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Textes complémentaires La mer, puissance et responsabilité

Homme politique et écrivain, académicien et ancien ministre, expert en affaires européennes et spécialiste de missions dangereuses, Jean-François Deniau est aussi un marin qui navigue depuis cinquante ans sur toutes les mers du globe. Après de sévères opérations pulmonaires et cardiaques, il a défié avec succès l'Atlantique et la maladie, en traversant à la voile l'Océan des Canaries aux Antilles, à bord d'un catamaran. Il a publié le récit de cette aventure. Sur ces mers, objets de tant de rêves et d'exploits individuels, se jouent aussi le destin et la puissance des peuples et des nations. Qu'est-ce que la mer pour les Français? Jean-François Deniau a répondu aux questions de Label France en évoquant les grands moments d'une histoire qui remonte à Jules César et à la guerre des Gaules.

Jean-François Deniau : Nous sommes le pays des quatre mers. Une situation privilégiée et exceptionnelle avec vue sur la mer du Nord, la Manche, l'Atlantique et la Méditerranée. Quant au domaine maritime, nous sommes le deuxième propriétaire marin du monde, après les États-Unis

Label France : Comment cela ?

Jean-François Deniau : Compte tenu des zones économiques exclusives, que la France a instituées en application du droit international, et de toutes les îles, habitées ou non, qu'elle possède encore, comme les Kerguelen ou Saint-Paul, dans l'océan indien. Il fallait avoir envie de l'air du large pour s'installer sur ces cailloux. Tous ces rochers ne font pas beaucoup de kilomètres de côtes... Non, mais aujourd'hui ils reprennent une valeur. Une petite île comme Clipperton, dans le Pacifique, avec les deux cents milles marins, cela fait beaucoup de milles carrés. De cette zone d'exploitation, nous ne faisons pas grand-chose pour le moment car il n'y a pas urgence, mais ce sera une des grandes richesses de l'avenir. Pourtant entre le continent et la mer, la France a préféré l'Europe au grand large. La tradition de la France est tournée vers l'intérieur. La France a donc eu des hommes de mer, mais n'a pas eu de tradition maritime.

Label France : A qui pensez-vous?

Jean-François Deniau : Sous l'Ancien Régime, à Colbert (l6l9-l683), qui a fait, pour la mer, des investissements à long terme, planté des chênes, fondé chantiers navals et corderies, formé cartographes et ingénieurs... Sous la IIIe République, à Georges Leygues qui, ministre de la Mer entre 1917 et 1920, fit de la flotte française une des premières du monde en qualité. Mais le ministère des Finances y était traditionnellement opposé, parce qu'une marine coûte très cher. Nous avons eu une politique maritime par à-coups : des moments brillants, mais non pas de continuité. Nous avons eu aussi de très grands armateurs. Au XVIe siècle, Jean Angot, avec plusieurs dizaines de bateaux, établit des comptoirs en Amérique, en Afrique ou en Asie. II faisait à la fois le commerce et la course, allant chercher les marchandises et les vendant et, s'il rencontrait un bateau dont le pavillon était celui d'un pays en guerre avec la France, il l'attaquait et le capturait.

Label France : La France aimait-elle ses corsaires ?

Jean-François Deniau : L’État les encourageait car ils ne lui coûtaient rien, ni en investissements, ni en fonctionnement. Au contraire, ils rapportaient, puisque le roi avait sa part, même lorsque les armateurs trichaient un peu en débarquant discrètement de nuit une partie de la cargaison. Comment expliquer cette préférence des Français pour la terre ? Les deux seuls peuples en France à avoir une tradition maritime sont les Normands - de Dieppe et de Honneur -, et les Basques qui, en plein Moyen Age péchaient la morue au large de Terre-Neuve. Les Normands, eux, avaient découvert l'Amérique cinq siècles avant Christophe Colomb.

Label France :  Et les Bretons?

Jean-François Deniau : Les Celtes ne sont pas naturellement des marins. Ils préfèrent l'intérieur des terres, ce qui n'empêchera pas, avec le temps, le goût de la mer de naître et une tradition maritime de se développer chez eux. A Saint-Malo d'abord... En Gaule, il y avait pourtant un grand peuple maritime, les Vénètes que César écrasera parce qu'il savait que pour tenir la terre, il lui fallait aussi tenir la mer. Pour anéantir toute forme de puissance maritime en Gaule, César en fera un massacre épouvantable et déportera tous les survivants.

Label France :  De quoi changer le destin !

Jean-François Deniau : De quoi priver, en tout cas la future France d'un peuple maritime maître des axes de communication sur l'Atlantique et la Manche.

Label France :  La France d'aujourd'hui comprend-elle mieux l'esprit de la mer?

Jean-François Deniau : Il y a des signes négatifs. Mais d'autres très encourageants : de nos jours un Français sur quatre vit de l'exportation. C'est une mentalité différente de celle d'autrefois. Il a fallu s'intéresser à des marchés, autant dire au grand large. Un métier où l'on ne se contente pas de se regarder soi-même, où il faut avoir le goût de l'invention et de la découverte. Et puis, il y a les grandes courses transocéaniques, avec de très grands marins. Une spécialité française et une nouveauté qui exalte chez beaucoup l’esprit de la mer... La mer, c’est une quatrième dimension pour un pays. On dirait que les Français s’y habituent.

Label France, 1996

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