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Фран.яз биологический сбор / Фран.яз / Christian Lщvъque, Jean-Claude Mounolou Biodiversitщ Dynamique biologique et conservation 2008.pdf
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194 8 • La Nature « utile » : valeurs et usages de la diversité biologique

Les usages peuvent être directs ou indirects. Les valeurs d’usage direct correspondent par exemple aux bénéfices tirés de la production de denrées alimentaires, de la consommation sous forme de chasse, de cueillette, de pêche, de la fourniture de matière première industrielle et pharmaceutique, ou encore de l’observation de la flore et de la faune (tourisme vert). Les valeurs d’usages indirects sont essentiellement dérivées des fonctions écologiques: par exemple l’épuration des eaux, la régulation des cycles biogéochimiques, etc.

Les valeurs de non-usage ne sont pas reflétées dans les prix de marché. Il n’en reste pas moins que beaucoup d’actifs naturels, même s’ils n’ont pas de prix, sont toutefois crédités de valeur, qu’elle soit religieuse, philosophique, morale, culturelle, ou même économique. Il existe différents concepts de valeurs de non-usage qui mesurent le consentement à payer d’un agent économique pour la préservation de l’environnement et des actifs naturels:

Le prix d’option qui mesure le consentement à payer pour la préservation d’un actif naturel en vue d’un usage futur probable. Le prix d’option est comparable à une prime d’assurance.

La valeur de legs qui est le consentement à payer afin de préserver un actif naturel en vue de son usage par les générations futures.

La valeur d’existence mesure le consentement à payer sans que l’on anticipe un usage futur. Par exemple pour la préservation du panda, sans jamais espérer le voir un jour en liberté. Il s’agit en fait du véritable concept de non-usage, les précédents reflétant des usages différés ou probables.

Les méthodes d’évaluation des valeurs de non-usage sont beaucoup plus difficiles à formaliser que celles correspondant aux valeurs d’usage reflétées directement, au moins en partie, dans les transactions financières. L’approche la plus ancienne est celle des coûts de transport et d’équipement acquittés par les consommateurs pour avoir accès à la diversité biologique (parcs naturels, chasse, pêche). Une autre approche consiste à créer un marché fictif par le biais d’enquêtes. Appelée méthode d’évaluation contingente, elle consiste à demander aux individus leur consentement à payer (ce qu’ils seraient prêts à débourser…) pour conserver un élément de la diversité biologique, que ce soit une espèce ou un écosystème.

8.2.2 Biens économiques et biens gratuits

Pour procéder à l’évaluation économique de la diversité biologique il faut rappeler la distinction entre les biens économiques et les biens

8.2 Évaluation économique de la diversité biologique

195

 

 

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gratuits. Les premiers sont des biens rares et appropriables qui donnent lieu à des échanges marchands. Les seconds sont des biens libres et abondants, disponibles pour tous. Par définition, seuls les biens économiques sont pris en compte par le marché. Pour traiter des biens gratuits, on fait appel au concept d’externalité selon lequel l’activité d’un agent économique a des répercussions sur le bien-être d’autres agents, sans qu’il y ait entre eux un échange marchand ou une contrepartie monétaire. Ainsi une industrie chimique peut polluer une rivière et induire une perte de revenu ou de bien-être des utilisateurs situés en aval, sans que le prix du produit commercialisé par cette industrie ne le prenne en compte. Autrement dit, certains coûts liés à l’activité d’un agent échappent à la sanction du marché; ils sont supportés par la collectivité et non par l’agent qui en est à l’origine. Ces coûts, appelés effets externes ou externalités, correspondent à la différence entre le coût social (pour l’ensemble de la collectivité) et le coût privé. On a proposé des instruments tels que les taxes ou les subventions pour corriger ces effets hors marché.

