les sites d’exploitation de roche abandonnés par l’industrie couvrent des surfaces importantes et constituent des milieux privilégiés de «réaménagement écologique». Le retour d’espèces emblématiques telles que le saumon est parfois mis en avant pour mener des opérations de restauration globale des cours d’eau.
Le lac d’Annecy en Haute-Savoie, considéré du temps de Rousseau comme un «pur miroir», était réputé auprès des pêcheurs pour ses poissons nobles tels l’omble chevalier. Dans les années 1950, on constata que l’omble se faisait plus rare et que la transparence de l’eau qui était d’une dizaine de mètres au début du siècle s’était réduite de moitié. La cause en fut vite identifiée: les rejets d’eaux d’égouts fortement chargées en nutriments en l’absence de traitements. Le lac était ainsi en voie d’eutrophisation, avec des symptômes évidents: diminution de la transparence des eaux, augmentation de la turbidité liée au développement du phytoplancton suite aux apports en nutriments. Un seul remède, traiter les eaux usées pour réduire les apports en nutriments. En 1957, les communes riveraines décident de construire un collecteur qui fait le tour complet du lac, et aboutit à une station d’épuration; les travaux durent jusqu’en 1972. Depuis, le lac a lentement retrouvé des eaux de bonne qualité. En 1993, la transparence était de 12 m soit la même que celle mesurée au début du siècle.
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
9.7L’APPROCHE PRÉVENTIVE:
LE BILAN DE SANTÉ DES ÉCOSYSTÈMES
Les gestionnaires qui ont besoin d’outils leur permettant de promouvoir des pratiques écologiquement acceptables se retournent vers les écologistes pour leur demander comment évaluer l’état écologique des écosystèmes. Le bilan de santé des écosystèmes est une approche intégrée qui met l’accent sur la «qualité» de la diversité biologique et fournit des lignes de conduite pour la restauration des écosystèmes endommagés. La diversité biologique est un élément essentiel de ces bilans car elle est le reflet, perceptible par les hommes, des conséquences des modifications physiques, chimiques et biologiques apportées au fonctionnement des écosystèmes. On peut dire ainsi que la diversité biologique est un «médiateur» entre les systèmes écologiques et les systèmes sociaux.