8.2.3Appropriation et/ou libre accès à la diversité biologique

Dans quelles conditions peut-on envisager une gestion de la diversité biologique? Pour certains, la diversité biologique non domestiquée est un bien collectif, qui souffre de ne pas être approprié et géré durablement dans un souci de rentabilité à long terme. L’absence ou la mauvaise définition des droits de propriétés serait alors la cause première de l’érosion constatée de la diversité biologique. En effet, l’accès non contrôlé aux ressources communes peut être la cause d’une surenchère entre acteurs cherchant à s’approprier chacun le maximum de bénéfices dans le minimum de temps, ce qui conduit à une rapide surexploitation. Le spectre d’une telle situation, connue sous le nom de «tragédie des communaux», a conduit certains économistes à suggérer de privatiser la ressource ou d’en faire contrôler l’accès dans un cadre établi par la puissance publique.

Mais il y a controverse sur la question de savoir si les droits de propriété doivent être de nature privée ou publique. Dans de nombreuses sociétés, des règles coutumières et des modes de gestion traditionnels des ressources et des espaces permettent en réalité de réguler l’accès aux ressources naturelles là où la propriété commune a survécu. De fait, la propriété commune ou collective n’est pas obligatoirement synonyme de libre accès. Pourtant, dans les pays du Sud, les lois foncières et les

196 8 • La Nature « utile » : valeurs et usages de la diversité biologique

modèles de gestion centralisée importés de l’Occident ont souvent été à l’origine de la disparition des modes traditionnels de gestion de l’accès aux ressources, sans répondre pour autant aux objectifs affichés de protection de ces ressources. Par exemple, en Afrique, la gestion étatique centralisée de la pêche continentale, sur la base de modèles halieutiques développés dans les pays européens, est bien moins efficace que la gestion assurée par des communautés locales sur la base de pratiques traditionnelles. Ce savoir-faire des communautés est considéré par certains comme un élément essentiel à revaloriser pour la conservation de la biodiversité dans la perspective d’un développement durable.

8.3DONNER UN PRIX

À LA DIVERSITÉ BIOLOGIQUE?

Depuis le début des années 1990, les protecteurs de la Nature, pour mieux se faire entendre des politiques et des gestionnaires, ont largement participé à la promotion et à l’utilisation d’arguments de nature économique. La promesse de gains peut-elle rendre raisonnable? Autrement dit les pays qui ont la perspective de tirer bénéfice de leur diversité biologique vont-ils faire des efforts afin de la protéger et d’éviter les gaspillages? C’est un peu le pari de la démarche de nature économique qui consiste à inciter les acteurs du développement à considérer la diversité biologique non seulement comme un don de la Nature, mais comme une ressource valorisable qu’il est donc nécessaire de préserver. En ce qui concerne les outils économiques, il faut chercher à corriger les défaillances du marché et à rétablir le «vrai» prix des biens en y incluant le coût des dommages que leur production ou leur consommation inflige à l’environnement. Appliqué aux ressources génétiques, ce

Le marché est un outil au service de la société pour atteindre les objectifs qu’elle s’est donnée. Ce n’est pas lui qui est chargé d’élaborer des priorités en matière de conservation de la diversité biologique, mais le pouvoir politique, au travers des choix qu’il fait en matière de développement. La science économique quant à elle peut en principe contribuer à déterminer la manière la plus efficace de respecter les critères de durabilité et à développer des approches équitables permettant d’atteindre ces objectifs de conservation dans les sociétés marchandes actuelles.

8.3 Donner un prix à la diversité biologique?

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principe mène à la brevetabilité du vivant, à la reconnaissance des droits de propriété intellectuelle et à l’introduction de redevances (voir chapitre 7).

Le langage de l’économiste est ainsi devenu un langage de négociation susceptible d’harmoniser des intérêts divergents et d’orienter les décisions dans les échanges et les conflits. Les économistes deviennent alors, en théorie tout au moins, des médiateurs entre les scientifiques, les mouvements de conservation, les décideurs et les opérateurs.

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8.3.1 Que vaut l’ensemble des écosystèmes?

Les écosystèmes et leurs composantes sont à la fois un capital naturel et un générateur de services, sous l’angle des usages que l’on en fait actuellement ou que l’on pourrait en faire dans le futur. La confrontation de l’offre et de la demande définit la notion de service, qui peut être une valeur de loisir (promenade, baignade, pêche, chasse, cueillette), une valeur écologique, une valeur en tant que facteur de production (énergie, ressources en eau, ressources biologiques, etc.).

Une équipe d’écologistes, d’économistes et de géographes a tenté d’évaluer monétairement les services rendus chaque année à l’humanité par l’ensemble des écosystèmes du globe. Ils ont identifié dix-sept catégories de services rendus par les écosystèmes terrestres et aquatiques (tableau 8.2) et se sont appuyés sur une compilation d’études économiques disponibles en matière d’évaluation de l’environnement pour parvenir à une fourchette de 16 000 à 54 000 milliards de dollars par an, ce qui correspond (à titre d’ordre de grandeur) à près de 2 fois le produit national brut annuel de l’ensemble des pays.

Lorsqu’on compare ces évaluations pour différents types d’écosystèmes, les valeurs moyennes en dollars par hectare et par an varient de 577 pour les systèmes marins à 804 pour les systèmes terrestres, 969 pour les forêts, 8500 pour les lacs et rivières, 14 785 pour les zones humides. En proportion cependant, les océans contribuent pour 63% à la valeur globale, les zones humides pour 14,5% et les forêts pour 14%. En matière de biens et services, les cycles de nutriments contribuent pour plus de 50% au total global. La production de nourriture et l’approvisionnement en eau ne représentent respectivement que 4 et 5% du total.

Ce travail a suscité de nombreuses réactions mettant en doute la pertinence des méthodes et des évaluations. Les auteurs reconnaissent volontiers que les marges d’erreur sont très grandes. En réalité il s’agissait plutôt de frapper les imaginations par les ordres de grandeurs

198 8 • La Nature « utile » : valeurs et usages de la diversité biologique

TABLEAU 8.2 VALEUR GLOBALE MOYENNE DES BIENS ET SERVICES FOURNIS PAR LES ÉCOSYSTÈMES (DAPRÈS CONSTANZA et al., 1997).

Certains écosystèmes comme les déserts, les toundras, les zones glaciaires et les zones urbaines ne sont pas pris en compte dans cette estimation.

Écosystèmes

Superficie

Valeur relative

Valeur totale

%

106 ha

US$ ha–1 an–1

en 109 $ an–1

 

 

Océans

33 200

252

8 381

25,2

 

 

 

 

 

Milieux côtiers

3 102

4 052

12 568

37,8

 

 

 

 

 

Forêts

4 855

969

4 706

14,1

 

 

 

 

 

Prairies

3 898

232

906

2,7

 

 

 

 

 

Zones humides

330

14 785

4 879

14,7

 

 

 

 

 

Lacs et rivières

200

8 498

1 700

5,1

 

 

 

 

 

Terres arables

1 400

92

128

0,4

 

 

 

 

 

Valeur totale

 

 

33 268

100

de la biosphère

 

 

 

 

 

 

 

 

 

qui sont avancés et qui ne peuvent laisser indifférents. On doit souligner également que ces évaluations constituent une tentative en vue de démontrer que la conservation des écosystèmes «ordinaires» mérite autant de considération que celle des zones dites de grande valeur écologique.

8.3.2 Des «infrastructures naturelles»

L’idée de comparer des systèmes écologiques à des «infrastructures naturelles» est apparue à propos de l’évaluation des politiques publiques en matière de zones humides. Ce concept part d’une observation fondamentale: les zones humides remplissent des fonctions comparables à des équipements construits, telles que certaines stations d’épuration, ou des barrages mis en place pour écrêter des crues. Cette association d’idées visait en partie à établir des relations entre deux sphères de pensée et d’actions qui interviennent de manière indépendante dans la gestion des zones humides: le monde des gestionnaires de la ressource physique eau, et le monde des gestionnaires des milieux naturels. La conclusion est évidente pour les tenants de la protection des zones humides: celles-ci, du simple fait de leur fonctionnement, fournissent

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